La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Décembre 2019

Publication immédiate ou différée d’une information privilégiée

Publié le 6 décembre 2019 à 16h25

Véronique Bruneau-Bayard et François Gilbert

L’égalité d’information des investisseurs, condition nécessaire et essentielle du bon fonctionnement des marchés financiers, impose que soit rendue publique toute information privilégiée. Si la publication de ce type d’information doit en principe intervenir dès que possible, elle peut par exception être effectuée, dans certains cas, de façon différée.

Par Véronique Bruneau-Bayard, avocat en corporate/fusions & acquisitions. Elle intervient notamment sur les sujets de gouvernance, de compliance et d’information réglementée. veronique.bruneau-bayard@cms-fl.com et François Gilbert, avocat au sein du département doctrine juridique. Il intervient notamment en droit des sociétés et droit des marchés financiers. francois.gilbert@cms-fl.com

Le principe : la publication immédiate de l’information privilégiée

Une information privilégiée désigne toute information précise et non publique qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou celui d’instruments financiers qui leur sont liés (article 7.1 du règlement 596/2014/UE dit «Abus de marché» ou «MAR1»).

Cette influence sur le cours de bourse, avérée ou simplement potentielle, jusitife que toute société cotée sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation soit tenue de rendre publiques les informations privilégiées qui la concernent directement (article 17.1 de MAR et article 223-1 A et 223-2 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers ou «RG AMF»).

Afin d’assurer une information satisfaisante du marché et de prévenir tout délit ou manquement d’initiés, cette publication doit intervenir «dès que possible» (article 17.1 de MAR).

L’AMF fait preuve de vigilance à cet égard et encourage même les sociétés ayant un doute sur le caractère privilégié d’une information à communiquer celle-ci «au plus tôt» (communiqué AMF du 21 décembre 2018).

L’exception : la publication différée de l’information privilégiée

L’émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d’une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes par une publication immédiate, sous réserve que ce retard de publication ne soit pas susceptible d’induire le public en erreur et que l’émetteur soit en mesure d’assurer la confidentialité de l’information (article 17.4 de MAR). Ces trois conditions impératives et cumulatives ont fait l’objet par l’AMF des précisions suivantes (recommandation AMF 2016-08 du 26 octobre 2016).

Tout d’abord, une société peut invoquer la protection de tels «intérêts légitimes» en cas, notamment, de négociations en cours relatives, par exemple, à une fusion, une scission, un achat ou une cession d’actifs significatifs, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d’affecter l’issue ou le cours normal de ces négociations. En revanche, l’intérêt social ou un prétendu principe général du secret des affaires ne saurait justifier un différé de publication.

Ensuite, le public est «susceptible d’être induit en erreur» notamment lorsque l’information dont la publication est différée est sensiblement différente d’une précédente annonce faite par l’émetteur, ou est contraire aux attentes du marché fondées sur des indications que la société a précédemment émises.

Enfin, pour assurer la confidentialité d’une information privilégiée, l’AMF recommande aux émetteurs d’empêcher l’accès à cette information aux personnes dont les fonctions ne justifient pas un tel accès et de veiller à ce que toute personne y ayant accès soit avertie des obligations y afférentes et des sanctions prévues en cas d’utilisation ou de diffusion indue de cette information. En tout état de cause, lorsque la confidentialité de l’information dont la publication a été différée n’est plus assurée, l’émetteur doit la publier dès que possible (article 17.7 de MAR).

Tout manquement aux obligations précitées est susceptible d’être lourdement sanctionné. L’AMF peut ainsi infliger une sanction pécuniaire dans la limite de 100 millions d’euros ou du décuple du montant de l’avantage retiré du manquement et pouvant être assortie d’une majoration dans la limite de 10 % de son montant (article L.621-15, III du Code monétaire et financier). Elle peut aussi requérir la suspension des cotations (article L.421-16 du Code monétaire et financier).

1. Market Abuse Regulation.


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