La lettre gestion du patrimoine

Novembre 2014

La fiducie : une utilisation patrimoniale relative malgré un régime de neutralité fiscale

Publié le 21 novembre 2014 à 0h00    Mis à jour le 21 novembre 2014 à 14h59

Par Louis-Pascal Brabant et Nathalie Delmarès

Créée dans le souci d’offrir aux opérateurs français un dispositif qui leur évite de recourir aux mécanismes étrangers, tels que le trust, pour des opérations purement françaises, la fiducie est un contrat par lequel un constituant transfère tout ou partie de ses biens ou droits à un fiduciaire, à charge pour celui-ci d’agir dans un but déterminé au profit de bénéficiaires.

Par Louis-Pascal Brabant, avocat directeur et Nathalie Delmarès, avocat

Consacrant la notion de patrimoine d’affectation en droit français, la fiducie a toutefois une portée beaucoup plus restreinte que les projets initiaux et que le mécanisme dont il s’inspire, notamment par l’impossibilité d’utiliser ce mécanisme à des fins de transmission à titre gratuit. On notera d’ailleurs que cette interdiction d’ordre public sur le plan civil est également sanctionnée sur le plan fiscal par l’application des droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 % et d’une pénalité de 80 %.

En outre, l’utilisation patrimoniale de la fiducie était toute relative jusqu’au 1er février 2009, date à laquelle son champ d’application a été étendu aux constituants personnes physiques.

En dépit d’une neutralité fiscale certaine, force est de constater le peu d’appétence des contribuables pour ce mécanisme, en apparence complexe et encore peu familier des praticiens. La présente étude a pour but de démontrer que pour le contribuable désireux de gérer son patrimoine de façon efficace et innovante, la fiscalité ne doit pas être considérée comme un frein à la mise en place d’une fiducie.

Lors de sa constitution tout d’abord, outre les formalités d’enregistrement donnant lieu à la perception d’un droit fixe ou proportionnel selon que les biens transférés comprennent ou non des immeubles, le transfert de biens ou droits dans un patrimoine fiduciaire par un constituant n’agissant pas dans le cadre d’une activité professionnelle n’est pas un fait générateur d’impôt de plus-value si les conditions suivantes sont réunies :

– le constituant est désigné comme le ou l’un des bénéficiaires dans le contrat de fiducie ;

– le fiduciaire inscrit, dans les écritures du patrimoine fiduciaire, les biens ou droits transférés pour leur prix ou valeur d’acquisition par le constituant.

Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, les plus-values constatées sur les biens transférés deviennent imposables.

Au cours de sa vie, la fiducie n’étant pas un sujet fiscal, elle est totalement translucide. En conséquence, le résultat de la fiducie, déterminé au niveau de la fiducie, est imposé au nom du constituant. Comme pour les sociétés de personnes, le résultat est imposable au titre de l’année de sa réalisation même s’il n’a pas été appréhendé par le constituant selon les règles correspondant à la nature de l’activité de la fiducie.

De même, les plus-values de cession de biens ou droits du patrimoine fiduciaire sont déterminées en fonction de la date et du prix d’acquisition des biens ou droits par le constituant, lorsque ce dernier les a transférés en fiducie sous le régime de neutralité fiscale et en fonction de la date du transfert et de la valeur à cette date dans le cas contraire.

Lorsque la fiducie prend fin, par le décès du constituant personne physique, par la survenance du terme ou par la réalisation du but poursuivi quand celle-ci a lieu avant le terme, et en l’absence de bénéficiaire, les droits, biens ou sûretés présents dans le patrimoine fiduciaire font, de plein droit, retour au constituant.

Lorsqu’il prend fin par le décès du constituant, le patrimoine fiduciaire fait de plein droit retour à la succession pour sa valeur vénale nette à la date du décès.

Dans tous les cas, la cessation fiscale de la fiducie entraîne l’imposition au nom du constituant des résultats déterminés à la date de la cessation dans les conditions prévues aux articles 201 et suivants du Code général des impôts.

Par exception à ce principe, le retour des biens ou droits du patrimoine fiduciaire dans le patrimoine du constituant n’est pas un fait générateur d’impôt sur le revenu lorsque l’opération de fiducie prend fin sans liquidation du patrimoine fiduciaire et que le constituant prend, dans l’acte constatant le transfert, l’engagement de déterminer, en cas de cession ultérieure des biens ou droits concernés, les gains ou pertes par référence au prix ou à la valeur d’acquisition des biens ou droits, lorsque ces biens ou droits ont fait l’objet d’un transfert dans le patrimoine fiduciaire sous le régime de neutralité fiscale, et au prix d’acquisition du ou des biens ou droits par la fiducie pour les autres biens ou droits.

En matière d’impôt de solidarité sur la fortune, dans la mesure où le constituant conserve la qualité de propriétaire, les biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire, ainsi que les fruits tirés de l’exploitation de ces biens ou droits, sont compris dans son patrimoine imposable à l’ISF pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition. 


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