Au cours de ces dernières années, de nombreux acteurs issus du milieu de l’investissement immobilier ont eu recours à un nouveau produit en faisant appel à un assureur pour couvrir un risque fiscal identifié, avec pour objectif principal de faciliter les négociations lors d’une vente.
L’assurance de risque fiscal spécifique permet de réduire, voire de supprimer, l’exposition à un risque fiscal qui aurait été identifié lors de la phase de l’audit fiscal et qui, s’il survenait, modifierait l’économie générale de la transaction si l’administration fiscale venait à poser une interprétation différente sur le régime applicable à une opération déjà effectuée ou à venir.
Ainsi, l’assurance de risque fiscal spécifique couvre le préjudice qui serait lié à l’inapplication du traitement fiscal tel qu’initialement attendu par l’une des parties à la transaction. Ledit préjudice inclut l’impôt, les coûts liés au contentieux, les intérêts de retard, les éventuelles majorations ou encore les surcoûts relatifs à l’application du mécanisme du brutage (ou « gross-up »).
L’offre d’assurance de risque fiscal spécifique est essentiellement portée par des assureurs étrangers, anglais pour la plupart. Ils disposent souvent d’équipes de souscripteurs spécialisés, essentiellement des anciens avocats fiscalistes, ce qui justifie d’une réelle expertise en la matière.
Les risques fiscaux immobiliers figurent en bonne place des risques fiscaux assurés
La fiscalité est l’un des paramètres financiers sensibles de toute opération immobilière et les investisseurs ne peuvent s’engager que sur des projets dont le business plan est suffisamment sécurisé. Or, les modifications législatives fréquentes, les solutions jurisprudentielles fluctuantes ainsi que l’appréciation délicate de règles aux contours flous et, parfois, inadaptées au secteur de l’immobilier génèrent de réelles zones d’insécurité juridique, source d’insécurité financière.
Tous les risques fiscaux immobiliers identifiés ne sont pas assurables
Seuls les risques fiscaux raisonnablement limités le sont. A titre d’exemple, le seul aléa consistant à déterminer si la société considérée sera, ou non, contrôlée par l’administration fiscale, n’est pas un risque qui, en soi, mérite d’être couvert pour un assureur.
En termes de processus, l’assureur et ses conseils vont réaliser, sur la base des éléments qui leur auront été communiqués, une analyse fine des chances de succès devant le juge de cassation en cas de remise en cause par l’administration fiscale du traitement fiscal attendu. Au-delà des aspects purement techniques du dossier étudié, les assureurs examinent également les risques qui leur sont soumis à l’aune du climat de la « sécurité juridique » et de la « sécurité politique » du pays ou encore de la propension de l’administration fiscale à cibler certaines pratiques fiscales ou certaines activités dans le contexte spécifique de l’opération concernée.
Les assureurs sont particulièrement réceptifs aux risques fiscaux présentant les caractéristiques techniques suivantes :
– faible probabilité d’occurrence mais fort impact financier ;
– opération réalisée ou à venir dont le traitement fiscal n’est pas définitivement tranché ;
– absence de schéma agressif ou de structure artificielle ;
– existence d’une base juridique solide justifiant le traitement fiscal attendu permettant d’opposer des arguments sérieux en cas de contestation par l’administration fiscale.
En matière de fiscalité immobilière, il peut notamment s’agir des risques « prospectifs » suivants :
– risques de requalification de titres de participation en titres de société à prépondérance immobilière ;
– risques gérables en matière de taxe de 3 % ;
– risques de remise en cause de taux réduits ou d’exonérations de retenue à la source en présence de structures d’investissement internationales ;
– risques de remise en cause de régimes d’exonération dont bénéficient certains véhicules d’investissement ;
– risques résultant de la réalisation de l’application du correctif « Quemener » (avant l’arrêt Sté FRA SCI ; CE 24 avr. 2019, n° 412503) ;
– risques divers liés à la qualification de certaines opérations en matière de TVA ;
– risques divers liés à la taxe de création de bureaux en Ile-de-France.
L’établissement d’une police d’assurance de risque fiscal spécifique se déroule suivant une procédure bien normée
Quatre phases principales peuvent être distinguées :
– Phase n°1 : soumission
La soumission est en principe réalisée par le courtier qui va chercher à « placer » le risque au titre duquel il a été mandaté par celui qui cherche à se faire assurer. L’analyse du risque doit être détaillée. Elle est souvent accompagnée d’une note réalisée par les conseils de l’assuré afin de présenter la nature du risque, les enjeux et les montants que l’assuré souhaiterait faire couvrir par l’assurance.
– Phase n°2 : non-binding indication
Après étude, les assureurs fournissent une « non-binding indication » (ou « N.B.I. ») fixant les principaux termes et les conditions d’application de la police : prime, nature et montant du préjudice couvert, hypothèses retenues pour la mise en œuvre de la police, mentions des exclusions, possibilités de « déclarations » à faire par l’assuré. A ce stade, il est fréquent que l’assureur fasse appel à ses propres conseils pour une étude préliminaire.
– Phase n°3 : expense Agreement
L’assureur conclut un accord de dépenses ou « expense agreement » afin de couvrir ses frais de conseil.
– Phase n°4 : acceptation
L’acceptation de l’assureur est précédée d’une phase de « questions-réponses » écrites et orales avec l’assuré permettant à l’assureur et à ses conseils de finaliser leur analyse.
C’est à la suite de son acceptation que l’assureur émet un projet de police dont les principaux termes sont les suivants :
– la prime (elle est généralement payée en une fois à l’occasion de la mise en place de l’assurance) ;
– la durée de la police (elle est liée aux
durées de prescription applicables au
risque assuré) ;
– les exclusions (une police d’assurance de risque fiscal spécifique contient généralement très peu d’exclusions) ;
– la définition de « l’événement fiscal assuré » et les lettres de représentation (ce sont les éléments qui sont les plus négociés entre les parties).
Ainsi, dans un contexte où les administrations fiscales sont de plus en plus réticentes à accorder des rescrits, et où la durée de traitement des demandes de confirmation s’allonge, l’assurance de risque fiscal spécifique apparaît comme un moyen efficace de fournir le niveau de confort nécessaire à l’accomplissement de certaines opérations immobilières.
L’appétit croissant du marché pour ce type de produit se reflète dans le fait que les courtiers, d’une part, et les assureurs, d’autre part, recrutent aujourd’hui de plus en plus d’experts fiscaux afin de pouvoir proposer des offres « sur mesure » en matière de risque fiscal identifié.