La lettre gestion du patrimoine

Novembre 2014

Les avantages de la fiducie-sûreté de portefeuille de titres financiers sur le nantissement de compte-titres

Publié le 21 novembre 2014 à 0h00    Mis à jour le 21 novembre 2014 à 14h59

Par Frédéric Danos et Bruno Thomas, Landwell & Associés

L’affectation d’un portefeuille de titres financiers en garantie d’une dette de son titulaire repose principalement sur deux types de sûretés réelles : la sûreté classique, par laquelle est constitué le nantissement de compte-titres, et la fiducie-sûreté qui, il faut le reconnaître, présente de multiples avantages et en particulier un régime très favorable en cas de procédure collective qui frapperait le débiteur.

Par Frédéric Danos, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, of counsel, Landwell & Associés et Bruno Thomas, avocat associé, Landwell & Associés

La fiducie-sûreté est d’une constitution très simple lorsque le créancier est un établissement de crédit, puisqu’il peut prendre lui-même la qualité de fiduciaire (alors que pour un créancier «classique», il faudra recourir à un tiers fiduciaire, établissement de crédit, avocat, entreprise d’investissement ou d’assurance, ce qui engendrera quelques frais de fonctionnement).

Elle présente des avantages équivalents au nantissement de compte-titres s’agissant de la gestion du compte de titres financiers, tant en ce qui concerne la libre disposition des titres que l’encaissement par le fiduciaire des produits et fruits de titres financiers inscrits dans le compte ou leur reversement au constituant-débiteur, la convention de fiducie étant libre d’aménager la répartition des pouvoirs de gestion du compte-titres entre le constituant et le fiduciaire (identiquement à ce qui peut être effectué dans un nantissement de compte-titres). En revanche, se pose la question du droit de vote attaché aux titres financiers puisque le fiduciaire devient propriétaire des titres, tandis que dans le nantissement le constituant conserve cette qualité. Néanmoins, le fiduciaire exercera le plus souvent son droit de vote en prenant avis auprès du constituant, la convention de fiducie pouvant prévoir des stipulations en ce sens.

Si la flexibilité de la fiducie-sûreté est donc à peu près identique à celle du nantissement de compte-tires, elle devient beaucoup plus avantageuse en cas de procédure collective du débiteur pour tout ce qui concerne la réalisation de la sûreté. En effet, tout d’abord le pacte commissoire, qui permet une attribution conventionnelle automatique de la propriété des titres au profit du créancier bénéficiaire d’un nantissement de compte-titres, est écarté en cas de procédure collective du débiteur. Ensuite, dans une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire du débiteur, la mise en œuvre du nantissement de compte-titres est paralysée, et ce pendant la période d’observation, mais aussi pendant l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement. Enfin, dans une procédure de liquidation judiciaire, le créancier nanti, bien que payé en premier avant tout autre créancier – grâce son droit de rétention sur le compte nanti – sur le prix de réalisation des titres inscrits dans ce compte, ne maîtrise pas les modalités de réalisation de ces titres, car cette réalisation est effectuée par le liquidateur, et rien ne le garantit que le prix qui en sera retiré permette un désintéressement substantiel du créancier (surtout si les titres sont inclus dans un plan de cession).

Tous ces inconvénients, la fiducie-sûreté ne les connaît pas. Le créancier bénéficiaire d’une fiducie peut, dès lors qu’a été constaté un défaut de paiement, réaliser immédiatement et à tout moment sa sûreté y compris lors d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire du débiteur, quelle que soit la phase dans laquelle se trouve la procédure collective.

Le créancier devient un créancier complètement «hors procédure», sa mise en œuvre n’est à aucun moment paralysée (sauf si la convention de fiducie prévoit que le constituant bénéficie d’une convention d’usage ou de jouissance, car dans ce cas la fiducie-sûreté est alors traitée comme les autres sûretés réelles, ce qui impose pour éviter cette qualification de ne pas conférer trop de prérogatives au constituant). La sûreté pourra être donc réalisée pendant la période d’observation, et aussi après l’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement. En outre, le créancier bénéficiaire d’une fiducie-sûreté est exclu des comités de créanciers (tel n’est pas le cas du créancier nanti) et ne peut donc se voir imposer les délais et remises qui pourraient être votés et accordés par ce comité à la majorité de ses membres.

En phase de liquidation judiciaire, le fiduciaire dispose d’une pleine maîtrise de la réalisation de la fiducie-sûreté, que cette fiducie ait été conclue ou non avec une convention d’usage ou de jouissance. En effet, c’est le fiduciaire qui réalise la sûreté en application des dispositions de l’article 2372-3 du Code civil et non le liquidateur. Car les biens ne figurent pas dans le patrimoine du débiteur liquidé mais dans un patrimoine d’affectation intégré au patrimoine du fiduciaire.

Enfin, en cas d’adoption d’un plan de cession, l’existence d’un transfert de la propriété des biens mis en fiducie interdit leur inclusion dans un plan de cession, dans la mesure où ils n’appartiennent plus au débiteur-constituant. Le créancier bénéficiaire de la fiducie-sûreté échappe donc à la règle selon laquelle, en cas de cession d’un bien grevé de sûreté réelle, une simple quote-part du prix de cession est affectée au désintéressement des créanciers inscrits avec purge des inscriptions.

Toutes ces règles montrent que la fiducie-sûreté tire avantage de ce qu’elle repose sur un transfert de propriété qui sort les titres financiers du patrimoine du constituant et leur permet ainsi d’échapper complètement (sauf convention d’usage et de jouissance consentie au constituant) à la procédure collective du débiteur. La fiducie-sûreté, notamment pour un portefeuille de titres financiers, n’est pas loin de devenir la reine des sûretés. 


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