L’immobilier, généralement perçu comme un vecteur d’investissement sûr et rentable dans un contexte économique incertain et mouvant, attire de nombreux investisseurs, institutionnels comme particuliers, ce qui suscite et nécessite souvent la constitution de véhicules d’investissement adaptés. Au-delà de leur rentabilité intrinsèque, ces véhicules présentent des problématiques fiscales qu’il ne faut ni surestimer, ni ignorer.
Par Frédéric Gerner, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en matière de conseil que de contentieux dans les questions relatives aux impôts directs, notamment celles liées aux restructurations intra-groupes et à l’immobilier. frederic.gerner@cms-fl.com et Julien Saïac, avocat associé en fiscalité. Il traite plus particulièrement des questions relatives aux restructurations internationales et aux investissements immobiliers. julien.saiac@cms-fl.com
Différents régimes de faveur existent, dans la législation fiscale française, pour orienter l’épargne vers les fonds d’investissement. Ces régimes (ex. : fonds communs de placement à risques, sociétés de capital-risque, fonds communs de placement dans l’innovation – FCPI, etc.) privilégient généralement l’investissement dans des secteurs qui sont assez loin de l’immobilier.
Certes, certains types de véhicules ont été institués spécifiquement pour les investissements immobiliers. Ainsi en est-il des sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC), créées en 2003, ou des organismes de placement collectif immobilier (OPCI, qui recouvrent les SPPICAV – sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable – et les FPI – fonds de placement immobilier) institués en 2005, qui ont pour objet principal l’acquisition ou la construction d’immeubles en vue de leur location ou la détention de participations dans des sociétés foncières.
Ces véhicules ont pour point commun de bénéficier de régimes d’exonération sur tout ou partie de leurs revenus, essentiellement immobiliers, à condition de respecter certaines obligations de distribution. Ils peuvent réaliser des plus-values mais ont une vocation essentiellement foncière et locative. Ils ne sont pas adaptés pour d’autres activités immobilières, telles que les activités de marchand de biens ou de promotion. Par ailleurs, la fiscalité des revenus (dividendes ou plus-values) des porteurs de parts de ces organismes est en règle générale, pour les résidents français, une fiscalité au taux plein, sans abattement ou exonération.
Les fonds investissant dans des activités immobilières autres que foncières, directement ou par l’intermédiaires de filiales, ne peuvent pas se placer sous des régimes spécifiquement prévus pour ces activités et doivent donc faire appel à des typologies de véhicules plus ou moins adaptées : par exemple, fonds professionnel de capital-investissement (FPCI), société de libre partenariat (SLP), société d’investissement professionnelle spécialisée (SIPS, qui correspond à un fonds professionnel spécialisé prenant la forme d’une société d’investissement à capital variable), ou société «classique» soumise à l’impôt sur les sociétés – IS – (société par actions simplifiée) ou au régime des sociétés de personnes (société en nom collectif).
Le choix de la forme du fonds dépend alors, très largement, de l’identité des investisseurs (institutionnels ou particuliers), de leur résidence, de leur statut fiscal et de la nature des opérations et investissements envisagés (immeubles, sociétés immobilières cotées ou non cotées, actifs exclusivement immobiliers ou non, etc.). Certains de ces véhicules tels que les FPCI, SLP ou SIPS bénéficient potentiellement de régimes fiscaux très favorables, avec des régimes de transparence fiscale et/ou d’exonérations plus ou moins larges, mais les régimes les plus favorables sont généralement conditionnés à des règles de composition d’actifs et d’investissements visant des activités industrielles ou commerciales que l’administration fiscale, à tort ou à raison, a tendance à interpréter de manière restrictive.
La structuration du fonds doit ainsi tenir compte des contraintes règlementaires ou juridiques (éventuel agrément AMF, nature des structures ou activités dans lesquelles le fonds peut investir, etc.), mais également de la règlementation fiscale applicable, en se posant notamment les questions suivantes :
– sur quels types de revenus l’éventuel régime d’exonération s’applique-t-il ? ;
– quel est le régime des distributions opérées au profit des porteurs des parts et des plus-values de cession des parts ? ;
– les revenus du fonds sont-ils imposés chez les porteurs de parts au moment de leur distribution ou dès leur réalisation ?
En pratique, pour une société soumise à l’IS en France, l’investissement dans un fonds immobilier, quels que soient sa forme et son régime, produira généralement des revenus taxés au taux normal de l’IS (25 % à horizon 2022). Dans la plupart des cas, soit les plus-values (sur immeubles ou sociétés à prépondérance immobilière) ou revenus locatifs générés par le fonds seront soumis à l’IS au taux normal dans le fonds ou ses filiales, soit la société porteuse des parts sera taxée au taux normal sur les dividendes reçus du fonds ou les plus-values de cession des parts, voire sur les écarts de valeur liquidative constatés sur la valeur des parts à chaque clôture ou par transparence directement sur les revenus du fonds (distribués ou non).
Le principe d’une taxation en France s’applique également, en théorie, aux investisseurs non-résidents. Ainsi, le régime des distributions des fonds de type SPPICAV ou SIIC a progressivement été modifié dans le cadre des principales conventions fiscales signées par la France (cf. Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne mais également la nouvelle convention franco-luxembourgeoise qui va entrer en vigueur le 1er janvier 2020), de sorte que les dividendes payés, à partir de revenus ou gains immobiliers, par un véhicule d’investissement français qui distribue la plus grande partie de ses revenus annuellement et bénéficie d’une exonération d’impôt à raison de ces revenus ou gains, sont désormais soumis à une retenue à la source au taux de droit interne (28 % ou 31 % à compter du 1er janvier 2020 pour les personnes morales, 12,8 % pour les personnes physiques) lorsque le bénéficiaire effectif est un investisseur non-résident qui détient, directement ou indirectement, une participation de plus de 10 % du capital du véhicule d’investissement. C’est seulement si cette participation n’excède pas 10 % que l’investisseur non-résident pourra bénéficier du taux réduit conventionnel (généralement fixé à 15 %).
En modifiant ainsi ses conventions, la France a entendu limiter les avantages fiscaux que les investisseurs étrangers pouvaient retirer des dispositifs favorables accordés notamment aux SIIC et aux SPPICAV. De manière générale, pour les investisseurs non-résidents, le régime de transparence ou d’exonération d’un fonds nécessite toujours de vérifier les conditions d’application de la convention fiscale qui les concerne.
Cela étant, les non-résidents ont également la possibilité d’investir via des fonds étrangers. En effet, les dividendes versés par une société française à un fonds étranger, situé dans l’Union européenne ou dans un Etat ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative, sont exonérés de toute retenue à la source, sous réserve des deux conditions suivantes :
– le fonds étranger doit lever des capitaux auprès d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie dans l’intérêt de ces derniers ;
– il doit présenter des caractéristiques similaires à celles des fonds français.
Il est à noter que les distributions prélevées sur les bénéfices exonérés des SIIC et SPPICAV (et de leurs filiales) ne peuvent pas bénéficier de cette exonération et sont soumises à un taux spécifique de 15 %. Reste bien entendu à s’assurer de la «comparabilité» du fonds étranger à un fonds français éligible, exercice toujours délicat mais désormais bien encadré par la doctrine administrative et la jurisprudence française et européenne.