Cass. 3e civ., 14 septembre 2017, n° 16-21 942
Par Jean-Luc Tixier, docteur en droit, avocat associé en droit immobilier et droit public. Il assiste – conseil et contentieux – les entreprises commerciales et industrielles, et intervient auprès des promoteurs en matière de droit de l’urbanisme et de la construction, de ventes immobilières et de baux commerciaux, de baux emphytéotiques et à construction. Il est chargé d’enseignement à l’Université Paris I. jean-luc.tixier@cms-bfl.com et Simon Estival, avocat en droit immobilier. Il intervient dans tous les domaines du droit immobilier, notamment en matière de baux commerciaux, copropriété, construction et avant-contrats immobiliers. simon.estival@cms-bfl.com
En application de l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation, les vendeurs et les bailleurs ont l’obligation de faire établir et de produire des rapports faisant état de la présence ou de l’absence d’amiante.
Le diagnostiqueur engage :
– sa responsabilité pénale s’il ne satisfait pas aux obligations qui pèsent sur sa profession, tant en termes de compétences, d’organisation, de certification, d’assurance que d’impartialité et d’indépendance (cf. articles L. 271-6 et R. 271-1 à R. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation) ;
– sa responsabilité contractuelle à l’égard de son donneur d’ordre (généralement le vendeur ou le bailleur) sur le fondement des articles 1103 et 1231-1 du Code civil ;
– sa responsabilité délictuelle à l’égard des tiers (généralement l’acquéreur) sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil, en cas de manquement à ses obligations.
Les techniques de repérage de l’amiante sont décrites dans des dispositions légales, réglementaires et normatives très précises.
Ainsi, le diagnostiqueur missionné pour rechercher la présence d’amiante se doit de la repérer dès lors qu’elle est décelable à l’aide des techniques qui lui sont imposées, à savoir des constats visuels des parties accessibles de l’immeuble (cf. norme NF X46-020 relative au repérage de matériaux et produits contenant de l’amiante dans les immeubles bâtis) ; la jurisprudence apprécie ses obligations avec exigence. A cet égard, il a été jugé que le diagnostiqueur commet une faute s’il n’a pas repéré un revêtement de sol amianté sous un parquet flottant dès lors que celui-ci était visible dans les placards ou au niveau des découpes du parquet autour des huisseries (CA Grenoble, 4 septembre 2012, n° 11-00444).
En effet, le diagnostiqueur qui a reçu une mission complète de diagnostic n’est «pas en droit de limiter son intervention à un simple contrôle visuel ni à certaines parties de l’immeuble», et doit donc «procéder à une recherche systématique» (Cass. 3e civ., 3 janvier 2006, n° 05-14 380).
La Cour de cassation a, avec une extrême rigueur, ainsi considéré que :
– commet un manquement à ses obligations le diagnostiqueur qui se borne à effectuer un repérage sur les matériaux et produits accessibles sans «sondage sonore suffisant à lui faire suspecter la présence d’amiante» (Cass. 2e civ., 17 septembre 2009,
n° 08-17 130) ;
– même si le contrôle de la présence d’amiante n’implique pas de travaux destructifs (cf. articles R. 1334-20 et R. 1334-21 du Code de la santé publique), «le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n’était pas purement visuel, mais […] il lui appartenait d’effectuer les vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs» (Cass. 3e civ., 21 mai 2014, n° 13-14 891).
Dans un récent arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de cassation confirme fermement cette jurisprudence en considérant que «l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission», par exemple des «sondages non destructifs, notamment sonores».
Cet arrêt important, favorable aux intérêts des acquéreurs et des preneurs, s’inscrit dans un courant jurisprudentiel, dorénavant bien établi, sur l’étendue de l’obligation du diagnostiqueur et les moyens à mettre en oeuvre pour procéder au repérage d’amiante.
Il consacre le caractère insuffisant des simples contrôles visuels en affirmant que le diagnostiqueur doit réaliser de véritables sondages sur le bien, sans pour autant que ceux-ci soient destructifs.
En définitive, le diagnostiqueur est, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, tenu d’aller au-delà des méthodes prévues par l’actuelle norme NF X46-020, laquelle a été mise à jour et a, depuis le 1er octobre 2017, remplacé l’ancienne version datant de 2008.