On se souvient que dans son arrêt Ceres du 9 mai 2018 (n° 387071) le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la situation d’un apport réalisé pour une valeur minorée. La Haute Juridiction avait décidé que si les opérations d’apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n’est toutefois pas le cas lorsque la valeur d’apport a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l’apporteur à l’entreprise bénéficiaire, cette situation autorisant l’administration à redresser la société bénéficiaire de l’apport à hauteur de la variation positive d’actif net correspondant à l’apport effectué à titre gratuit.
Dans un récent arrêt du 20 octobre dernier (n°445685), le Conseil d’Etat a eu à examiner la situation symétriquement opposée, à savoir celle d’une opération d’apport portant sur l’usufruit à durée fixe de droits sociaux, pour laquelle la valeur d’apport retenue par les parties a été considérée par l’administration fiscale comme excédant la valeur vénale de l’usufruit apporté. L’administration, qui entendait regarder l’excédent de valorisation comme un avantage occulte imposable au niveau de l’apporteur en application de l’article 111 c du CGI, avait obtenu gain de cause devant la Cour administrative d’appel.
Le Conseil d’Etat décide que la seule circonstance qu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée ne saurait par elle-même traduire l’existence d’un appauvrissement de la société bénéficiaire de l’apport au profit de l’apporteur. La Haute Juridiction annule ensuite l’arrêt d’appel, qui avait jugé l’administration fiscale fondée à regarder l’apporteur comme ayant bénéficié d’une libéralité taxable « au seul motif qu’elle avait établi que les parties à cette opération avaient délibérément retenu une valeur d’apport supérieure à la valeur réelle des actifs apportés ». L’affaire fait l’objet d’un renvoi devant la Cour administrative d’appel.