Table ronde/Dématérialisation

Facturation électronique : quelle plateforme choisir ?

Publié le 3 mars 2023 à 10h30

Anne Del Pozo    Temps de lecture 23 minutes

La réforme sur la facturation électronique va impliquer pour les entreprises de faire un choix, notamment en termes de technologie. La démarche est d’autant plus complexe que différents acteurs se positionnent sur le sujet aux côtés du portail public de facturation (PPF). Comment s’y retrouver entre les différentes plateformes proposées par les acteurs de ce marché ? Quelles démarches engager avant de faire son choix ? Quels points de vigilance avoir ? Autant de points abordés par les intervenants du dernier webinar sur la facturation électronique d’Option Finance.

Avec de gauche à droite : 

  • Pascal Amilhat, account executive, Basware
  • Grégory Mignon, senior product evangelist, Yooz
  • Alexis Coutier, responsable de marché, Cegedim
  • David Martin, business développement manager, Esker

Quelles sont les différences entre PPF, OD et PDP ?

David Martin, business développement manager chez Esker : Le portail public de facturation (PPF) sera le service gratuit, fourni par l’Etat, proposant les fonctionnalités minimums de dématérialisation. Les opérateurs de dématérialisation (OD) et les plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) sont des acteurs privés qui fourniront des services supplémentaires aux entreprises notamment en termes d’automatisation. Les OD seront complètement libres de proposer les fonctionnalités de leur choix aux utilisateurs. Ils ne sont pas contraints par un cahier des charges à respecter et n’ont pas l’obligation d’assurer l’e-reporting de TVA pour le compte de leurs clients par exemple. En revanche, dans le cadre de la loi de finance, la DGFIP impose des obligations à respecter pour être « immatriculé » en tant PDP. En effet, tout acteur qui envisage d’être PDP doit respecter des contraintes légales sur la base de spécifications qui ont été définies par l’Etat, proposer une certaine couverture fonctionnelle et obtenir certaines certifications concernant leur infrastructure. Les futures PDP devront notamment respecter les formats du socle de la facturation électronique, gérer les statuts des factures ou encore assurer le contrôle de la conformité des données. Elles auront également des obligations en termes d’archivage fiscal, d’e-reporting et d’interopérabilité avec les autres PDP.

Alexis Coutier, responsable de marché chez Cegedim : Le PPF est gratuit et l’administration fiscale n’a jamais eu la prétention de dire qu’elle ferait en un an ce que les acteurs privés proposent depuis 30 ans. Elle se devait d’offrir un moyen gratuit aux émetteurs et récepteurs de traiter leurs flux de factures, sur la base d’un socle de services a minima. Ce socle de services aura donc peu de fonctionnalités. Dans le cadre de cette réforme, nous aurons alors plusieurs niveaux de services proposés par différents acteurs. Les PDP agiront comme tiers de confiance vis-à-vis de l’administration fiscale. Les entreprises qui recourront à une PDP auront la garantie que les données transmises à l’administration fiscale seront conformes car nous devrons mettre en place une brique de contrôle de l’ensemble des mentions obligatoires actuelles et futures pour obtenir l’immatriculation. Les entreprises, à travers les PDP pourront continuer de capitaliser sur les investissements qu’elles avaient réalisés dans la mise en place de flux. L’intérêt de faire appel à une PDP consiste à être dans ce que l’administration fiscale appelle « le circuit C ». En tant que PDP, nous allons pouvoir continuer d’adresser à la PDP en réception les formats qui existaient et en particulier les formats EDI. Il n’y aura pas de remise en cause pour les émetteurs. Bien évidemment, il y a un axe de simplification. Tous ces sujets font que la plupart des grandes entreprises se tourneront plutôt vers une ou plusieurs PDP.

