La lettre gestion des groupes internationaux

Prix de transfert

Le country-by-country reporting, vers un nouvel instrument d'évaluation des risques prix de transfert pour l'administration fiscale ?

Publié le 9 octobre 2015 à 10h54    Mis à jour le 9 octobre 2015 à 18h27

Michel Combes, PwC Société d'Avocats

Les travaux de l’OCDE regroupés sous la terminologie du Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) comportent un volet prix de transfert dans son action 13 visant à promouvoir la transparence pour les administrations fiscales par une amélioration de la documentation prix de transfert et l’élaboration d’un modèle type de communication d’information pays par pays. Ce projet passe par une obligation de reporting fiscal pays par pays dite country-by-country reporting (CBCR) dont le contenu vient renforcer les obligations déjà existantes en matière de documentation des prix de transfert entre entreprises associées.

Par Michel Combe, avocat associé, PwC Société d’Avocats

Dès lors, la question de la manière dont l'administration fiscale entendra reprendre ces travaux de l’OCDE du point de vue du droit interne est posée. Interrogée à plusieurs reprises sur le sujet, l’administration fiscale a eu l’occasion de rappeler à chaque fois que le projet de CBCR emportait de sa part un total soutien, s’intégrant dans un courant visant à promouvoir la transparence et l’échange d’informations en matière fiscale, ceci incluant en particulier la question des prix de transfert.

Une illustration des effets du projet de CBCR avait déjà été donnée lors des travaux et des discussions relatifs à la loi de finances pour 2015. Un amendement, non retenu au final, déposé le 6 novembre 2014 devant l’Assemblée nationale par Mme Rabault, rapporteure générale de la Commission des finances, Mme Berger et M. Galut, députés, visait à anticiper ces travaux de l’OCDE en introduisant un renforcement du contenu de l’obligation documentaire prévue par l’article L. 13 AA du LPF.

Selon l’exposé des motifs, il s’agissait plus précisément d’ajouter à la documentation concernant les prix de transfert des groupes multinationaux des informations agrégées sur leur présence à l’étranger semblables aux demandes de l’OCDE dans le cadre de son projet et à la loi bancaire.

Rappelons à cet effet que des informations sur l’implantation de toutes les entreprises associées, dans chaque Etat ou territoire auraient dû être fournies au terme de cet amendement, principalement :

  • le nom des implantations et la nature d’activité ;
  • le chiffre d’affaires ;
  • les effectifs, en équivalent temps plein ;
  • les bénéfices ou pertes avant impôt ;
  • le montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables ;
  • les subventions publiques reçues.

Ce simple énoncé permet de relever quels sont les enjeux de prix de transfert attachés à cette première tentative pour intégrer le CBCR dans l’ordre juridique interne. Il constitue pour l’administration une étape supplémentaire dans le corpus documentaire sur les prix de transfert, entamé dès 2010 avec l’instauration de la documentation obligatoire en vertu de l’article L. 13 AA du LPF, et poursuivi en 2014 par la mise en place d’une obligation de dépôt d’informations en matière de prix de transfert dans les six mois de la déclaration de résultats selon l’article 223 quinquies B du CGI.

S’agissant du BEPS, en plus particulièrement du CBCR, un haut responsable de la DGFIP résumait ainsi les enjeux attachés à ce projet OCDE : «A terme, ces outils contribueront à mieux connaître les résultats mondiaux des firmes internationales et à permettre une juste répartition des bases taxables entre les juridictions (1).»

La transparence en matière de prix de transfert est donc au centre des préoccupations.

Le CBCR, en ce qu’il permettra aux administrations fiscales d’appréhender la juste répartition des profits entre entités et juridictions, en accord avec la chaîne de valeur des intervenants aux transactions intragroupes, apporte donc un outil supplémentaire et majeur de revue des risques prix de transfert et de programmations des contrôles fiscaux.

Ainsi, au travers des indicateurs repris par le format existant de CBCR (activités, chiffre d’affaires, bénéfices, impôts), les administrations auront la faculté de mettre en parallèle l’existence de profits ou de pertes et le niveau d’imposition avec les fonctions, les risques et les actifs mis en œuvre dans les différentes filiales ; ce qui les conduira le cas échéant à contester certaines situations en prenant une approche intégrant des éléments issus des reportings réalisés par certaines des entités associées à la transaction pour en souligner l’incohérence apparente avec leur profil fonctionnel.

De même, une focalisation sur les questions de substance effective des filiales est probable, par le biais de l’obligation de reporter des informations sur les effectifs des entités concernées, une corrélation pouvant alors être faite entre les moyens nécessaires pour agir d’une entreprise associée et ses ressources internes effectives.

Enfin, le CBCR tel que repris par l’amendement évoqué conduisait aussi à devoir révéler le montant des subventions publiques reçues, permettant à l’Etat d’avoir un regard critique sur le niveau de subventions reçues par les entreprises multinationales dans un contexte de contraction des financements publics.

Une conclusion s’impose donc à ce stade. Même si le format et le contenu du CBCR tel que développé par l’OCDE peuvent évoluer, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un projet majeur du BEPS, soutenu par les Etats et dont la mise en place à court terme, déjà anticipée par certains d’entre eux, ne souffre que de peu de doute d’un point de vue français.

Il est donc incontournable pour les entreprises d’anticiper cela par la mise en place d’outils dédiés de collecte interne de données, et de s’assurer que s’agissant des prix de transfert, les éléments collectés sont cohérents entre eux et avec les documentations réalisées par les différentes filiales, et ne révèlent pas de situations porteuses de risques.


1. «Contrôle des prix de transfert : qui suis-je ?», T. Viu – Gestion et Finances Publiques – n° 1-2 – janvier-février 2015.


La lettre gestion des groupes internationaux

Fiscalité de l'économie numérique : les derniers développements internationaux

Michel Combe, PwC Société d'Avocats

Alors que l’OCDE n’a pas encore finalisé ses recommandations en matière de fiscalité de l’économie numérique, force est de constater que les Etats ou leurs élus n’ont pas attendu que le consensus s’établisse au sein de l’OCDE pour proposer voire pour mettre en œuvre des mesures fiscales visant l’économie numérique.En France, la publication du rapport de France Stratégie en mars 2015 a été une illustration de cette démarche. A la lecture de ce rapport, la presse a pu ainsi évoquer un retour de la «taxe Google» ou de son pendant dans l’univers de l’e-commerce, la «taxe Amazon».

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