La lettre gestion des groupes internationaux

Prix de transfert

Prix de transfert sur les produits de base : de nouvelles précisions sur les méthodes à privilégier

Publié le 9 octobre 2015 à 11h36    Mis à jour le 9 octobre 2015 à 18h27

Gregoire Caulliez

Dans le cadre de l’action 10 du plan BEPS (dont l’objectif est de «faire en sorte que les prix de transfert calculés soient conformes à la création de valeur»), l’OCDE a publié des travaux sur les questions de prix de transfert sur les transactions transfrontalières de produits de base («commodities»).

Par Grégoire Caulliez, avocat, PwC Société d’Avocats

Un premier projet a été publié le 16 décembre 2014 pour appel à commentaires. Une version modifiée de ce projet devait être publiée lors de la version finale du projet BEPS en octobre.

En substance, le projet de rapport propose que les orientations suivantes soient prises pour déterminer le plus précisément possible les prix de transfert des transactions portant sur des produits de base :

  • indiquer que la méthode du prix comparable sur le marché libre est en règle générale la méthode la plus appropriée pour établir les prix de transfert pour les transactions entre entreprises associées portant sur des produits de base et mentionner que les prix cotés ou prix accessibles au public («prix cotés») peuvent être utilisés comme références pour déterminer les prix de marché ; les prix cotés peuvent être obtenus auprès de marchés transparents (London Metal Exchange, Chicago Board of Trade, etc.) ou auprès d’agences spécialisées (Platts, Argus ou Bloomberg) ;

  • retenir la date d’expédition comme étant la date présumée de fixation du prix aux fins d’une transaction entre entreprises associées portant sur des produits de base lorsque la date de fixation des prix effectivement choisie par les parties à une transaction ne peut être connue ou ne peut pas être vérifiée avec suffisamment de précision par les autorités fiscales.

Ces recommandations, et en particulier l’usage de la méthode du prix comparable sur le marché libre, correspondent déjà à une pratique usuelle tant des acteurs économiques concernés que des administrations fiscales. A cet égard, elles se rapprochent par certains aspects de la méthode appliquée par certains pays d’Amérique latine souvent appelée «sixième méthode».

Toutefois, et comme le souligne à juste titre ce projet, les règles de fixation des prix de transfert doivent être conçues et appliquées en tenant compte du contexte économique, des particularités d’un secteur et des modèles d’activité adoptés par les entreprises associées pour éviter de conduire à des résultats arbitraires ou irréalistes.

Or, en ce qui concerne les produits de base, il existe un certain nombre de situations où des prix cotés ne peuvent pas être utilisés au regard des difficultés à opérer des ajustements suffisamment pertinents pour tenir compte des particularités de la transaction intragroupe. Aussi, l’existence de cotations pour certains produits ne permet pas nécessairement d’appliquer la méthode du prix comparable avec suffisamment de pertinence.

Par ailleurs, des méthodes alternatives peuvent parfois se révéler aussi plus pertinentes pour analyser des transactions intragroupes relatives aux produits de base. A cet égard, pour l’application de la méthode du prix comparable, le recours à des comparables internes (transactions entre une partie à la transaction et des tiers) peut dans certaines circonstances permettre de déterminer plus directement le prix de pleine concurrence d’une transaction entre parties liées que l’utilisation de prix cotés. De même, parmi les autres méthodes préconisées par l’OCDE, certaines peuvent parfois être retenues même pour des transactions concernant des produits de base. C’est en particulier le cas de la méthode transactionnelle de partage de profits, dite de «profit split», lorsque des transactions sont fortement imbriquées, ou encore de la méthode du prix de revente minoré lorsqu’une des sociétés a un simple rôle d’intermédiaire.

Dans ce contexte, il faut espérer que l’application de ces recommandations par les administrations fiscales sera réalisée avec précaution et mesure, et qu’elles ne conduiront pas à une mise en œuvre systématique de méthodes basées sur la recherche de prix cotés mais que l’utilisation d’autres méthodes, lorsqu’elles s’avéreront plus appropriées, pourra également être envisagée afin de prendre en compte la très grande variété des situations pour les transactions sur les produits de base.

En toute hypothèse, la justification du caractère de pleine concurrence d’une transaction intragroupe concernant des produits de base ne pourra plus faire l’économie d’une analyse et d’une comparaison avec des prix cotés lorsque ceux-ci existent.

Cela ne signifie pas que des écarts entre les prix pratiqués et les prix cotés ne pourront pas exister mais ils devront faire l’objet de justifications précises. Il en sera de même pour ce qui concerne la date de fixation du prix si une date différente du jour d’expédition est retenue.

Ces éléments de justification pourront en particulier résider dans :

  • les particularités des termes et des conditions des transactions intragroupes (quantité et qualité des marchandises, termes et conditions de livraison, base de prix, clauses éventuelles de variation de prix, assurance, liquidité du marché, etc.) ;

  • les pratiques usuelles de marché de la société et du secteur (par exemple s’il s’avère que les prix sont déterminés selon une formule spécifique, qu’il s’agisse de ventes intragroupes ou de ventes à des tiers ou si une date différente de la date d’expédition est prise en compte) ;

  • une analyse précise de la chaîne de valeur afin de comprendre comment les fonctions, actifs et risques de chacune des parties aux transactions peuvent avoir une influence sur les montants des transactions intragroupes (il convient de relever que les prix cotés concernent souvent les ventes réalisées au dernier stade de production).

Les groupes devront s’assurer que les termes des contrats et l’allocation des risques entre les parties aux transactions intragroupes correspondent à celles qui pourraient exister dans le cadre de transactions entre tiers. Sur ce point précis, les réflexions conduites dans le cadre des actions 8, 9 et 10 du projet BEPS visant à délimiter avec précision les transactions réelles, la pertinence et la répartition des risques, ainsi que la détermination des caractéristiques économiques, devront faire l’objet d’une attention toute particulière.

Il convient finalement de relever que, face aux nombreuses difficultés pour la détermination des prix de pleine concurrence des produits de base dans un cadre intragroupe, l’OCDE encourage le recours à des procédures amiables pour régler les éventuelles situations de double imposition qui pourraient survenir.

Il faut souhaiter que cette orientation puisse être poursuivie à l’avenir non seulement avec les partenaires économiques de l’OCDE mais également avec un certain nombre de pays émergents pour lesquels il existe des flux significatifs de produits de base. Le développement de clauses facilitant la détermination des prix sera nécessaire pour prévenir les différences d’appréciation qui pourraient résulter entre administrations fiscales. A cet égard, la convention fiscale récemment conclue entre la France et la Colombie va dans ce sens, en ce qu’elle contient une clause d’arbitrage en cas d’échec de la procédure amiable.


La lettre gestion des groupes internationaux

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