La lettre gestion des groupes internationaux

Prix de transfert

L'attribution économique des actifs incorporels, enjeu majeur du BEPS

Publié le 9 octobre 2015 à 10h57    Mis à jour le 9 octobre 2015 à 18h27

Pierre Escaut et Marion David, PwC Société d'Avocats

Le programme de lutte de l’OCDE contre l’érosion des bases taxables (BEPS) vise principalement, en ce qui concerne les prix de transfert, à assurer la cohérence de la répartition des profits au sein d’un groupe international au regard des rôles effectifs des différentes entreprises du groupe.Ces rôles s’apprécient en termes de fonctions, de risques et d’actifs, trilogie centrale des prix de transfert.S’agissant des actifs, ce sont généralement les actifs incorporels qui sont déterminants car sources d’avantages compétitifs et de performance. Des études montrent ainsi que plus des deux tiers de la valeur des entreprises sont constitués par des éléments incorporels (processus de fabrication, brevets, marques, clientèle, etc.).

Par Pierre Escaut, avocat associé, et Marion David, directrice,  PwC Société d’Avocats

Dans les analyses de prix de transfert, il est en conséquence essentiel de comprendre quelles entités détiennent les actifs incorporels de valeur. La propriété de ces actifs sera l’un des critères permettant de conclure par exemple qu’une entreprise du groupe se caractérise plus comme un entrepreneur que comme un prestataire de services, et doit en conséquence supporter le risque de marché.

Compte tenu des enjeux liés aux actifs incorporels, on comprend ainsi que l’OCDE ait consacré l’un des volets de son programme BEPS aux actifs incorporels (l’action 8), où est mise en avant la notion de propriété économique des actifs incorporels.

La référence à cette notion n’est pas nouvelle. Elle apparaît ainsi déjà dans un précédent rapport de l’OCDE de 2010 relatif à l’attribution des profits aux établissements stables. Ceci s’explique par le fait que les établissements stables n’ont pas de personnalité morale, et ne peuvent ainsi pas être propriétaires, au sens juridique, d’actifs. Un établissement stable pourra néanmoins se voir attribuer la propriété économique d’actifs pour la détermination de ses résultats fiscaux.

La nouveauté introduite par l’OCDE dans son rapport sur les incorporels et dans le cadre du programme BEPS réside dans le fait que l’OCDE étend cette notion à la situation de filiales. L’OCDE considère ainsi que la propriété juridique d’actifs ne saurait conférer à elle seule le droit de conserver les revenus liés à ces actifs. Cela vise en particulier les situations où le propriétaire des actifs est purement passif et n’intervient ainsi pas dans la gestion des actifs, qu’il s’agisse de mise au point, d’amélioration, d’entretien, de protection ou d’exploitation des actifs.

La question peut par exemple se poser en pratique dans la situation d’une licence d’une marque, lorsque c’est le licencié qui décide et finance seul les investissements marketing permettant le développement de la marque et gère seul, de manière générale, la marque. Elle se pose aussi en matière de R&D, lorsque celle-ci est sous-traitée à une société du groupe qui agit de manière autonome et décide en particulier des programmes de recherche sans l’intervention du propriétaire juridique.

Dans des cas de ce type, les administrations fiscales peuvent être amenées, en s’appuyant sur cette notion de propriété économique dégagée par l’OCDE, à remettre en cause les prix de transfert : s’attaquer par exemple au taux de redevances payées par le licencié ou juger insuffisante la rémunération d’un prestataire de services en matière de R&D.

On constate que l’administration fiscale française développe ce type d’approche économique lors de contrôles fiscaux, alors même que la propriété économique des actifs n’est pas reconnue en tant que telle dans l’ordre juridique interne.

Il importe donc, lors de la détermination des politiques de prix de transfert liées aux actifs incorporels, d’analyser de manière très concrète la manière dont ils sont développés et exploités, en prenant en compte les interactions entre l’entreprise française et les entités liées étrangères.

Ce type d’approche s’inscrit dans une évolution d’ensemble où les administrations fiscales, dans la mouvance des travaux de l’OCDE sur le BEPS, n’hésitent plus à passer outre les qualifications juridiques et vont jusqu’à remettre en cause les méthodes de prix de transfert et les flux correspondants en faisant prévaloir des approches très factuelles de type économique.


La lettre gestion des groupes internationaux

Le country-by-country reporting, vers un nouvel instrument d'évaluation des risques prix de transfert pour l'administration fiscale ?

Michel Combes, PwC Société d'Avocats

Les travaux de l’OCDE regroupés sous la terminologie du Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) comportent un volet prix de transfert dans son action 13 visant à promouvoir la transparence pour les administrations fiscales par une amélioration de la documentation prix de transfert et l’élaboration d’un modèle type de communication d’information pays par pays. Ce projet passe par une obligation de reporting fiscal pays par pays dite country-by-country reporting (CBCR) dont le contenu vient renforcer les obligations déjà existantes en matière de documentation des prix de transfert entre entreprises associées.

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