Grégory Mignon, senior product evangelist chez Yooz : En 2024, les entreprises auront l’obligation de choisir une plateforme de réception de factures électroniques, qu’elle soit publique (le PPF) ou privée (une PDP). Il faudra indiquer à l’administration vers quelle plateforme devront transiter les factures. Par conséquent, il n’y a pas d’obligation à proprement parler de choisir une PDP. Une entreprise peut choisir le PPF et bénéficier du service minimal gratuit proposé par l’administration, ou alors choisir une PDP qui lui apportera des services complémentaires comme par exemple une garantie sur les flux qui, en cas de contrôle aura une valeur probante. La volumétrie de flux, les outils du système d’information déjà mis en place, le type de flux (EDI, Factur-X, etc.) sont autant d’éléments qui orienteront le choix vers une PDP ou le PPF, voire un OD combiné à l’une ou l’autre des plateformes. A partir de quel volume s’orienter vers l’un ou l’autre ? Le PPF étant gratuit, il va falloir s’y connecter pour récupérer les factures. La démarche est réalisable pour un artisan, un petit commerce ou un entrepreneur dont le volume de facture est limité. En revanche, l’entreprise qui reçoit plusieurs dizaines de factures par jour ne pourra pas aller se connecter en permanence pour vérifier si elle a reçu ou non ses factures sur le PPF. Il sera donc préférable de faire appel à une PDP, ou un OD combiné à une PDP, qui pourra réaliser cette démarche en son nom. Les PDP et les OD vont simplifier les flux et apporter des services complémentaires (contrôle, traçabilité).

Pascal Amilhat, account executive chez Basware : La réforme est beaucoup plus qu’un projet traditionnel de dématérialisation ou d’e-invoicing. En effet, du choix du partenaire dépendent de nombreuses variables. Par exemple, en fonction du choix réalisé, l’entreprise aura une plus grande agilité pour onboarder un nouveau client ou pour recruter de nouveaux fournisseurs, une plus grande capacité pour transformer ses processus internes, ses processus financiers, de comptabilité clients et/ou fournisseurs.

David Martin : Dans certains cas, un OD pourrait suffire. Il faut alors prendre en compte deux critères principaux : le volume de factures à traiter et la couverture fonctionnelle proposée par l’OD retenu. Il faut par exemple bien cartographier ses flux avec ses différents partenaires pour pouvoir notamment garantir la bonne transmission d’information si celle-ci devait s’opérer à travers une autre PDP. Par ailleurs, dans le cas du choix d’OD, un certain nombre d’éléments seront gérés par le PPF. Si l’OD n’est pas capable de le faire pour l’entreprise (cela dépendra de sa couverture fonctionnelle), elle aura alors besoin de se connecter au PPF et de traiter un certain nombre de points manuellement, comme par exemple la gestion des statuts (qui se fera sur le PPF), la gestion des formats du socle, des contrôles de conformité et l’e-reporting. Certains OD proposeront ces fonctionnalités et d’autres non. La couverture fonctionnelle de l’OD est donc primordiale et à mettre en corrélation avec le volume de documents et la nature des partenaires que l’entreprise aura à traiter.

Alexis Coutier : Les OD auront un rôle de facilitateur pour les entreprises qui souhaiteraient quand même se connecter au PPF. En revanche, les OD ne pourront ni lire ni écrire dans l’annuaire qui permettra d’identifier l’ensemble des assujettis et d’aiguiller les flux comme les PDP pourront le faire. Dans les appels d’offres que nous traitons, nous nous apercevons que les OD sont vus comme des plateformes qui vont assurer un mapping d’un flux en sortie d’un système d’information vers le PPF. En revanche, tout le cycle de vie de traitement de ces factures avec tous les statuts qu’il faudra remonter pourra être opéré par une PDP car les entreprises pourront prévoir des interfaces qui seront adaptées à ces cas d’usage. Les fonctionnalités complémentaires apportées par les PDP justifieront la valorisation et le coût de ces prestations.

David Martin : Rappelons qu’aujourd’hui aucun prestataire de dématérialisation n’est encore immatriculé en qualité de PDP. La DGFIP a prévu d’ouvrir la réception des candidatures à partir du printemps 2023. A priori, nous pourrons déposer nos dossiers de candidature à l’immatriculation à compter du mois de mai prochain. Dès lors que le dossier est déposé, le délai devrait être d’environ deux mois pour obtenir l’immatriculation. A partir de ce moment, un certain nombre de prestataires privés se positionneront comme PDP. L’ouverture des plateformes de tests par la DGFIP se fera à partir de janvier 2024.

«Toutes les PDP n’ont pas nécessairement le même ADN et vont chercher à différencier leur offre. »

Pascal Amilhat Account executive ,  Basware

La cartographie des usages, étape préalable

Pascal Amilhat : Au-delà de l’obligation réglementaire, il est important que l’entreprise s’interroge sur ce qu’elle a à gagner avec cette réforme, qui est une occasion unique de disrupter les processus en place, d’améliorer et faire évoluer les organisations.

