Partager la valeur… c’est-à-dire précisément partager la valeur, créée par l’entreprise, entre les différents intervenants qui contribuent à la création de cette valeur, et garantir aux salariés, dont la rémunération ne dépend pas de la réalisation d’un bénéfice, de percevoir une part de celui-ci.
L’idée a rencontré une expression concrète dès les années 1950-1960, avec les dispositifs d’intéressement et de participation, mais il demeure que sa réalisation suppose de rapprocher des impératifs dont la conciliation est peu évidente. Comment en effet laisser aux salariés la garantie de percevoir leurs salaires, quel que soit le résultat de l’entreprise, tout en leur assurant de voir leur rémunération augmenter si l’entreprise est bénéficiaire ? N’est-il pas illusoire de vouloir donner aux salariés le meilleur des deux mondes ? Le risque pourrait être aussi, à trop brouiller les distinctions, de mettre en danger la qualification juridique des relations en cause. En clair, les salariés ne risquent-ils pas de se voir contester leur statut et de se trouver attraits dans le monde des associés, dont le droit à percevoir une rémunération suppose que la société ait réalisé un bénéfice ?
Toute l’utilité des dispositifs de partage de la valeur, tels que la récente loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, est de permettre que les salariés accèdent le plus facilement possible à une gratification dépendant du bon résultat de leur entreprise, dans des conditions avantageuses et sécurisées du point de vue juridique, fiscal et social. Autre challenge : celui de la simplicité, condition nécessaire pour que le partage de la valeur ne reste pas l’apanage des grandes entreprises. A l’aube de la mise en place d’une nouvelle grande loi de simplification du droit, annoncée récemment par le ministre de l’Économie, et alors que le droit social représente déjà une complexité difficile à supporter pour beaucoup d’entreprises, il convient de donner aux plus petites d’entre elles les outils adéquats pour permettre le partage de la valeur.
Car il ne faut pas s’y tromper : il n’est nullement question de faire bénéficier les salariés d’une forme de « clause léonine » qui leur garantirait d’appréhender une part du bénéfice de l’entreprise sans courir le risque correspondant, ni, si les parties se prennent au jeu, de n’accorder aux salariés que des miettes (la moyenne de 2 440 euros par salarié bénéficiaire, versés par les entreprises de 10 salariés et plus en 2020, chiffre mentionné dans le projet ayant donné lieu à la loi précitée, montre bien que l’avantage dont il est question n’est pas symbolique). En réalité, le partage de la valeur donnera corps à un alignement des intérêts des salariés et des associés/actionnaires qui se révélera vraisemblablement très précieux pour toutes les entreprises concernées.