La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Le partage de la valeur en cas de cession

Publié le 18 décembre 2023 à 8h00

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 3 minutes

Il existe plusieurs façons de partager la valeur avec ses salariés lors de la cession d’une entreprise. Aux côtés des mécanismes de rétribution financière (prime, mise en place de plan d’AGA ou de stock-options etc.), il existe également des outils juridiques facilitant la reprise par les salariés de leur entreprise. Au cœur de cette démarche se trouve la société coopérative et participative (SCOP) dite d’amorçage. Focus sur cet outil de partage de la valeur et de démocratisation.

Par Christophe Lefaillet, avocat associé en corporate/fusions et acquisitions et en fiscalité (droits d’enregistrement et IFI), Marion Houdu, avocat en corporate/fusions et acquisitions, et Caroline Froger-Michon, avocat associé en droit du travail et protection sociale

Un dispositif de rachat d’entreprise par les salariés

Pour rappel, le dispositif de SCOP d’amorçage a été créé par la Loi Hamon du 31 juillet 20141 en parallèle du dispositif plus connu d’obligation d’information des salariés à l’occasion de la cession de leur entreprise, leur permettant éventuellement de proposer une offre de rachat. Ce dispositif d’information des salariés s’impose aujourd’hui (i) aux entreprises de moins de 250 salariés réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros, (ii) en cas de vente d’un fonds de commerce ou de plus de 50 % des parts sociales ou du capital. 

La « SCOP d’amorçage » : un mécanisme de financement du rachat d’une entreprise par ses salariés

Le statut de « SCOP d’amorçage » a pour objectif de faciliter la reprise d’une entreprise par ses salariés, même aux moyens financiers limités. Ce statut, dérogatoire au régime légal de droit commun des SCOP, permet la détention majoritaire du capital par des investisseurs, non-salariés de l’entreprise, pendant une période transitoire de sept ans, sous condition de cession ou de remboursement d’un certain nombre de parts détenues par les investisseurs, au plus tard à la fin de cette période. 

Quelques chiffres introductifs (2) 

En France, le nombre des sociétés sous forme coopérative continue d’augmenter. Sur les 4 045 sociétés coopératives présentes dans le paysage français à la fin 2022, 2 606 étaient des SCOP. Même si les créations ex nihilo de SCOP restent majoritaires parmi les SCOP actives, la part des transmissions d’entreprises saines continue de progresser et atteignait 15 % des créations de SCOP à la fin 2022. La part des reprises d’entreprises en difficulté représentait quant à elle 8 %. Les secteurs des services, de la construction et de l’industrie restent les secteurs de prédilection de l’utilisation de cet outil juridique. 

La transformation en SCOP

Le reprise d’une société par ses salariés grâce au dispositif de « SCOP d’amorçage » va se dérouler en plusieurs étapes. 

La société dont la reprise est souhaitée va tout d’abord être transformée en SCOP. Ce type de société, qui avait été créé dès 19783, est une société à capital variable, pouvant être constituée sous la forme d’une SARL, SAS ou SA. En fonction de la forme sociale choisie, un nombre minimum d’associés également salariés de l’entreprise est imposé par la loi. 

La SCOP doit, par définition, répondre à des objectifs coopératifs : recherche de la pérennité de l’entreprise et du maintien des emplois de ses salariés. La répartition de ses résultats annuels est notamment très étroitement encadrée. 25 % au moins des bénéfices doivent être attribués chaque année à l’ensemble des salariés de la société (associés ou non), sous conditions d’ancienneté. 

Comme toute société coopérative, le principe « un homme / une voix » doit également s’appliquer aux associés coopérateurs. Pour les associés non coopérateurs (non-salariés), il est possible de prévoir dans les statuts que ces associés disposent ensemble d’un nombre de voix proportionnel au capital qu’ils détiennent. 

Il est à noter également qu’une société ne peut bénéficier du statut de SCOP qu’à la condition d’être inscrite sur une liste établie par le ministre chargé du travail. Une demande d’agrément doit être à cette fin adressée au ministre du travail au moment de la constitution de la SCOP. 

L’entrée transitoire au capital d’investisseurs non coopérateurs 

Dans une SCOP « classique », les associés coopérateurs (c’est-à-dire également salariés de l’entreprise) doivent obligatoirement détenir plus de 50 % du capital social pour que la SCOP bénéficie du régime fiscal de faveur attaché à son statut. Dans le dispositif de SCOP « d’amorçage » qui vient en réalité renforcer et moderniser la SCOP de 1978, un ou plusieurs investisseurs (non-salariés de la société) vont pouvoir détenir plus de 50 % du capital social, mais pour une durée limitée à 7 ans et tout en laissant aux associés coopérateurs la majorité des droits de vote. Les investisseurs vont  s’engager à céder ou obtenir le remboursement de tout ou partie de leurs parts sociales dans la société, ce qui permettra aux associés coopérateurs de la SCOP d’atteindre le seuil de 50 % du capital social au bout de la durée de 7 ans. Cet engagement doit impérativement figurer dans les statuts de la société et conditionne l’obtention du régime fiscal de faveur dont bénéficient les SCOP « classiques ». 

Fiscalement, les SCOP sont, en principe, soumises à l’impôt sur les sociétés. Elles peuvent néanmoins : 

­– déduire de leur bénéfice imposable la part des bénéfices nets distribuée aux salariés ; 

– déduire des provisions pour investissement. 

L’acquisition ou le remboursement des parts sociales des investisseurs « non coopérateurs »

Le délai de sept ans dont bénéficient les SCOP « d’amorçage », doit donc permettre à la société et/ou aux associés coopérateurs de trouver les moyens de financement nécessaires à l’acquisition et/ou au remboursement de tout ou partie des parts sociales détenues par les investisseurs. A cette fin plusieurs mécanismes peuvent être mis en place : 

– les associés non coopérateurs peuvent obtenir le remboursement de leurs parts sociales par la SCOP ou céder leurs parts à des salariés, auquel cas le prix de transfert sera majoré par un coût de détention temporaire des parts sociales ;

– l’assemblée des associés de la SCOP peut décider que les réserves légales et statutaires de la société soient utilisées pour acquérir les parts sociales proposées à la vente par les associés non coopérateurs, les parts étant ensuite annulées ou attribuées à des salariés ; 

– les statuts peuvent également prévoir que les bénéfices de la SCOP seront, pendant un délai de cinq ans, transformés en parts sociales (augmentant de fait la part des salariés au capital). 

En plus de ces mécanismes de cession, rachat ou remboursement de parts, le législateur a prévu un certain nombre de mesures destinées à faciliter la présence de salariés au capital de la SCOP. Les statuts de la société peuvent notamment valablement imposer aux salariés employés dans l’entreprise de souscrire ou d’acquérir un nombre déterminé de parts sociales, mais sans pour autant leur imposer des versements supérieurs au plafond de 10 % des salaires exigibles par l’article L. 3251-3 du Code du travail. 

Les statuts de la SCOP peuvent également prévoir que toute personne ayant été employée dans l’entreprise pendant un délai qu’ils précisent est admise sur simple demande en qualité d’associé. 

Enfin, les statuts peuvent imposer que le contrat de travail de toute personne employée dans la SCOP fasse obligation à l’intéressé de demander son admission comme associé dans le délai que les statuts précisent, sous peine d’être réputé démissionnaire à l’expiration du délai imparti. 

 

1.  Loi n°2014-856 relative à l’économie sociale et solidaire.

2. Source : rapport d’activité 2022 des sociétés coopératives.

3. Loi 78-763 du 19 juillet 1978.


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