La coopération entre les administrations fiscales est primordiale dans la lutte contre la fraude fiscale ainsi que pour s’assurer de la mise en œuvre future des nombreux chantiers menés par l’OCDE dans le cadre du projet BEPS.
Par Loïc Le Claire, avocat associé, PwC Société d’Avocats.
L’échange de renseignements est la pierre angulaire de cette coopération entre Etats et du respect du principe de transparence. C’est dans ce contexte qu’est intervenue le 29 octobre 2014 la signature entre 51 Etats d’un accord multilatéral entre autorités compétentes dont le but est de définir une norme conduisant à l’échange automatique de renseignements interétatiques à horizon septembre 2017. Cette norme invitera les Etats à obtenir de leurs institutions financières des renseignements détaillés relatifs aux comptes financiers des entreprises (notamment sur la détention de comptes, les soldes de ces comptes, les intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs financiers, etc.) et à échanger ce type d’informations sur une base annuelle.
Fort de ce mouvement de fond, orchestré par le G20 au niveau international depuis 2012 et soutenu par une forte volonté politique, le gouvernement français a multiplié les efforts au cours des deux dernières années sur ce front en introduisant de nouvelles règles fiscales et en adaptant ses pratiques pour conduire à plus de transparence dans le cadre des opérations de contrôle fiscal.
La multiplication par huit des demandes d’assistance administrative internationale, adressées par les autorités fiscales françaises aux administrations fiscales étrangères au cours des quatre dernières années, s’inscrit pleinement dans cette mouvance. Il peut d’ailleurs être utilement observé que le dispositif français d’assistance administrative, encadré par l’article L. 188 A du Livre des procédures fiscales, a été considérablement élargi par voie législative en décembre 2013 à la fois dans sa portée et dans son impact en matière de règles de prescription. L’expérience démontre en la matière que les autorités fiscales des Etats, même les plus récalcitrants, dans un passé récent, se montrent de plus en plus réactives et coopératives, ce qui contribue à une efficacité accrue du dispositif.
Le fichier des écritures comptables (FEC) dont la remise est obligatoire pour les contrôles fiscaux initiés depuis le 1er janvier 2014 s’inscrit également dans cette logique de transparence. L’administration a en effet pris soin de faire correspondre chacun des 18 champs requis à une règle comptable française impérative. Le FEC est de la sorte un support d’analyse très utile à la disposition des équipes de vérification pour relever de manière exhaustive l’ensemble des non-conformités comptables et fiscales qui peuvent découler de l’architecture, du paramétrage ou de l’utilisation qui est faite du système d’information par l’entreprise. Le FEC leur permet également d’avoir accès directement aux écritures natives, ce qui aboutit à une lisibilité directe des traitements comptables et fiscaux retenus par l’entreprise et leur a offert un outil de contrôle redoutable à terme. Dans le même registre, la loi de finances pour 2014 a introduit une obligation pour les grandes entreprises de présenter leur comptabilité analytique et leurs comptes consolidés au cours des opérations de contrôle. Ce point méritera d’ailleurs d’être précisé et encadré par la doctrine administrative en l’absence notamment de définition existante de la comptabilité analytique, dont la tenue n’est par ailleurs pas exigée par les textes.
L’exercice du droit de communication dont bénéficient les services de vérification a été également considérablement renforcé par la loi de finances rectificative pour 2014. En effet, ce dernier a été élargi quant à la nature des informations susceptibles d’être réclamées puisqu’il permet désormais de solliciter des informations relatives à des personnes non identifiées et ceci notamment afin de faciliter la lutte contre la fraude commise dans le domaine du commerce en ligne. Le même phénomène d’élargissement est observé quant aux documents susceptibles d’être demandés puisque le droit de communication peut désormais s’exercer sur les livres, registres et rapports dont la tenue est rendue obligatoire par le Code de commerce mais aussi sur tous documents relatifs à l’activité de l’entreprise concernée. En pratique, on ne pouvait guère faire plus vague et plus large…
Enfin, les services de vérification peuvent toujours se réserver le droit d’utiliser dans cet arsenal juridique à leur disposition l’arme suprême, à savoir les visites domiciliaires plus communément appelées perquisitions fiscales. Elles sont prévues par l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, et leur mise en œuvre nécessite l’accord de l’autorité judiciaire, sous la forme d’une ordonnance d’un magistrat civil (juge des libertés et de la détention), ainsi que des présomptions de fraude fiscale. Cette procédure mise à la fois sur l’effet de surprise et sur son caractère très intrusif puisqu’elle donne par principe accès à l’administration à l’ensemble des pièces et documents sur supports papier ou informatique à l’exception des consultations d’avocats. Cette procédure qui reste certes exceptionnelle par sa nature et les ressources qu’elle nécessite de mobiliser (agents vérificateurs, agents de la DNEF et officiers de police judiciaire) a vu son utilisation de plus en plus se déporter au cours des trois dernières années des personnes physiques vers les grands groupes. Il faut donc se garder de penser que cela n’arrive qu’aux autres et le maître mot reste plus que jamais pour les dirigeants et directions fiscales d’anticiper pour se tenir prêts à jouer la transparence au cours des opérations de contrôle dans un environnement dont les règles se sont considérablement renforcées récemment et se renforceront encore dans les années à venir.