Pour saisir les opportunités de la réforme et choisir sa plateforme, les entreprises devraient donc préalablement réaliser un inventaire sur les usages par flux : quel est le volume de factures traité ? Comment l’entreprise gère ses factures en BtoB domestique, en BtoB international, BtoB intracommunautaire, en BtoG, et également le BtoC en distinguant les différents canaux (sites marchands, caisses enregistreuses, etc.).

La gestion des factures intragroupes fait également partie des cas d’usage à identifier en amont. Beaucoup de nos clients traitent ces transactions par exemple au moyen de connexions d’ERP à ERP. Très clairement, demain, avec la réforme, ce type de connexion simple va devoir être revu. L’entreprise doit en effet être capable de faire une émission conforme de la facture intragroupe et de procéder à son archivage, puis de faire une réception conforme de cette facture de la même manière.

Les entreprises devraient également, dans le cadre de cette cartographie, prendre en compte les exigences futures du e-reporting.

En outre, cet inventaire doit se faire aussi par format et prendre en compte l’existant : beaucoup de factures qui demain passeront en e-invoicing sont encore aujourd’hui au format papier ou en PDF. Egalement, il est très important de réaliser une cartographie précise des flux EDI : quels fournisseurs ? Quels clients ? Quel type de business ? Quel format ? Quels prestataires de services ?

Parallèlement, elles doivent s’interroger sur leurs besoins à venir. L’entreprise devra-t-elle évoluer vers un CSP ? Quels sont ses objectifs en termes de délais d’amélioration des paiements ou encore de temps de process de traitement d’une facture ? Cette phase de cartographie amènera également les entreprises à passer en revue les KPI opérationnels de l’activité : que souhaite mesurer l’entreprise ? Quel est son besoin en analytique sur l’activité de facturation ?

Enfin, il y a une vue IT à construire, avec un inventaire des ERP comptabilités et des moyens informatiques existants pour interfacer tous ces outils. Certains de nos clients ont des paysages applicatifs sur la partie factures clients qui sont très complexes...

David Martin : Nous avons identifié quatre sujets principaux sur lesquels les entreprises peuvent d’ores et déjà travailler.

La qualification et la mise à jour de leur base de données clients et fournisseurs, avec des informations correctes et qualifiées.

Nous leur conseillons également de travailler sur les champs obligatoires, qui seront une trentaine à partir de 2024. A compter de 2026, s’y ajouteront des champs de lignes, également obligatoires. Certains champs qui ne sont pas obligatoires le deviendront dans le cadre de cette réforme. Il est donc important de faire le nécessaire dans le système d’information de l’entreprise pour avoir ces champs présents dans les factures.

Il convient bien évidemment de cartographier les flux existants via un diagnostic des flux de facturation entrants et sortants dans l’entreprise. Une démarche qui peut être réalisée avec l’appui d’un partenaire conseil.

Enfin, il faut également identifier les besoins. Certaines entreprises vont chercher uniquement à se mettre en conformité par rapport à la loi de finance, tandis que d’autres vont en profiter pour remettre à plat certains processus et couvrir certains besoins métiers par des solutions qui ne le permettent pas aujourd’hui. Elles peuvent par ailleurs déjà solliciter le marché et consulter les acteurs de la dématérialisation qui se positionnent en tant que future potentielle PDP. Une démarche que nous leur conseillons d’autant plus que réaliser un appel d’offres peut parfois prendre plusieurs mois. D’autre part, si l’entreprise est aujourd’hui prête à contractualiser avec un partenaire, elle peut lui demander de s’engager formellement avec lui pour qu’ils deviennent PDP ou qu’elle puisse sortir du contrat en cas de non-obtention de l’immatriculation PDP.

Alexis Coutier : Les entreprises doivent bien s’interroger sur la connaissance qu’elles ont de la réforme, mais également la comprendre. Certaines entreprises disposent en interne des bonnes ressources pour comprendre cette réforme (fiscalistes, juristes), ainsi que des équipes IT prêtes à être parties prenantes. Si ce n’est pas le cas et qu’elles n’ont pas une vision claire de cette réforme, il convient alors qu’elles se fassent accompagner de cabinets de conseils (Mazars, Deloitte, etc.). Cette première étape est indispensable pour ensuite structurer son projet, faire son choix de PDP et se mettre en ordre de marche. L’étape suivante consiste à cartographier les flux existants.

