La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Avril 2013

La fragilité des promesses de leavers

Publié le 18 février 2014 à 14h21    Mis à jour le 12 mars 2014 à 10h04

Alexandre Delhaye

Les management packages prévoient habituellement un engagement à la charge du manager de céder ses titres en cas de cessation de ses fonctions, distinction étant généralement faite entre les départs dits fautifs de ceux non fautifs.

Par Alexandre Delhaye, avocat en corporate-M&A.

Cet engagement repose sur le mécanisme juridique de la promesse aux termes de laquelle le manager s’engage unilatéralement à céder ses titres à des conditions prédéterminées à l’investisseur financier, qui dispose donc d’un droit d’option d’achat. Pour que la promesse remplisse son objectif, il est indispensable que le manager ne puisse pas revenir sur son engagement de vendre. Or, ce n’est pas ce que laisse entendre la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation désormais bien établie. Cette dernière considère en effet qu’au cas où le promettant reviendrait sur son engagement, le bénéficiaire ne pourrait pas demander l’exécution forcée, mais seulement se contenter de dommages-intérêts, dont le quantum sera certainement décevant.

Quel est son raisonnement ?

Après avoir qualifié – malgré des critiques doctrinales – l’obligation du promettant en une obligation de faire ne pouvant donner lieu à une exécution forcée, mais exclusivement à des dommages-intérêts(1), elle se fonde désormais sur le raisonnement suivant : la rétractation du promettant exclut toute rencontre de volontés réciproques de vendre et d’acheter de sorte qu’il ne peut y avoir contrat et qu’en conséquence, la réalisation forcée de la vente ne peut être demandée(2). La promesse n’est donc pas un contrat, mais un avant-contrat. Elle ne devient un contrat que lorsque l’option a été exercée par le bénéficiaire, pour autant que le promettant ne se soit pas rétracté. Dans ce cas seulement, la promesse devenue contrat pourra être exécutée de manière forcée.

Selon une interprétation peut-être extensive de cette jurisprudence, ne pourrait-on pas entrevoir dans cette volonté de protéger le promettant contre un engagement trop rapide, la création d’un véritable droit à la rétractation moyennant indemnisation ? Dès lors, dans quelle mesure un promettant ne sera-t-il pas tenté d’utiliser ce «droit» de manière détournée par exemple dans le but de paralyser la mécanique des leavers et de négocier sa sortie ou dans celui de retrouver sa liberté pour céder ses titres à un prix supérieur à celui fixé dans la promesse ? Des mécanismes sécuritaires peuvent toutefois être mis en place : recours à l’arbitrage; blocage des titres objets de la promesse (nantissement, séquestre, fiducie, etc.); clauses dissuasives (clause pénale, dédit, etc.).

Ils restent néanmoins imparfaits, compliqués à mettre en œuvre pour certains et pas forcément adaptés au private equity. De manière générale, il sera utile de prévoir dans la promesse une clause d’exécution forcée. Celle-ci devra stipuler – de manière claire et précise – que l’engagement du promettant est irrévocable, qu’il s’agit d’une obligation et qu’en cas de manquement, la promesse pourra faire l’objet d’une exécution forcée en nature. L’objectif est bien de redonner du poids à la volonté des parties de pouvoir décider du caractère révocable ou non de la promesse et de la sanction applicable en cas de violation. Malheureusement, il n’est pas possible d’admettre aujourd’hui que la Cour de cassation – malgré un léger espoir(3) – reconnaît l’efficacité d’une telle clause. Un réel climat d’insécurité juridique entoure donc les promesses.

(1). Cass. 3e Civ. 15 déc. 2003 « Consorts Cruz » et Cass. 3e Civ. 28 oct. 2003 (art. 1142 du C. civil).

(2). Cass. 3e Civ. 11 mai 2011 et Cass. Com. 13 sept. 2011 (art. 1101 et 1134 du C. civil).

(3). Voir en ce sens, Cass. 3e Civ. 23 octobre 2008 (non publié).


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Les clauses de leaver à l’épreuve de la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur l’article 1843-4 du Code civil

Arnaud Hugot

L’investissement des managers dans les opérations de LBO est le plus souvent accompagné de la conclusion par ces derniers, de promesses de vente exerçables en cas de départ de la société. Si le départ intervient pour de «bonnes raisons» (cas de good leaver comme le départ à la retraite, l’invalidité ou le décès) le prix de cession des titres sera en principe déterminable sur la base d’une formule permettant d’obtenir un prix de marché.

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