La reprise d’ancienneté est une problématique importante en matière de restructuration. Elle constitue un facteur de sécurité pour les salariés mais entraîne pour le repreneur une charge potentielle, liée à des augmentations de salaires, des bonus ou des indemnités de rupture, qu’il ne faut pas négliger.
Par Nicolas de Sevin, avocat associé en droit du travail et protection sociale. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux, notamment dans le cadre d’acquisitions, de cessions, de rapprochements d’entreprises ou de restructurations. nicolas.desevin@cms-fl.com
Des justifications diverses
La reprise d’ancienneté des salariés à l’occasion d’une restructuration peut trouver de nombreuses justifications. Ce peut être une reprise d’ancienneté acquise auprès du précédent employeur ou au sein du groupe. Ce peut également être une clause destinée à reprendre l’ancienneté acquise au titre d’un ancien mandat social ou au titre d’un contrat de travail suspendu.
Des supports juridiques multiples
La source la plus habituelle de reprise d’ancienneté dans le cadre d’une réorganisation est bien entendu légale avec l’application de l’article L.1224-1 du Code du travail1 en cas de transfert d’entreprise2. Lorsque les conditions d’application de cet article sont réunies, la loi impose le transfert automatique et de plein droit des contrats de travail d’une entreprise à l’autre, ce qui emporte naturellement la poursuite de l’ancienneté.
Le caractère un peu automatique de la reprise d’ancienneté va se retrouver également dans toutes les situations où la convention collective de branche impose, parfois pour certains droits seulement, la reprise d’ancienneté dans la branche professionnelle ou dans le groupe.
La reprise d’ancienneté groupe a d’ailleurs vu son champ d’application étendu par la jurisprudence de la Cour de cassation3 qui a jugé que l’ancienneté des salariés mutés au sein du groupe devait être conservée dès lors que ces mutations entre les sociétés du groupe, sans rupture du contrat de travail en cours, résultaient de décisions prises au niveau de ce groupe.
Aux sources légales et conventionnelles, il faut bien entendu ajouter les sources contractuelles. Ce peut être :
– une clause claire et précise du contrat de travail qui stipulera une reprise, totale ou partielle, de l’ancienneté au sein du groupe ou au sein de la branche ;
– une convention de transfert du contrat de travail, qui est une convention tripartite conclue entre les deux employeurs successifs et le salarié, où les parties au contrat organisent le transfert du contrat de travail d’un employeur à l’autre.
Dans un arrêt important du 8 juin 2016, la Cour de cassation a reconnu que ces conventions de transfert avaient pour objet d’organiser non pas la rupture mais la poursuite du contrat de travail, emportant naturellement la poursuite de l’ancienneté du salarié.
Des effets importants
La reprise de l’ancienneté peut avoir des effets juridiques et financiers importants. Elle exclut par principe de prévoir une période d’essai avec le nouvel employeur car ces deux clauses sont difficilement conciliables. Elle peut aussi avoir des effets directs sur le déclenchement ou le calcul d’une prime ou de droits divers4. Enfin, elle sera prise en compte pour le calcul des indemnités de rupture5 ou pour l’évaluation des dommages et intérêts alloués par un juge en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La rédaction des clauses contractuelles mérite donc une attention particulière si l’on veut assurer à la fois la sécurité juridique et le cadrage financier. Plusieurs questions devront être examinées en amont : cette reprise d’ancienneté est-elle générale ou ciblée, ses effets sont-ils financièrement plafonnés ? Veut-on cumuler les effets par une application au calcul de toutes les indemnités de rupture : conventionnelles, contractuelles, etc. ? Cette reprise d’ancienneté va-t-elle s’appliquer pour le calcul de l’indemnité de départ en retraite ?
Enfin, et en fonction des situations, il faudra bien entendu respecter le formalisme du droit des sociétés afin de rendre opposable de tels engagements.
1. Ex article L.122.12.
2. Succession, vente, fusions, etc.
3. Cass. soc., 14 décembre 2005.
4. Bonus, options, retraites supplémentaires, etc.
5. Indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.