Parmi les outils à disposition des entreprises leur permettant de poursuivre leur activité, ceux du Livre VI du Code de commerce sont ceux des interventions d’urgence et, trop souvent, de la dernière chance.
Par Guillaume Bouté, docteur en droit, avocat membre de l’équipe Restructuring-Insolvency. Il traite l’ensemble des problématiques soulevées par la défaillance d’entreprises, amiable ou judiciaire. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux. Il est chargé d’enseignement à l’Université Paris II Panthéon-Assas et à l’ULCO. guillaume.boute@cms-fl.com
Le temps joue un rôle crucial dans toute intervention de ce type et, fréquemment, se révèle un obstacle à l’émergence d’une solution satisfaisante de retournement.
En effet, le lieu commun du temps trop étiré entre l’apparition des difficultés et la mise en œuvre des mesures favorisant le retournement demeure loin du cliché si bien que le temps effectivement disponible pour construire une solution de retournement est généralement, lui, trop bref ou mal utilisé.
Un premier temps trop long
Le constat est partagé et déploré de toutes parts. Les entreprises en difficulté tardent trop à utiliser les outils à leur disposition pourtant de nature à leur permettre de s’armer pour lutter contre leurs difficultés, ceci malgré le travail appréciable du législateur en la matière : multiplication des procédures préventives (mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde) ou des incitations à recourir à ces procédures (traitement favorable des personnes physiques – i.e., les dirigeants le plus souvent – coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle, ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, privilège de new money, etc.). La jurisprudence ne fait d’ailleurs pas défaut aux côtés du législateur. A titre d’exemple, les arrêts Cœur Défense sur les conditions – larges – d’accès à la sauvegarde sont symptomatiques.
Un second temps trop court ou mal utilisé
L’attente qui précède la mise en œuvre effective du traitement des difficultés conduit, fréquemment, à compliquer à l’extrême ce traitement. En amiable, l’imminence de l’état de cessation des paiements impose de mener des procédures de mandat ad hoc ou de conciliation tambour battant et de n’avoir plus comme outil à manier envers les créanciers que celui de la menace de l’ouverture d’une procédure collective qui les conduira à supporter les pires traitements.
En procédure collective, du point de vue de l’entreprise, il va s’agir :
– de trouver un repreneur et d’obtenir que celui-ci trouve en un temps record les ressources permettant de présenter un plan de reprise ; ou
– d’étirer la période d’observation sur un temps parfois déraisonnable dans l’espoir qu’enfin les planètes s’alignent et permettent à l’entreprise de construire un plan de continuation. Alors, souvent, apparaîtra comme seul résultat un plan ayant pour effet de repousser le «mur de la dette» et dont la bonne exécution relèvera du miracle.
En effet, les «bons» plans de continuation ont tendance à se raréfier au profit de plans limitant fortement les remboursements sur les premières années d’exécution et repoussant en fin de plan la majeure partie des remboursements.
Enfin, dans un tel contexte, les dirigeants sont souvent amenés à accumuler, entre l’apparition des difficultés et leur prise en charge, des comportements qui pourraient être qualifiés de faute de gestion une fois la procédure collective ouverte.
Nom de Zeus ! Il n’y a donc vraiment qu’au cinéma que le temps peut être remonté !
La clef de voûte d’un traitement raisonné des difficultés des entreprises, préservant au mieux les intérêts de l’entreprise, des salariés et des créanciers réside dans une prise en charge précoce.
A l’heure où une réforme des faillites se profile, des pistes sont évoquées afin de provoquer le basculement des mentalités et des pratiques. Parmi celles-ci, sans préjuger de leurs mérites respectifs, nous en relèverons deux des plus iconoclastes afin de nourrir le débat :
– accorder aux créanciers la faculté de déclencher une procédure préventive, amiable ou judiciaire ;
– limiter les outils disponibles aux procédures préventives et à une unique procédure curative liquidative. Dans cette optique, il s’agirait de parachever le travail entrepris en 2005 en renforçant tant la sauvegarde que la liquidation judiciaire.