Les opérations de montée progressive au capital font apparaitre des problématiques spécifiques en lien avec la maîtrise du temps ; problématiques le plus souvent appréhendées par l’intermédiaire d’un pacte d’associés et de promesses.
Par Benoît Gomel, avocat en corporate/fusions & acquisitions. Il intervient dans le cadre d’opérations de fusion-acquisition de sociétés, de capital-investissement, de restructurations et de private equity. benoit.gomel@cms-fl.com et Julien Delvallée, of counsel au sein de la doctrine juridique, docteur en droit et maître de conférences à l’Université Paris-Sud (Paris-Saclay). Il intervient en droit des sociétés, droit commercial et droit des obligations. julien.delvallee@cms-fl.com
Il arrive que la cession d’une société se fasse en plusieurs étapes. Le premier enjeu de ces montées progressives au capital est celui de la sécurisation de l’opération. A ce titre, la pratique procède souvent via des promesses croisées d’achat et de vente entre les parties. Le mécanisme de la vente à terme peut aussi être utilisé, mais l’est moins souvent pour des motifs d’ordre fiscal.
Conduisant par nature à une coexistence des vendeur et acquéreur au sein de la cible, le laps de temps séparant la première cession du débouclage de l’opération constitue le second enjeu, lequel nécessite un encadrement «sur-mesure», par un pacte d’associés.
Le nécessaire encadrement des modalités de transfert des titres
D’abord, les problématiques d’encadrement des transferts de titres sont usuellement traitées par le recours à une inaliénabilité suffisamment longue pour couvrir la période de levée des promesses. Cependant, il existe un risque, certes marginal mais qui doit être intégré, qu’aucune des parties ne lève la promesse dont elle bénéficie. La persistance de la coexistence des parties dans le temps doit donc être traitée, ce qui conduit à se poser les questions usuelles d’une opération d’investissement au sein d’une société et, partant, à négocier un pacte d’associés complet avec la panoplie de droits et restrictions sur les transferts de titres qui l’accompagne.
L’opportunité de l’organisation de la gouvernance
Ensuite, c’est la gouvernance de la cible qui suppose l’adoption de modalités spécifiques. Pour l’essentiel, elles seront fonction de l’équilibre des participations et des qualités respectives des parties et, en particulier, de ce que l’acquéreur sera d’ores et déjà majoritaire ou non, ou encore de ce que le vendeur aura ou non la qualité de dirigeant de la cible. Dans ce dernier cas, une difficulté courante consistera à déterminer les conséquences d’une dégradation de la situation des parties sur la mise en œuvre des promesses.
La pratique recourt souvent à un organe collégial dans lequel les parties disposent de prérogatives leur permettant de soumettre un certain nombre de décisions à l’accord préalable de tout ou partie des associés. Cette problématique appellera une vigilance forte sur les sujets de contrôle conjoint, en lien notamment avec un éventuel contrôle des concentrations. La gouvernance pourra, par ailleurs, être un moyen d’essayer de régler un certain nombre d’inquiétudes des parties concernant la valeur à terme de la société, notamment lorsque le vendeur n’a pas la qualité de dirigeant pendant la durée des promesses.
L’épineux problème des garanties
L’exposé ne serait pas complet sans évoquer la question des garanties d’actif et de passif. Déjà complexe dans le cadre d’une cession ponctuelle de participation ou de contrôle, la problématique est ici décuplée par l’écoulement du temps et les phases successives d’acquisition des titres. En effet, envisager des garanties consenties à terme par un vendeur soulève un certain nombre de difficultés propres, susceptibles de compliquer encore davantage la situation.
L’intégration éventuelle des franchissements de seuils
Enfin, si l’opération intervient dans un environnement coté, les parties ne peuvent pas faire l’impasse sur la problématique des franchissements de seuils. Le risque d’un «excès de vitesse» et l’organisation, à chaque phase de la montée, de l’exécution des obligations déclaratives qui sont les leurs (à la hausse comme à la baisse), devront être intégrés, sans omettre la délicate question de l’action de concert.