Alors que s’accumulent les incertitudes concernant l’économie de la zone euro, la BCE a annoncé une forte hausse de ses taux d’intérêt directeurs, qui sera suivie d’autres resserrements monétaires. Sa politique risque de devenir franchement restrictive début 2023, aggravant la récession qui s’annonce. Un véritable changement de régime pour la banque centrale. Elle compte sur le soutien des politiques budgétaires pour compenser sa politique restrictive.
La récession s’annonce en Europe, le contexte économique mondial est jugé « potentiellement plus explosif » que pendant les années 1970 par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)… C’est dans ces circonstances que la Banque centrale européenne a décidé d’accélérer sa politique de hausse des taux d’intérêt, suivant en cela la Fed. Sa présidente, Christine Lagarde, a annoncé le 8 septembre un relèvement des trois taux directeurs de la banque centrale de 0,75 point (75 points de base, soit la plus forte hausse de l’histoire de la BCE), qui sera suivi, au cours des prochains mois, de deux à cinq nouvelles hausses de taux. Le taux principal (facilité de dépôts), qui était encore fixé à - 0,50 % en juin, atteint donc 0,75 %, mais pourrait, selon les anticipations de marché, dépasser les 2 % début 2023. Une hausse des taux d’une rapidité inconnue pour la BCE, justifiée par le risque de voir l’inflation s’installer. Les économistes de la banque centrale estiment que celle-ci pourrait encore atteindre 2,4 % en 2024, sensiblement au-delà de la cible de 2 %.
La BCE ne croit pas à une forte récession
- La BCE a revu à la hausse ses prévisions d’inflation, et à la baisse celles concernant la croissance. Elle estime désormais que la hausse des prix en zone euro pourrait atteindre 8,1 % cette année, puis 5,5 % en 2023 et 2,3 % en 2024. S’agissant de la croissance, elle s’attend à une hausse du PIB de 3,1 % en 2022 (grâce à un début d’année favorable), qui tomberait à 0,9 % en 2023. Ce scénario intègre une stagnation du PIB au dernier trimestre 2022 et au cours du premier trimestre 2023. La BCE a conçu un scénario « adverse », le plus défavorable possible, sur la base d’un arrêt de l’approvisionnement en gaz. Dans ce cas, le PIB de la zone euro baisserait de 0,9 % en 2023. Une récession somme toute modérée.
Un abandon de la forward guidance ?
La BCE change-t-elle subitement de régime, n’hésitant pas à adopter une politique agressive, après des années de régime monétaire très accommodant, visant à combattre la déflation ? Renoue-t-elle avec l’ère Trichet, tant dans sa communication que sur le fond, en relevant les taux d’intérêt alors que s’annoncent des difficultés économiques ? Certains analystes de marché voient dans le non-respect de...