La société à mission est une création de la loi PACTE du 22 mai 2019, prévue à l’article L.210-10 du Code de commerce. Ce nouveau statut, inspiré des benefit corporations aux Etats-Unis, prévoit pour les sociétés volontaires la possibilité d’établir des objectifs répondant à un intérêt collectif (1) et aux grands défis qui traversent nos sociétés (2). Afin de bénéficier de ce statut, les sociétés doivent se soumettre à des obligations listées dans le Code de commerce (3).
D’après le baromètre de l’observatoire des sociétés à mission, en octobre 2021, nous comptons 257 sociétés à mission en France. Parmi elles, 70 % comptent moins de 50 salariés et seulement 5 sont des sociétés cotées.
Un impact sur la gouvernance de la société
Les sociétés adoptant le statut de société à mission ont pour obligation d’insérer une raison d’être dans leurs statuts et de définir un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux.
Cette formalisation permet aux dirigeants de sécuriser certains de leurs actes. Dans l’hypothèse d’une société classique, les dirigeants peuvent effectivement redouter que leur responsabilité soit engagée lorsqu’ils décident de réaliser des investissements sans but lucratif évident. A l’inverse, les sociétés à mission ont, par nature, vocation à réaliser des objectifs sans rentabilité financière. Cette particularité donne une plus grande liberté aux dirigeants dans la gouvernance de la société et permet de légitimer leurs actions aux yeux des actionnaires.
Toutefois, l’adoption du statut de société à mission s’apparente également à un véritable engagement de la part des mandataires sociaux dès lors qu’ils pourront faire l’objet d’actions en responsabilité s’ils ne déploient pas les moyens nécessaires à la réalisation de la mission (4). L’entreprise fera donc l’objet de contrôles internes (comité de mission ou référent de mission) et externes (organisme tiers indépendant) afin d’assurer le suivi de l’exécution de ladite mission.
Un impact sur les parties prenantes
La mise en place du statut de société à mission traduit l’importance croissante de la prise en compte des intérêts de l’ensemble des parties prenantes (5). Dans le processus de prise de décisions, les dirigeants doivent en effet intégrer les intérêts des actionnaires mais également de toutes les autres personnes impactées par ces décisions. Le rapport Rocher (6) souligne à ce propos que la qualité de société à mission et la définition d’objectifs extra-financiers structurent la société et fédèrent les parties prenantes autour d’une idée commune. A terme, les externalités positives découlant des actions des sociétés à mission leur permettront de gagner en compétitivité.
L’affaire Danone (7), première société cotée à adopter le statut de société à mission, a toutefois questionné sur la conciliation de cette qualité avec les objectifs de rentabilité des actionnaires. Certains y ont vu la limite du statut de société à mission. Il faut toutefois tempérer la portée de cette affaire puisque le statut n’a pas été remis en cause par la direction ayant succédé à Emmanuel Faber.
1. Fiche d’orientation Dalloz 2021.
2. B. Valiorgue, Danone, une illustration des fragilités du statut d’entreprise à mission, 8 mars 2021, The Conversation.
3. Article L. 210-10 du Code de commerce.
4. Article 1850 du Code civil et article L.225-251 du Code de commerce.
5. Le terme de partie prenante s’entend comme l’ensemble des personnes concernées par les décisions prises par l’entreprise et qui contribuent à la création de valeur (actionnaires, salariés, partenaires commerciaux, collectivités, etc).
6. Rapport demandé à M. Bris Rocher, PDG du Groupe Rocher, par Bruno Le Maire et Olivia Gregoire afin d’évaluer l’impact des outils issus de la loi PACTE du 22 mai 2019.
7. En raison de l’hostilité des actionnaires à l’égard de sa gouvernance, Emmanuel Faber, ancien PDG de Danone, a été évincé de la direction générale du groupe par le conseil d’administration le 14 mars dernier.