Le volet de base de cette réforme est certes l’e-invoicing qui impose de remonter les données attendues par l’administration fiscale pour les flux B2B domestiques. Cependant, l’entreprise doit également regarder si elle est ou non concernée par l’e-reporting, ce qui est le cas si elle traite des flux B2B à l’international et/ou des flux B2C. Si elle facture des prestations de services qui relèveraient d’un régime de TVA sur encaissement, elle devra remonter des données liées au paiement de leurs factures par leurs acheteurs. Cette cartographie des flux est indispensable pour prévoir les adaptations nécessaires et interfaces avec sa future plateforme de dématérialisation.

Grégory Mignon : Si l’entreprise est déjà équipée d’une solution de dématérialisation, il est important de se poser la question du positionnement de celle-ci. En effet, à ce jour, aucun prestataire n’est immatriculé PDP. Cela se fera courant 2023. Il faut donc se renseigner sur sa plateforme et savoir si elle sera PDP ou simplement OD, si elle gérera les formats socles, si elle permettra d’envoyer des factures que son ERP n’est aujourd’hui pas capable d’émettre aux formats attendus par l’administration, si elle vérifiera les mentions légales ou pas. Il convient également de vérifier son interopérabilité avec l’écosystème, sa capacité à communiquer avec d’autres outils et à être collaborative. En effet, il peut être intéressant pour l’entreprise de ne pas se limiter aux obligations liées à la réforme en termes d’échange des flux mais aussi profiter des services complémentaires que pourront apporter les futures PDP pour automatiser d’autres processus liés à la chaîne de facturation. L’entreprise doit dès maintenant analyser si son outil de dématérialisation actuel lui conviendra, s’il prend la direction attendue par l’administration fiscale mais aussi celle que l’entreprise souhaite prendre. Si tel n’est pas le cas, elle se doit d’envisager d’autres outils en cours d’immatriculation. Il est également important que l’entreprise prenne en compte l’organisation de son circuit de validation, si elle peut le reproduire comme elle le souhaite, le migrer facilement, l’intégrer avec son ERP simplement…

«Le PPF est gratuit et l’administration fiscale n’a jamais eu la prétention de dire qu’elle ferait en un an ce que les acteurs privés proposent depuis 30 ans. »

Alexis Coutier Responsable de marché ,  Cegedim

PDP : critères de choix et points de vigilance

Pascal Amilhat : Le marché des grandes entreprises et ETI prend clairement une orientation vers la sélection de PDP, au regard notamment des volumes à gérer, des besoins d’automatisation, etc. Toutes les PDP n’ont pas nécessairement le même ADN et vont chercher à différencier leur offre. Certaines PDP vont exceller dans le BtoC, d’autres seront davantage sur la gestion de la conformité globale. Néanmoins, il est important de vérifier la solidité de certains critères qui font le socle de ces PDP. Par exemple, il convient de veiller à son interopérabilité. Nous évoluons dans un monde de plus en plus connecté : la PDP est-elle déjà un réseau d’e-invoicing ? Est-elle un réseau ouvert ? Dispose-t-elle déjà d’accords d’interopérabilité existant avec d’autres réseaux d’e-invoicing ou encore d’un système d’archivage légal ? Il convient également de vérifier que les trois formats (CII, UBL et Factur-X) sont bien proposés en standard par la plateforme. Si ce n’est pas le cas, cela peut en effet être un facteur limitant par rapport à l’agilité de l’entreprise, sa capacité à se projeter sur des nouveaux clients et/ou fournisseurs. Faire de la facturation électronique est un véritable métier et la légitimité et l’expertise des futures PDP sur ce sujet est donc à vérifier. 

Enfin, il est également important que la PDP puisse gérer la période de transition vers l’e-invoicing entre 2024 et 2026, pendant laquelle plusieurs formats de factures continueront de cohabiter. Le prestataire doit être capable de continuer de traiter les formats en PDF ou papier, notamment dans le cadre des échanges BtoB à l’international mais aussi pour les échanges pendant la période de transition. D’ailleurs, les entreprises qui opèrent à l’étranger doivent également veiller aux capacités de leur partenaire à gérer les obligations de conformité d’autres pays. Tous ces critères sont importants pour que le DAF soit proactif sur l’évolution de l’entreprise, l’émergence de nouveaux partenaires et clients, les acquisitions de nouvelles entreprises, voire l’ouverture de nouveaux pays.

