Droit réel d’usage et de jouissance d’un bien pour une durée limitée, l’usufruit ne correspond qu’à une partie du droit de propriété : celle permettant notamment de recevoir les fruits produits par le bien démembré, tels les résultats courants d’une société ou les loyers d’un immeuble.
Parmi les catégories de loyers, celle correspondant à la valeur de ceux des travaux et embellissements réalisés par le locataire qui sont transférés gratuitement au bailleur, a donné lieu à deux jurisprudences récentes précisant le statut fiscal de l’usufruitier.
Un usufruit immobilier conduisant à la résiliation du bail
Céder pour une durée temporaire (non viagère) son droit d’usufruit implique :
– en premier lieu, de se rappeler que la première cession d’un usufruit temporaire réalisée par une personne physique, directement ou par une société non soumise à l’impôt sur les sociétés l’IS dont il est l’associé, génère (Code général des impôts, article 13.5) un profit fiscal soumis non pas aux règles des plus-values de cession, mais à celles des revenus d’exploitation correspondants (par exemple, celles des revenus fonciers en cas d’usufruit temporaire immobilier) ;
– en second lieu, d’identifier que, si le futur usufruitier de l’immeuble en est locataire, la cession d’usufruit rendra celui-ci également bailleur, et cette confusion des qualités mettra fin au bail. Bien que, juridiquement (et en droits d’enregistrement), cette réunion des qualités ne s’opère que sur la tête du locataire et pas chez le bailleur, une décision du Conseil d’Etat du 19 avril 2021 a jugé que cette cession d’usufruit s’assimile à une « résiliation amiable tacite » du bail, rendant imposable le bailleur sur le loyer en nature afférent aux travaux et embellissements qui devaient contractuellement lui revenir sans indemnité. Cette décision étend ainsi à une cession d’usufruit un courant de jurisprudence inauguré en 2005 à propos du transfert par le bailleur au preneur de la pleine propriété d’un terrain donné à bail à construction, étendu en 2011 à un transfert de terrain analogue mais sujet à un bail de droit commun, et, par la décision du 19 avril dernier, à une cession d’un usufruit. Ainsi, les bailleurs souhaitant céder un usufruit à leur locataire, et tout particulièrement ceux soumis à l’impôt sur les sociétés (IS), doivent examiner en détail les conséquences d’impôts directs que pourrait induire une telle cession.
Un usufruitier de parts de SCI, imposé sur tous les loyers
Tout aussi récemment, le Conseil d’Etat a confirmé à qui, de l’usufruitier ou du nu-propriétaire des parts d’une société civile immobilière (SCI) bailleresse non soumise à l’IS, doit être attribué le résultat fiscal afférent à un loyer en nature similaire reçu du preneur, compte tenu que la loi fiscale ne définit pas précisément les « droits dans les bénéfices » revenant à chacun.
En effet, son accession à la propriété de tels travaux avait conduit la SCI bailleresse à constater comptablement une augmentation de son actif et un produit de loyers. L’usufruitier contestait être imposable, estimant que cette augmentation de l’actif social suffisait à en rendre le nu-propriétaire soumis à l’impôt à ce titre. Telle n’a pas été l’analyse du Conseil d’Etat le 19 mai 2021 (n° 429.332), confirmant que, en cas de démembrement des droits sociaux, tous les produits de loyers, de quelque nature qu’ils soient, doivent être fiscalisés entre les mains de l’usufruitier, sauf convention de répartition expresse contraire pré-convenue entre les titulaires de droits sociaux, dont le Conseil d’Etat a (décision précitée ; 20 juillet 2021, nos 434.029 et 434.030), opportunément rappelé l’opposabilité.