Le 25 janvier 2023, la Cour de cassation a rendu un arrêt remarqué dans la saga sur la durée des pactes d’actionnaires bien connue des praticiens (19-25.478, Bull.).
antoine.melchior@cms-fl.com
Rappelons tout d’abord qu’il résulte de la prohibition des engagements perpétuels que toute partie peut unilatéralement résilier un engagement qui serait considéré comme tel, à tout moment, sous réserve du respect du préavis contractuel ou, à défaut de stipulation contractuelle, d’un délai raisonnable.
Or, face à un pacte d’actionnaires stipulant une longue durée, les juridictions ont à plusieurs reprises qualifié ledit pacte d’engagement perpétuel, ouvrant ainsi droit à une résiliation unilatérale de cet engagement (par exemple, s’agissant d’un pacte conclu pour une durée de 75 ans devant être requalifié en contrat à durée indéterminée (Cass. com., 21 sept. 2022, 20-16.994, Bull.). On imagine bien les conséquences préjudiciables de ces décisions s’agissant d’un contrat qui par nature doit pouvoir sécuriser les relations entre cocontractants pour la durée que les parties ont souhaité lui donner.
La question de la durée d’application du pacte d’actionnaires a, par conséquent, fait l’objet depuis longtemps d’une attention minutieuse des praticiens afin de sécuriser les parties en présence. Bien souvent, cette sécurisation passait par la stipulation d’une durée plus courte que ne l’auraient souhaité les parties.
Curieusement, la jurisprudence avait parallèlement validé à plusieurs reprises des pactes conclus pour de longues durées, suscitant ainsi le désarroi des praticiens et de leurs clients (par exemple, s’agissant de pactes conclus pour 20 et 99 ans considérés comme étant à durée déterminée et donc non perpétuelle et n’ouvrant par conséquent droit à aucune résolution unilatérale (Cass. com. 27 sept. 2005 n° 04-12.168 ; CA Paris 15 déc. 2020 n° 20/00220))
C’est donc un arrêt bienvenu qui vient d’être rendu par la Cour de cassation (formellement, l’arrêt émane de la première chambre civile, mais la solution sur la durée du pacte a pour auteur la chambre commerciale) en ce qu’il clarifie l’état du droit.
En l’espèce, un pacte d’actionnaires avait été conclu entre associés d’une société par actions simplifiée. Il stipulait être conclu pour la durée de la société, soit pour une durée de 99 années à compter de son immatriculation. Il était précisé par ailleurs qu’au terme de cette première période, le pacte serait automatiquement et tacitement renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogée.
Certaines parties au pacte notifiaient leur résiliation unilatérale de ce dernier au motif que son terme caractérisait un engagement perpétuel. Cette résiliation a été contestée en première instance puis devant la cour d’appel d’Aix-en-en Provence, celle-ci jugeant la résiliation régulière en retenant notamment que la durée du pacte telle qu’alignée sur la durée de la société, soit une expiration initiale le 24 janvier 2068, constituait une durée excessive, les signataires du pacte ayant à cette date entre 79 ans et 96 ans.
La Cour de cassation casse pourtant la décision d’appel en retenant au visa de l’ancien article 1134 du Code civil que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société.
Cet arrêt satisfera les praticiens, mais il faudra, s’il est fait application de la formulation du pacte en question, être vigilant sur les conditions de majorité auxquelles peuvent être prises les décisions de prorogation ou de dissolution de la société objet du pacte.