La vente à réméré (rebaptisée, depuis la loi du 12 mai 2009, vente avec faculté de rachat) est une institution existant depuis l’Ancien régime, définie à l’article 1659 du Code Civil comme : « […] un pacte par lequel le vendeur se réserve le droit de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement dont il est parlé à l’article 1673 ». Ces ventes avec faculté de rachat ne correspondent pas à un véritable rachat mais à un retrait conventionnel, et les ventes à réméré s’analysent selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation comme des ventes conclues sous condition résolutoire. Au plan de la TVA, l’administration fiscale a précisé que, sous réserve que la faculté de rachat ait été prévue dans le contrat de vente lui-même et que le rachat soit effectué dans le délai stipulé audit contrat, l’exercice du réméré est considéré comme l’accomplissement d’une condition résolutoire, replaçant les parties en l’état où elles se trouvaient avant la vente. Au plan des droits de mutation, l’acte est simplement enregistré au droit fixe de 125 euros.
Il ne faisait alors aucun doute que l’exercice du réméré faisant jouer une clause résolutoire, la restitution de l’immeuble et du prix au vendeur initial ne constituaient pas une nouvelle mutation de l’immeuble, qui relèverait de la TVA si celui-ci est achevé depuis moins de cinq ans. C’est ce que le Conseil d’Etat a toutefois dû rappeler dans un arrêt du 7 octobre 2021 (n°430136, Sté Victoria ACR), la cour administrative d’appel de Nantes, ayant jugé dans une décision du 28 février 2019, que la mise en œuvre de la faculté de rachat impliquaient une nouvelle opération de transfert, de l’acquéreur initial vers le vendeur initial, du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire, transfert constitutif d’une livraison de biens au sens de la TVA.
Vente à réméré, quel régime de TVA des sommes s’ajoutant au prix restitué ?
Cette analyse du traitement fiscal de la vente à réméré confirmée, restait la question du régime de TVA des sommes s’ajoutant au prix restitué (la différence entre le prix de rachat et le prix de vente). Plusieurs natures pouvaient être envisagées pour qualifier ces sommes : rémunération d’un service rendu par l’acquéreur au vendeur ou indemnisation d’un préjudice subi par l’acquéreur du fait de la résiliation de la vente ?
La qualification d’indemnité n’a pas été retenue en l’espèce, fort logiquement, dès lors que le modèle économique développé par la société Victoria reposait sur la conclusion de contrats à réméré et que le contrat a été conclu par les deux parties dans l’objectif souhaité d’un rachat effectif. La marge conservée par l’acquéreur dans la réalisation de l’opération de réméré apparaît donc comme la rétribution d’un service rendu par ce dernier, service qu’il convient néanmoins de qualifier.
L’analyse retenue par la Cour administrative d’appel, selon laquelle ce service est inhérent au contrat de vente à réméré et ainsi non détachable de la vente elle-même, avec laquelle il forme une opération complexe unique de livraison de biens exonérée de TVA (l’immeuble étant achevé depuis plus de cinq ans) est infirmée par la Haute Juridiction dès lors qu’elle a rappelé que l’exercice de la faculté de rachat ne constitue pas une livraison de biens. Le Conseil d’Etat écarte également la qualification de prestation d’octroi de crédit, exonérée de TVA en application de l’article 261 C-1° du CGI, au motif que le rachat des immeubles étant défini par les contrats comme une simple faculté à la main du vendeur, un risque existe que cette faculté ne soit pas exercée. Le Conseil d’Etat en conclut alors que la somme correspondant à la différence entre le prix de rachat et le prix de vente s’analyse comme la contrepartie de réserver au vendeur la possibilité, dans le délai fixé par le contrat, d’obtenir la résolution de la cession immobilière et ainsi de récupérer effectivement son bien. Ce service est soumis à la TVA de plein droit en application de l’article 256 du CGI. Cette solution inédite n’était pas évidente et ne peut qu’inviter les opérateurs immobiliers utilisant cet instrument juridique à être prudent à l’avenir dans la réalisation de leurs opérations.