L’engagement de l’instance dirigeante réside dans la manifestation concrète d’une volonté d’impliquer la direction et l’encouragement de tous les employés à adopter une culture d’entreprise éthique. Cette impulsion doit venir des dirigeants car elle facilite la transmission des valeurs éthiques au sein de l’entreprise et permet d’impliquer plus facilement toutes les parties prenantes (employées, tiers, etc…), conformément au principe de « tone at the top ».
Le niveau d’engagement est bien souvent évoqué et bien que ne figurant pas expressément dans les textes nationaux, il est néanmoins érigé comme un pilier de tout dispositif de conformité. Ce niveau d’engagement du dirigeant en matière de respect des normes ESG est devenu particulièrement crucial dans un contexte de judiciarisation de l’ESG.
Au-delà des nouvelles obligations en matière de durabilité et de transparence résultant de la directive dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), la communication sur le niveau d’engagement de l’entreprise sur les sujets ESG, en tant qu’outil d’évaluation de sa performance extra-financière, devient alors primordiale pour les entreprises, permettant au marché d’en mesurer l’étendue et le niveau de respect des normes de durabilité.
L’engagement de l’instance dirigeante : un pilier de la conformité ESG
La notion d’engagement du dirigeant figure expressément dans des textes d’origine anglo-saxonne, et plus particulièrement dans les lignes directrices relatives aux dispositifs anticorruptions du United Kingdom Bribery Act (UKBA) et du US Foreign Corrupt Practices Act (FCPA).
De même, les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme de l’ONU prévoient un Principe n°16 : « Pour pouvoir ancrer leur responsabilité quant au respect des droits de l’’Homme, les entreprises doivent formuler leur engagement de s’acquitter de cette responsabilité par le biais d’une déclaration de principe qui est approuvée au plus haut niveau de l’entreprise ».
En revanche, et à la différence des outils de conformité usuels (cartographie des risques, procédures de sélections des tiers, formations…), aucun des textes de droit interne (Sapin II, Devoir de vigilance, LCB-FT) relatifs à la mise en place d’un dispositif de conformité ne mentionne expressément l’engagement de l’instance dirigeante comme l’un des outils impératifs de conformité à mettre en place.
Toutefois, et malgré le silence des textes, cet engagement de l’instance dirigeante est une figure incontournable de la conformité de l’entreprise. Pour meilleure preuve, dès ses premières recommandations, l’Agence Française Anticorruption (AFA) a indiqué qu’un dispositif de conformité anticorruption repose sur « trois piliers indissociables », dont le premier est : « l’engagement de l’instance dirigeante en faveur d’un exercice des missions, compétences ou activités de l’organisation exempt d’atteintes à la probité ».
Mieux encore, un chapitre spécifique est consacré à l’engagement de l’instance dirigeante dans les Recommandations de l’AFA qui constituent un des principaux référentiels en matière de lutte anticorruption et plus généralement en matière de conformité.
Les composantes du « Tone of the top » : une exigence d’engagement élevé
Le « Tone of the top » ne résulte pas de la seule expression d’une volonté, par exemple dans le cadre de pétitions de principe ou de communications corporate. Le niveau d’implication de la direction va s’évaluer très concrètement dans l’engagement au niveau de la conception, la mise en œuvre, le contrôle et la sanction des règles de conformité, et plus généralement, du respect des normes ESG.
Ainsi, l’engagement de la direction doit se manifester par la mobilisation des moyens adaptés à la mise en œuvre d’un dispositif ESG, principalement par l’allocation des budgets nécessaires et la mise en place d’une gouvernance adaptées aux besoins de la structure.
Par ailleurs, le niveau d’engagement de la direction s’apprécie dans sa participation effective au déploiement des normes et des dispositifs de conformité, en particulier en matière de gouvernance. Par exemple, les bonnes pratiques recommandent de voir des membres de la direction intervenir directement dans les process d’élaboration et de validation des cartographies des risques ou, de façon encore plus opérationnelle, dans le processus de décision sur la sélection des tiers les plus à risques, ou encore dans le parfait suivi des formations ESG imposées ou non par les réglementations.
De même, l’intensité de l’engagement résulte aussi de l’effectivité du régime disciplinaire mis en place et, par conséquent, de la poursuite et les sanctions (proportionnées et adaptées) engagées en cas de non-respect des règles ESG.
Enfin, il s’agira pour les dirigeants de s’assurer de la mise en place des mesures de contrôle interne, et notamment par l’intégration du respect des normes ESG dans les grilles d’audit, et de façon plus générale au respect des nouvelles obligations en matière de durabilité résultant de la directive dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) intégrée désormais au Code de commerce (article L. 232-6-4 et suivants).
La communication du niveau d’engagement
La communication de l’instance dirigeante, sur les sujets ESG, s’est développée en interne à partir des codes de conduite dans lesquels on trouve habituellement une introduction rédigée et signée par l’instance dirigeante. Ce message d’engagement est également le plus souvent relayé dans les premières étapes des diverses formations ESG adressées aux collaborateurs.
