Depuis plusieurs décennies, le législateur fiscal a davantage cherché à récompenser l’investissement durable et fidèle plutôt que la versatilité actionnariale. C’est vrai aussi bien pour les personnes physiques, au travers de l’abattement pour durée de détention sur les plus-values (encore en vigueur à titre optionnel pour les actions acquises avant le 01/01/2018), du régime applicable aux investissements dans les fonds dits « fiscaux » ou du Pacte Dutreil, que pour les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés (IS).
jean-charles.benois@cms-fl.com / Alexia Cayrel, avocat en fiscalité. Elle intervient essentiellement en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés, des actionnaires et des dirigeants.
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Une détention durable récompensée
Pour ces dernières, la récompense de la fidélité commence essentiellement au bout de deux années de présence au capital. Ce seuil est en effet celui de l’accès au régime mère et filiales applicable en matière de dividendes, de l’exonération de retenue à la source sur les revenus distribués, comme de l’entrée dans le régime des plus-values à long terme.
Il est à cet égard intéressant de noter que le législateur ou l’administration ont même étendu le bénéfice de certains de ces régimes à des situations n’y ouvrant pas nécessairement droit, mais entretenant à chaque fois un lien avec un investissement lui-même durable. C’est naturellement le cas des régimes de sursis, qui souvent reprennent l’antériorité des participations transférées ou échangées, afin de préserver une certaine neutralité fiscale. C’est aussi le cas d’augmentations de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription (DPS), pour lesquelles l’administration fiscale a expressément prévu la possibilité de bénéficier du régime du long terme lorsque les DPS procèdent de titres eux-mêmes détenus depuis plus de deux ans1, selon une logique d’alignement de l’accessoire sur le principal.
Une détention durable paradoxalement potentiellement défavorable
Mais la détention durable n’est pas toujours synonyme d’un traitement favorable, soit qu’elle ne soit pas prise en compte ou valorisée, soit à l’inverse qu’elle devienne un élément opposable au contribuable.
Dans la première catégorie, on notera par exemple le cas de certaines valeurs mobilières, dont le gain de cession ne sera jamais considéré comme éligible au régime du long terme. Que ce soit le cas des obligations n’est pas totalement étonnant s’agissant de titres de créances et non de capital. L’approche est économiquement moins convaincante s’agissant des bons de souscription d’actions2, compte tenu de la nature intrinsèquement capitalistique de ces instruments.
Dans la seconde, c’est naturellement le cas des moins-values de cession sur titres de participation détenus depuis plus de deux ans, qui doivent être réintégrées fiscalement, là où celles réalisées à court terme sont déductibles. Notons d’une part que la justification du caractère non-déductible parait discutable, sauf sous l’angle logique mais philosophiquement contestable d’un traitement inverse à celui réservé aux plus-values. Regrettons d’autre part l’approche pour le moment restrictive des juridictions du fond3 au moment de tirer pleinement les conséquences comptables et fiscales d’une modification de l’intention de l’associé, lorsque ce dernier renforce une participation qu’il n’entend cependant plus conserver durablement (désengagement stratégique, désinvestissement progressif, liquidation prochaine, etc.). En effet, dans ce cas, certains arguments permettraient de conclure qu’en l’absence d’intention de maintenir un lien durable entre l’associé et l’émettrice, et faute d’utilité de cette participation pour l’associé, cette dernière ne devrait plus être classée en « Titres de participation », mais reclassée dans un autre poste d’immobilisations financières, le résultat net futur de cession desdits titres relevant alors du régime du court terme. Force est de constater que cette approche reste débattue, et n’a pas encore été approuvée par le juge administratif, mais le pourvoi en cassation dans l’affaire Agapes pourrait conduire à trancher prochainement ce sujet.
1. BOI-BIC-PVMV-30-30-20, n°20 et 30.
2. Article 219, I, a ter du CGI.
3. CAA de PARIS, 2ème ch., 23/11/2022, 21PA05210, Sté Agapes. Voir à ce titre l’analyse de Sarah Dardour-Attali et Adrien Merchadier dans « Comment qualifier des titres souscrits lors d’une recapitalisation avant cession ? Le trouble persiste… », Option Finance, 23/02/2023.