Si le régime de commercialisation des titres financiers n’est a priori pas impacté par une offre des titres en démembrement, les prestataires et intermédiaires impliqués dans cette offre doivent toutefois veiller à fournir à l’investisseur une information claire, précise et non trompeuse et disposer des agréments requis.
Par Alexandre Marion, avocat spécialisé dans les services financiers. Il conseille notamment des entreprises commerciales et industrielles ou des sociétés de gestion dans les aspects réglementaires de la structuration de fonds immobiliers.
Dans le cadre d’une gestion patrimoniale dynamique et/ou successorale, un investisseur peut avoir intérêt à démembrer les titres financiers qu’il détient ou en acquérir en démembrement.
Dans le premier cas, il en conserve l’usufruit et transmet à ses héritiers la nue-propriété.
Dans le second, il acquiert la seule nue-propriété, en offrant à un autre investisseur souhaitant profiter des revenus stables et réguliers associés à ces titres la possibilité d’acquérir temporairement l’usufruit, dans le cadre d’une convention de démembrement limitée dans le temps.
En cas d’acquisition de titres en nue-propriété, il peut – lorsque certaines conditions sont réunies – limiter temporairement sa base d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune et l’impôt sur le revenu, tout en se garantissant, à la fin de la période de démembrement, la disponibilité des titres financiers «remembrés», avec leur liquidité et leurs droits financiers retrouvés.
Du point de vue du prestataire ou de l’intermédiaire qui répond aux aspirations de ces investisseurs, voire qui les anticipe, la prudence s’impose compte tenu des services réglementés potentiellement rendus à l’occasion de cette offre de titres financiers en démembrement.
En particulier, selon que le prestataire ou l’intermédiaire est associé ou non à l’émission de titres financiers, les services potentiellement rendus sont soumis à agrément et incluent le démarchage bancaire et financier. S’agissant des services d’investissement potentiellement rendus, qui dépendent parfois de la nature des titres financiers ou des modalités de leur acquisition par l’investisseur, on peut citer la prise ferme, le placement, la réception-transmission d’ordres pour compte de tiers ou leur exécution, voire la négociation pour compte propre, ainsi que le conseil en investissement, si le titre financier a été suggéré par le prestataire ou l’intermédiaire.
Sans reprendre l’ensemble des situations où ces services d’investissement seront rendus, on peut évoquer le service d’exécution d’ordres. Il y aura notamment prestation d’un tel service lorsque le prestataire ou l’intermédiaire anime un marché secondaire sur le titre démembré pour offrir de la liquidité à l’investissement de son client : il pourrait en effet être amené à s’engager auprès de l’investisseur à lui trouver un acquéreur si ce dernier souhaite céder ses parts démembrées. Il pourrait aussi s’engager auprès d’un prospect à trouver un vendeur de titres financiers démembrés.
Par ailleurs, même si la loi Hamon du 17 mars 2014 a exclu les titres financiers du régime des biens divers, on peut se demander si l’offre organisée de l’usufruit associé au démembrement s’analyse comme une commercialisation de «biens divers», soumise au visa de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il nous semble que certains arguments juridiques militent pour considérer que le démembrement de titres financiers n’atteint pas la nature des titres offerts.
En revanche, ce démembrement nous semble impacter le devoir de conseil dû à l’investisseur. A fortiori, lorsque les titres financiers d’origine ont la qualité de «produits d’épargne» au sens que l’AMF attribue à cette expression, le prestataire ou l’intermédiaire veillera à informer correctement l’investisseur des risques associés à cet investissement, particulièrement sur la faible liquidité de celui-ci, compte tenu de la période de démembrement fixée.
Le prestataire ou l’intermédiaire habilité veillera enfin à se conformer aux exigences en matière de rémunération, notamment sur la transparence qu’il doit à l’investisseur, en accord avec les textes transposant la Directive MIF et bientôt la Directive MIF 2.