Mais désormais, au-delà de cette communication interne, un mouvement d’accélération de la communication externe se développe. En effet, jusqu’à récemment il n’existait pas de texte spécifique prévoyant une communication externe sur le niveau d’engagement en matière d’ESG.
On peut toutefois relever que les Principes de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme disposent dans le Principe 16, déjà cité, que l’engagement de la direction « est accessible au public et fait l’objet d’une communication interne et externe au profit de l’ensemble du personnel, des partenaires commerciaux et d’autres parties concernées ».
Il est aussi précisé au Principe 21 que « les entreprises devraient être prêtes à communiquer l’information en externe, en particulier lorsque des préoccupations sont exprimées par les acteurs concernés ou en leur nom ».
Comme indiqué précédemment, le niveau d’engagement de la direction en matière de respect des normes ESG, s’apprécie concrètement par l’effectivité des dispositifs de conformité mis en place. Or, les textes les plus récents en matière d’ESG imposent des moyens de communication externes, notamment par le biais d’indicateurs chiffrés, qui, mécaniquement, permettent d’évaluer ces dispositifs et par conséquent le niveau d’implication de la direction.
Ainsi, la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a, notamment, introduit trois composantes principales dont la publication des mesures de vigilance raisonnable propres à identifier et prévenir les risques. Plus précisément, le Code de commerce prévoit dorénavant que : le « Plan de vigilance et le compte rendu de sa mise en œuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport mentionné à l’article L. 225-102 », autrement dit dans le rapport de gestion.
De même, le nouveau rapport de durabilité, résultant de la transposition de la directive CSRD, et prévu par le Code de commerce est amené à devenir un outil d’évaluation de ce niveau d’engagement, notamment par l’intermédiaire de sa publicité, puisqu’il est prévu, selon le Code de commerce (art. L. 232-6-3), que l’entreprise « inclut des informations en matière de durabilité au sein d’une section distincte de son rapport de gestion ».
Mieux encore, reprenant les référentiels fixés par les European Sustainibility Reporting Standards (ESRS), l’article R. 232-8-4 du Code de commerce expose les informations devant figurer dans le rapport de durabilité. En synthèse ces informations concernent l’ensemble des perspectives, stratégies, politiques et procédures de l’entreprise sur les sujets ESG.
A titre d’exemple, on peut relever les éléments suivants permettant d’évaluer très concrètement et en détail les engagements éthiques de l’entreprise et de sa direction :
– La stratégie de la société en ce qui concerne les risques liés aux enjeux de durabilité ;
– Les politiques de la société en ce qui concerne les enjeux de durabilité ;
– Les plans de la société, y compris les actions prises ou envisagées et les plans financiers et d’investissement connexes, pour assurer la compatibilité de son modèle commercial et de sa stratégie avec la transition vers une économie durable, la limitation du réchauffement climatique à 1,5° C ;
– La manière dont le modèle commercial et la stratégie de la société tiennent compte des intérêts des parties prenantes et des incidences de son activité sur les enjeux de durabilité ;
– La manière dont la stratégie de la société est mise en œuvre en ce qui concerne les enjeux de durabilité ;
– Les objectifs assortis d’échéances que s’est fixés la société en matière de durabilité et les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs, y compris, s’il y a lieu, des objectifs absolus de réduction des émissions de gaz à effet de serre au moins pour 2030 et 2050.
Plus précisément encore, concernant directement l’instance dirigeante :
– Le rôle des organes de direction, d’administration ou de surveillance concernant les enjeux de durabilité, ainsi que les compétences et l’expertise des membres de ces organes à cet égard ou les possibilités qui leur sont offertes de les acquérir ;
– Les incitations liées aux enjeux de durabilité octroyées par la société aux membres des organes de direction, d’administration ou de surveillance.
Ces informations communiquées par l’entreprise seront donc indirectement aussi un moyen d’évaluer et d’apprécier avec beaucoup de précision le niveau d’engagement en matière ESG.
Il sera observé que compte tenu du niveau de détail exigé par la loi et des difficultés de mise en œuvre subséquentes rencontrées par les opérateurs économiques, la Commission européenne a adopté, le 26 février 2025, un train de mesures dit « Omnibus » prévoyant un report d’applicabilité de cette obligation d’information pour certaines entreprises. Toutefois il convient de noter que le Parlement européen a, en parallèle de ce projet, voté le 3 avril 2025, le report de deux ans de l’application de la CSRD pour certaines grandes entreprises et les PME cotées (vague 2 et 3). Le report des obligations de reporting des informations de durabilité a été adopté par l’Assemblée nationale le 2 avril, puis définitivement par le Sénat le 3 avril, avec une possibilité de différer cette entrée en vigueur de deux ans. Désormais, les entités de la deuxième vague ne reporteront pour la première fois qu’en 2028 sur l’exercice 2027 et celles de la troisième vague ne reporteront pour la première fois qu’en 2029 sur l’exercice 2028.