La lettre des fusions-acquisition et du private equity

La Loi PACTE : bilan et perspectives

De l’art de composer à l’art d’imposer : la nouvelle dialectique des classes de parties affectées

Publié le 8 décembre 2021 à 16h21

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 4 minutes

Par Clémentine Quintard, avocat membre de l’équipe Restructuring. Elle intervient en matière de prévention et de traitement amiable et judiciaire des difficultés des entreprises. clementine.quintard@cms-fl.com

Dans le cadre de l’adoption des plans de sauvegarde et de redressement, le droit français connaissait, pour les plus importants dossiers les comités de créanciers (150 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires) ; il connait, pour les procédures de sauvegarde accélérée et, pour des dossiers encore plus importants en cas de sauvegarde et de redressement judiciaire, lorsque la procédure est ouverte à compter du 1er octobre 2021, les « classes de parties affectées » par le projet de plan. Dans ces deux derniers cas, les seuils d’accès obligatoires à cette forme d’élaboration du projet de plan sont fixés à 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires net ou 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net.

Ces seuils sont à apprécier individuellement ou, ensemble avec les sociétés détenues ou contrôlées par le débiteur afin d’éviter que des holdings puissent échapper à ce mode d’élaboration des plans. Cette institution demeurera « élitiste » et ne devrait concerner que peu de dossiers par an.

En deçà de ces seuils, à la demande exclusive du débiteur en sauvegarde et du débiteur ou de l’administrateur judiciaire en redressement judiciaire, un recours volontaire aux classes de parties affectées demeure possible sur requête au juge-commissaire. 

L’opportunité de se soustraire à la dictature de l’unanimité et de l’égalitarisme

L’intention demeure toutefois la même que celle ayant présidé à l’introduction des comités de créanciers en 2005 : permettre l’adoption à la majorité (et non à l’unanimité !) d’un plan plus ambitieux qu’un simple moratoire judiciaire des créanciers et éviter des stratégies de guérilla de créanciers « hors la monnaie ».

Ce nouveau système de classes de parties affectées vient corriger deux des principales difficultés rencontrées lors du recours aux comités de créanciers :

– le regroupement des créanciers sur la seule base de leur qualité, en dépit de toute prise en compte de leurs intérêts économiques (i.e. comité des établissements de crédit et assimilés et comité des principaux fournisseurs, et, le cas échéant, assemblée générale unique des obligataires) ; et 

– le droit de veto dont dispose chaque comité afin de faire échec à l’adoption d’un plan.

En contrepartie d’un risque contentieux à circonscrire

Si l’instauration des classes de parties affectées semble plus satisfaisante, elle laisse toutefois place à nombre d’incertitudes. Bien que le recours à ce mécanisme d’adoption des plans devrait être limité, il ne devrait malheureusement pas manquer de générer de nombreux contentieux, notamment quant aux critères retenus par l’administrateur judiciaire pour constituer les classes de parties affectées et permettant de caractériser une communauté d’intérêt économique suffisante ou bien encore la répartition des voix entre les créanciers de chaque classe, de nature à ralentir l’adoption d’un éventuel plan de continuation. De la même façon, les critères devant être examinés par le tribunal afin de protéger, alternativement,  les parties affectées dissidentes dans le cas où ces dernières se seraient fait imposer la majorité des 2/3 au sein de leur propre classe ou les classes de parties affectées dissidentes en cas de mise en œuvre du mécanisme d’application forcée interclasse (cross-class cram-down) ne manqueront pas de générer des coûts supplémentaires, vraisemblablement par le recours quasi-systématique à un expert en charge de la détermination de la valorisation de l’entreprise. 

Espérons que les premières procédures ouvertes impliquant ce nouveau mécanisme permettront d’apporter un éclairage pratique et que les tribunaux n’hésiteront pas à adopter des solutions pragmatiques permettant de préserver l’efficacité des procédures collectives tout en demeurant ouverts à des solutions nouvelles et inventives.

En effet, ce nouveau dispositif stimule l’imagination : pourquoi, par exemple, ne pas envisager de construire en amont de la procédure collective, éventuellement par un mandat ad hoc ou une conciliation, une sorte d’accord de méthode tel que peut en connaître la négociation sociale ? Ce dernier aurait pour objet d’encadrer la constitution et la composition des classes tout autant que les modalités de vote (et pourquoi pas également le financement de la période d’observation) tout en limitant le risque de recours. 

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Au sommaire de la lettre


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