Alexis Coutier : Tout le monde comprend bien que la réforme a notamment pour vocation de maîtriser la collecte de la TVA et donc d’avoir des flux nativement informatisés, ce qui conduit, in fine, à la disparition du papier à partir du 1er juillet 2024 pour les très grandes entreprises puis progressivement pour les autres jusqu’au 1er janvier 2026. Le PDF pour sa part va disparaître à terme. Cependant, il y aura une tolérance sur le PDF simple et natif jusqu’en 2027. Nous sommes ainsi plusieurs opérateurs à proposer des portails qui permettront ces échanges de fichiers a minima jusqu’à cette date. Tout l’enjeu sera alors de savoir qui paie le vidéocodage de ces factures PDF, jusqu’à présent dévolu aux acheteurs.

David Martin : La simple dématérialisation des factures est réductrice ; il est important de comprendre que celle-ci va devenir une commodité et qu’il est important d’automatiser l’ensemble des processus de gestion. Si par exemple, l’OCR et les algorithmes de reconnaissance parfois basés sur l’intelligence artificielle sont des technologies d’extraction d’information, leur usage perdura pour contrôler la cohérence d’information avec des éléments encore non obligatoires. 

A l’heure où les critères ESG sont de plus en plus importants dans les relations clients-fournisseurs, l’empreinte carbone d’un produit ou d’un service pourrait être extraite directement de ces transactions. Le format EDI est pour sa part un échange de données informatisées. Nous sommes donc sur un fichier structuré de données 100 % électroniques, généralement normés (CII, Edifact, XML, UBL…) et donc qui comprend des informations exploitables par un ordinateur. La loi de finance précise que les entreprises, en France, ne s’échangeront plus des factures papiers ou en PDF signés ou non, mais des fichiers de données.

Au-delà des formats et de leur reconnaissance, il est important de repenser l’automatisation du traitement de ses factures. Pour être comptabilisées correctement et validées par un donneur d’ordre, la plupart des factures doivent être réconciliées avec une commande et une réception. Les technologies de reconnaissance continueront d’être utilisées à cet effet notamment pour les flux de factures venant de fournisseurs internationaux qui continueront à envoyer leurs factures comme auparavant. Cette réforme est donc l’occasion pour les entreprises d’enclencher une stratégie plus globale sur l’ensemble du processus de gestion et de retenir une solution qui permettra de répondre aux obligations liées à la facturation électronique en France et également en conformité avec les réglementations des autres pays.

Alexis Coutier : La question des données est un point central. Aujourd’hui, les grandes entreprises ne se posent pas la question du choix entre une OD, le PPF ou une PDP. Elles feront le choix d’une PDP. L’enjeu pour elles porte surtout sur les données métiers. En effet, le PPF a pour vocation de récupérer uniquement les données obligatoires. Or, dans plusieurs secteurs d’activité, quand l’entreprise traite un volume important de factures fournisseurs de manière automatisée, elle a besoin de la donnée métier pour pouvoir continuer à automatiser et intégrer ses factures. La meilleure garantie pour ces acteurs économiques pour préserver les données métiers consiste à faire appel à une PDP. Ces entreprises doivent donc vérifier la capacité d’interopérabilité de leurs opérateurs à traiter des flux dans différents formats avec d’autres opérateurs. Si ces cahiers des charges n’existent pas, les PDP devront s’échanger les données dans l’un des trois formats du socle. La possibilité de continuer d’échanger des données métiers comme ces entreprises le faisaient jusqu’à présent est donc un sujet critique, notamment pour les acheteurs qui ont des grands volumes de facture EDI mais aussi parfois de l’escompte avec des délais de paiement très courts. L’intérêt pour ces acheteurs est donc de rester sur leur PDP en vérifiant que l’opérateur en place va bien devenir une PDP. La donnée est ainsi l’un des principaux sujets abordés dans les consultations qui nous parviennent aujourd’hui. C’est d’ailleurs souvent la première raison pour laquelle les entreprises comprennent l’intérêt de la PDP en réception.

