Les prix de transfert ont connu ces dernières années de multiples développements au sein de l’OCDE bien sûr, mais aussi au niveau de l’Union européenne et des Nations Unies. De nombreux Etats, y compris les pays en voie de développement, ont en parallèle mis en place des législations et réglementations de plus en plus contraignantes afin d’en réguler la pratique.
Par Eric Bonneaud, avocat associé, PwC Société d’Avocats
Mais un tournant majeur est intervenu avec le programme BEPS de l’OCDE, dont les travaux, soutenus par de nombreux gouvernements, marquent une avancée notable avec la publication ce mois d’octobre de la majorité des rapports sur les sujets couverts par ces études.
Que de chemin parcouru en effet depuis 2013 et la Déclaration sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (1) – créant le BEPS – et l’adoption en 2014 de la Déclaration sur l’échange automatique de renseignements en matière fiscale (2).
S’agissant en particulier du BEPS, ces deux dernières années ont été caractérisées par une accélération dans les travaux par l’OCDE, appuyée par les Etats, membres ou non de l’Organisation, sujets à diverses consultations publiques, et répartis en 15 actions principales.
Le fil directeur de ces travaux pose le postulat de la création d’un environnement stable et propice aux échanges et à l’investissement passant par la mise en place de règles fiscales appropriées au niveau mondial. Est désigné comme un frein à cette finalité un système dans lequel les opérateurs peuvent sans difficulté transférer leurs bénéfices vers des pays à fiscalité faible ou nulle, sans aucun lien avec le lieu où s’exercent les activités économiques concernées.
Ainsi, les Etats ont affirmé avec force que le combat contre les phénomènes BEPS est une priorité absolue. En plus de leur effet sur les recettes fiscales nationales, ils peuvent avoir des effets négatifs sur l’investissement, la concurrence et l’emploi au niveau mondial.
Doté d’un calendrier ambitieux, on rappelle que ce plan est articulé autour des actions suivantes, chacune prise isolément pouvant être connectée aux autres :
- relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique (action 1) ;
- neutraliser les effets des montages hybrides (action 2) ;
- renforcer les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (action 3) ;
- limiter l’érosion de la base d’imposition via les déductions d’intérêts et autres frais financiers (action 4) ;
- lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance (action 5) ;
- empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales (action 6) ;
- empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable (action 7) ;
- faire en sorte que les prix de transfert calculés soient conformes à la création de valeur intégrant les questions relatives aux biens incorporels, aux risques et au capital ainsi qu’aux transactions à haut risque (actions 8, 9 et 10) ;
- mettre au point des méthodes permettant de collecter et d’analyser des données sur le BEPS ainsi que les mesures prises pour y remédier (action 11) ;
- obliger les contribuables à faire connaître leurs dispositifs de planification fiscale agressive (action 12) ;
- réexaminer la documentation des prix de transfert (action 13) ;
- accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends (action 14) ;
- enfin élaborer un instrument multilatéral permettant d’appliquer les mesures se rapportant aux conventions fiscales (action 15).
Un point final sera donné en principe en décembre avec l’engagement pris par tous les membres de l’OCDE et les pays du G20 d’adopter l’ensemble complet des rapports et des recommandations prenant en compte la nature intégrée du BEPS.
Ce projet BEPS, global, couvre non seulement la sphère des prix de transfert mais également de la fiscalité internationale.
Chacun guette maintenant la réaction des Etats et leur volonté de reprendre à leur compte les préconisations du BEPS dans leur ordre juridique et fiscal interne. Certaines juridictions ont déjà anticipé le mouvement.
Ce point final atteint par l’OCDE n’est sans doute que le début d’un renforcement étatique dans la réglementation et les approches de contrôle des prix de transfert.
Nous illustrerons cela dans ce numéro avec quelques morceaux choisis non exhaustifs soulignant quelques uns des enjeux posés.
1. C/MIN(2013) 22/FINAL.
2. C/ MIN(2014) 5/FINAL.