«L’érosion de la base d’imposition fait peser des risques réels de menaces sur les recettes, la souveraineté et l’équité fiscale (…)», ainsi s’ouvre le rapport de l’OCDE «Lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices» du 12 février 2013 remis aux ministres des finances du G20, emmenés par l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Par Michel Collet, avocat associé, spécialisé en fiscalité internationale.
Nos gouvernants sont déterminés à agir pour que les multinationales paient «leur juste part d’impôts». En juillet prochain, un plan d’action complet doit être remis par l’OCDE au G20 pour prendre des mesures et actions collectives adaptées. Les Etats peuvent être en effet agacés de constater que les Iles Vierges Britanniques étaient en 2010 le deuxième principal investisseur en Chine, l’Ile Maurice, le principal investisseur en Inde et Chypre, le premier en Russie. Les entreprises multinationales sont principalement ciblées comme exploitant les failles d’un ordre fiscal conçu dans les années 20 «en transférant les bénéfices vers les pays où ils sont le moins taxés et les dépenses là où les possibilités de déduction sont les plus importantes». C’est dans ce cadre que le recours à l’endettement est visé.
Sa différence de traitement avec l’utilisation des capitaux propres est jugé incitative du fait de la déductibilité des intérêts (contrairement aux dividendes). L’utilisation d’instruments hybrides permettant l’absence d’application de retenues à la source et d’imposition chez l’entité prêteuse est mentionnée, comme la technique du «debt-push down». Il serait pour le moins illusoire de croire à une harmonisation permettant la déduction d’un intérêt notionnel calculé sur le montant des capitaux propres. Il s’agit plutôt de réduire la déductibilité des intérêts avec un plafonnement forfaitaire avec, le plus souvent des dispositifs anti-abus renforcés.
La France, a pris les devants avec quatre dispositifs cumulés de limitation. L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie ont introduit une limitation en fonction d’un pourcentage de bénéfices avant impôt. La tendance est clairement à la limitation de déductibilité des intérêts, que la dette soit bancaire ou intra-groupe et à la suppression des schémas d’optimisation internationaux avec notamment l’utilisation d’instruments hybrides. Néanmoins, une simple coopération internationale sans coordination des politiques fiscales nationales ne pourrait réduire à elle seule l’optimisation fiscale.