Des indicateurs économiques en berne, des incertitudes sur les conséquences du Brexit dont l’échéance a encore été reportée et des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine dans un environnement favorisant une certaine forme de protectionnisme : autant de facteurs qui ont contribué à largement entamer l’optimisme des années précédentes dans le domaine du M&A, confronté à un léger ralentissement de l’activité. Dans un tel contexte, la 7e édition de l’étude sur les perspectives du marché européen des fusions-acquisitions, publiée par CMS en collaboration avec Mergermarket en septembre 20191, dresse un bilan en demi-teinte.
Par Laurent Hepp, avocat associé en fiscalité et membre de l’Executive Committee de CMS. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés qu’en fiscalité des transactions et private equity. laurent.hepp@cms-fl.com et Arnaud Hugot, avocat associé en corporate/fusions & acquisitions. Il assiste des industriels, des fonds d’investissement et des managers dans le cadre de tous types d’opérations de fusion-acquisition et de private equity, tant nationales qu’internationales. arnaud.hugot@cms-fl.com
En parallèle du ralentissement du marché européen du M&A qui s’élève en valeur à 652,2 milliards d’euros (soit une baisse de 22 % sur un an), l’étude relève que les dirigeants interrogés redoutent un ralentissement du rythme des transactions : près de la moitié des sondés (45 %) déclarant ne pas du tout envisager de procéder à des opérations de fusion-acquisition, contre 28 % l’an dernier. Par ailleurs, 73 % des personnes interrogées anticipent une baisse d’activité en Europe ou, à tout le moins, qu’elle n’augmente pas d’ici l’an prochain. Même ceux qui envisageaient activement des opérations adoptent désormais une attitude assez défensive, axée sur les désinvestissements et les acquisitions plus modestes, plutôt que sur les transactions transformatrices qui ont caractérisé le marché au cours des dernières années. Les répondants rationalisent leurs organisations – se concentrant sur leurs activités principales et sur les marchés locaux – et, souvent, n’envisagent d’acquérir que lorsque la cible détient des technologies spécifiques ou une propriété intellectuelle stratégique, ou offre une opportunité d’investir à un niveau de valorisation intéressant. Dans ce contexte, la majorité des personnes interrogées (95 % des dirigeants) augure d’un regain d’activité pour les opérations portant sur des entreprises en restructuration.
Au niveau mondial, le montant en valeur des transactions internationales entre le 3e trimestre 2018 et la fin du 2e trimestre 2019, a quant à elle augmenté de 42 % en glissement annuel pour atteindre 3 000 milliards d’euros, sur des volumes en baisse de 10 %. En comparaison sur la même période, les fusions-acquisitions en Europe ont diminué de 32 %, en valeur à 358 milliards d’euros, et de 14 % en volume. Ces chiffres s’expliquent par la domination des Etats-Unis sur le marché du M&A, le pays représentant plus de la moitié (51 %) de la valeur des transactions en 2019, son plus haut niveau jamais enregistré d’après Mergermarket. Au détriment des transactions européennes, de nombreux acheteurs américains semblent en effet s’être repliés sur leurs marchés nationaux en raison de tensions commerciales croissantes entre les Etats-Unis et leurs partenaires.
Les investissements chinois en Europe, qui avaient fortement contribué aux chiffres des fusions-acquisitions ces dernières années, ont par ailleurs baissé à des niveaux jamais vus depuis 10 ans, les préoccupations protectionnistes et de sécurité nationale ayant anéanti la confiance.
En conséquence, la part de l’Europe dans la valeur totale des opérations de M&A dans le monde est passée de 32 % au premier semestre 2018 à seulement 22 % au 1er semestre 2019.
Un peu à contre-courant, en France, le M&A semble cependant offrir une meilleure résistance en 2019, avec une légère augmentation en valeur par rapport à l’an dernier. Les indicateurs pour le pays comptabilisent un total d’opérations à 38,7 milliards d’euros pour 643 transactions au cours des neuf premiers mois de l’année 2019 (contre 687 en 2018), soit une hausse en valeur de 6,7 % par rapport à la même période en 2018, en dépit d’une baisse en volume. L’activité hexagonale tire ainsi son épingle du jeu en restant attrayante pour les investisseurs, avec plus de 10 milliards d’euros de transactions enregistrés pour le 6e trimestre consécutif.
1. Méthodologie de l’étude : analyse des chiffres des opérations de fusion-acquisition sur le marché européen, fondée sur les projections de 230 dirigeants d’entreprises et de fonds de private equity en Europe.