Le 1er décembre 1997, le Conseil de l’Union européenne initie la lutte contre la concurrence fiscale dommageable. Une résolution politique contenant le Code de conduite est adoptée.
Par Emmanuel Raingeard de la Blétière, maître de conférences Université de Rennes 1 ; Counsel, cabinet Landwell & Associés.
La lutte contre la concurrence fiscale dommageable
Le 1er décembre 1997, le Conseil de l’Union européenne initie la lutte contre la concurrence fiscale dommageable. Une résolution politique contenant le Code de conduite est adoptée. En substance, les Etats membres de l’UE veulent mettre un terme à la concurrence fiscale qu’ils se livrent entre eux pour attirer des activités ou des capitaux. Une telle concurrence ne correspond pas à la philosophie du marché intérieur, car loin de conduire à la création de valeur, à la croissance, elle résulte plutôt en un déplacement de la masse imposable des Etats à fiscalité lourde vers les Etats à fiscalité plus légère. Les mesures «ayant, ou pouvant avoir, une incidence sensible sur la localisation des activités économiques» au sein de l’UE sont ainsi dans le collimateur. Des critères sont définis pour permettre d’identifier ces mesures dites «dommageables». La suspicion porte sur celles établissant «un niveau d’imposition effective nettement inférieur, y compris une imposition nulle, par rapport à ceux qui s’appliquent normalement dans l’Etat membre concerné».
Lorsque tel est le cas, la mesure en cause fait l’objet d’une analyse prenant en compte d’autres critères tels que le fait que l’avantage soit accordé aux seuls non-résidents ou pour des transactions conclues avec des non-résidents, ou encore lorsqu’il est octroyé en l’absence de toute activité économique réelle ou de présence substantielle, etc. La transparence du système fiscal est aussi un critère d’évaluation. Durant la période 1998-2008, le groupe Code de conduite créé pour l’occasion s’attache à identifier les mesures dommageables puis s’emploie à leur démantèlement et à vérifier que les Etats membres n’en introduisent pas de nouvelles. Les résultats de cette politique ont été jugés satisfaisants et l’ensemble des mesures identifiées comme dommageables ont été amendées ou abrogées.
Notons que l’OCDE en parallèle s’était engagée, elle aussi, dans cette lutte contre la concurrence fiscale dommageable. Néanmoins, pour différentes raisons, ses travaux s’étaient rapidement focalisés sur la nécessaire transparence des Etats en matière fiscale, délaissant quelque peu l’aspect «sous-imposition».
La lutte contre le planning fiscal agressif
Au niveau de l’UE, 2008 marque un tournant dans la politique de lutte contre la non-imposition et la sous-imposition, la Commission et le groupe Code de conduite commencent à s’intéresser aux comportements des entreprises. Ils s’engagent peu à peu dans une lutte contre le «planning fiscal agressif». En 2012, la Commission européenne a réalisé une consultation publique pour recueillir des informations et des réactions sur un certain nombre de situations de double non-imposition (produits financiers et structures hybrides, absence de clause anti-abus, financements d’activité générant un revenu exonéré, etc.). Elle a, en fin d’année, publié un plan d’action pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
L’OCDE depuis 2008 s’était orientée, progressivement, dans la lutte contre le planning fiscal agressif. En 2012, elle s’est résolument engagée dans cette lutte comme l’atteste l’étude sur les hybrides, stratégies menant à des doubles non-impositions, et le lancement du projet «Base erosion and Profit Shifting». Le premier rapport BEPS remis en février 2013 au G20 montre la volonté de l’organisation de parvenir à des solutions. La lutte contre la «sous-imposition» est au cœur du débat. Celui-ci peut-être légitime, mais il ne faut pas tomber dans la facilité en stigmatisant les entreprises ou une catégorie d’Etats. En effet, un temps d’adaptation est nécessaire, car ne perdons pas de vue que «les pays du monde entier ont toujours considéré la planification fiscale agressive comme une pratique légitime (1)».
(1). Motifs de la recommandation de la Commission du 6 décembre 2012 (c(2012)8806 final), pt. 1.