David Martin : Dans le cadre du choix de leur future PDP, il faut également distinguer deux hypothèses. Dans la première hypothèse, l’entreprise dispose d’outils métiers qui lui conviennent et elle souhaite simplement se mettre en conformité avec la loi de finance. Dans ce cas, il y aura peu de différences entre les PDP car, pour obtenir leur immatriculation, elles doivent respecter un cahier des charges strict en termes de gestion des formats, gestion des statuts, de contrôles de conformité, d’archivage fiscal… Nous encourageons donc les entreprises qui font ce choix à consulter les prestataires avec lesquels elles travaillent déjà sur leur solution de factures fournisseurs et/ou clients pour savoir comment ils se positionneront. Dans la seconde hypothèse, l’entreprise souhaite profiter de cette réforme pour revoir certains de ses process et donc couvrir des besoins métiers au-delà de la simple dématérialisation des factures clients ou fournisseurs. Dans ce cas, nous invitons ces entreprises à consulter des spécialistes de l’automatisation de ces processus. Certains sont listés dans les « Magic Quadrant » du cabinet Gartner, référence incontestée des acteurs du marché mondial pour les flux fournisseurs (P2P) et clients (I2C).

Autre indicateur à considérer : la couverture géographique du prestataire retenu tant pour l’accompagnement international qu’il peut apporter à votre entreprise dans le déploiement d’une solution logicielle, que pour sa connaissance et pour le respect de la conformité dans les différents pays où elle opère que ce soit avec des plateformes publiques ou privées.

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Grégory Mignon : En 2024, les grands facturiers de l’énergie et des télécommunications par exemple seront, en grande majorité, les premiers à avoir l’obligation d’émettre des factures électroniques. Le PPF proposant un service minimal, il sera donc possible pour les plus petites entreprises qui ne souhaitent pas s’équiper d’une PDP immédiatement de récupérer leurs factures électroniques sur le PPF. Mais avec la mise en œuvre progressive de l’obligation d’émettre des factures électroniques à toutes les entreprises, la volumétrie de ces factures va monter en puissance. L’enjeu est d’anticiper en s’équipant d’un outil automatisé et interopéré. Faire le choix d’une PDP dès maintenant, c’est permettre à l’entreprise de transformer une contrainte en opportunité.

«Aucun prestataire de dématérialisation n’est encore immatriculé en qualité de PDP. La DGFIP a prévu d’ouvrir la réception des candidatures à partir du printemps 2023.»

David Martin Business développement manager ,  Esker 

La facturation électronique, un sujet transfrontalier

Pascal Amilhat : La facturation électronique est un sujet qui dépasse le seul territoire national. D’autres pays ont déjà adopté un modèle de Clearance comme en France : l’Italie, la Pologne, la Turquie, le Brésil, la Chine et bientôt la Belgique, l’Espagne, le Danemark, etc. L’ensemble des pays européens bascule dans des modèles similaires. Nous constatons également une prise de conscience de la complexité du sujet, notamment au regard de sa constante évolution. Cette dernière implique de se reposer sur des acteurs capables d’anticiper les changements.

Alexis Coutier : la fraude à la TVA porte en grande partie sur les flux transfrontaliers. A terme, nous savons qu’il y aura une directive européenne et que les différentes plateformes des administrations fiscales seront interconnectées. Donc, parmi les critères de choix il convient de regarder également si la PDP accède déjà au réseau PEPPOL qui permet déjà la transmission de factures vers des plateformes publiques.

Pascal Amilhat : La perspective de recevoir demain des factures 100 % électroniques offre des opportunités immenses en termes d’automatisation des tâches de comptabilité fournisseurs. La donnée présente sur les factures va être enfin fiable et capturée à 100 %, comme de l’EDI, avec la ligne que nous ne capturons pas toujours aujourd’hui. La bonne question à se poser désormais c’est comment la PDP va accompagner l’entreprise pour automatiser le rapprochement, l’imputation comptable, le paiement des factures et tout ça de manière synchronisée avec l’ERP. C’est bien de satisfaire une obligation, c’est mieux de générer un retour sur investissement.

Grégory Mignon : La PDP va en effet permettre d’échanger des statuts de la facture entre plateformes, offrant une nouvelle visibilité qui n’existait pas auparavant et qui va désormais pouvoir s’opérer entre entreprises. Ces statuts permettront aussi d’optimiser des services de gestion à forte valeur ajoutée : gestion des paiements et encaissements, relances clients, gestion des litiges, conversations collaboratives. Mais ces services ne doivent pas être que bénéfiques sur les flux concernés par la réforme française. Il y a un fort besoin stratégique pour les entreprises de choisir une PDP en mesure d’intégrer les flux internationaux tout en assurant les mêmes avantages. 

«En 2024, les entreprises auront l’obligation de choisir une plateforme de réception de factures électroniques, qu’elle soit publique (le PPF) ou privée (une PDP).»

Grégory Mignon Senior product evangelist ,  Yooz

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