La déclaration pays par pays (en anglais «CbCR» pour «Country by Country Reporting») auprès de l’autorité fiscale du pays dans lequel est situé le siège du groupe multinational a été adoptée par la France, l’Union européenne ainsi que de nombreux pays. Par ailleurs, une convention multilatérale pour l’échange automatique d’informations relatives à ces déclarations pays par pays a été signée cet été. Cet échange automatique se fera entre les autorités fiscales de plus de 40 pays signataires, dont les Etats membres de l’Union européenne, la Suisse, la Chine, l’Inde, le Japon, le Canada ou l’Australie. En revanche, ni les Etats-Unis ni la Russie n’ont à ce jour signé cette convention.
Par Xavier Sotillos Jaime, associé, PwC Société d’Avocats; Cathaline Batier, avocate, PwC Société d’Avocats et Mike Marchais, PwC Société d’Avocats
La déclaration pays par pays est une initiative de l’OCDE. Bien que des instructions aient été publiées par l’OCDE sur les éléments à y inclure, la mise en œuvre de ces recommandations n’est cependant pas uniforme dans les pays qui ont adopté cette obligation de déclaration.
A titre d’exemple, la notion de revenus telle que présentée par l’OCDE inclut les ventes de produits mais aussi de stocks, les revenus liés aux services, les redevances, les revenus d’intérêts, les primes et même les dividendes si ces paiements ne sont pas considérés comme des dividendes dans le pays du payeur. Le législateur français a retenu, lui, la déclaration du «chiffre d’affaires» qui, selon les normes françaises, exclut clairement les intérêts et dividendes.
Un autre exemple concerne les discussions qui ont été amorcées par certains groupes multinationaux, ayant des participations majoritaires dans d’autres sous-groupes, avec les autorités fiscales des pays où les sous-groupes sont implantés sur la possibilité de préparer des déclarations pays par pays par sous-groupe, ce qui serait non seulement contraire à la position de l’OCDE qui prévoit le dépôt d’une déclaration dans l’Etat de résidence de la société mère ultime du groupe mais pourrait également créer des différences de traitement entre les groupes, y compris au sein d’un même pays.
D’autres groupes multinationaux ont également demandé aux autorités fiscales du pays de dépôt de pouvoir fournir des informations consolidées par pays. Alors que l’OCDE requiert de déclarer, pays par pays, la somme de tous les revenus de toutes les entités juridiques de chaque pays, certains groupes tentent de fournir une vue consolidée qui serait plus facile à concilier avec les comptes IFRS et les comptes consolidés locaux (le cas échéant).
Il existe de nombreux exemples comme ceux-là qui peuvent conduire le groupe à produire une déclaration qui donne une image fiscale qui peut être différente en fonction des choix effectués. Néanmoins, quels que soient les choix retenus, il convient de les mettre en perspective avec la documentation des prix de transfert qui doit être préparée au niveau du groupe et des entités locales. Sur ce sujet, de plus en plus de pays ont instauré une obligation de préparer une documentation des prix de transfert de façon contemporaine, voire de la déposer auprès des autorités fiscales, ce qui nécessite de mettre en place des processus adéquats afin d’avoir une documentation qui soit disponible rapidement et cohérente entre les pays. Si cette documentation a vocation à permettre au groupe de se conformer aux réglementations locales, elle peut aussi être considérée comme un outil de gestion fiscale.
En plus de cette déclaration «fiscale» pays par pays, qui constitue déjà une source de défis pour les groupes multinationaux, l’Union européenne et des pays comme la France ou le Royaume-Uni souhaitent rendre publiques certaines informations contenues dans cette déclaration. Une telle publicité risque de générer des nouvelles préoccupations pour les groupes, allant de la nécessité de réconcilier au préalable les éléments de la déclaration pays par pays avec les données statutaires avant publication, à la sélection minutieuse des éléments déclarés, lesquels seront rendus disponibles auprès d’un large public, que ce soit les médias, les ONG, mais aussi les concurrents qui pourront alors avoir accès à des données clés.
Afin d’ajouter un peu plus de complexité, les informations demandées dans le cadre de cette déclaration pays par pays feront l’objet d’un ré-examen par l’OCDE dans les années à venir. Il est probable que certains éléments aujourd’hui demandés soient modifiés et/ou que des éléments additionnels soient requis. En effet, du point de vue de la répartition des bénéfices, il serait plus logique de demander le résultat d’exploitation par pays au lieu du bénéfice avant impôts ou bien encore de communiquer les montants concernant les services de gestion («management fees») ou les redevances, ce qui avait été initialement proposé par l’OCDE.
Cette déclaration pays par pays requiert pour les groupes multinationaux de déterminer avec soin les éléments pertinents à communiquer dans le cadre de cette nouvelle obligation, lesquels seront ensuite mis à la disposition des administrations fiscales, voire du public si le dispositif est voté. Il convient ainsi de déterminer un angle stratégique pour la préparation de cette déclaration tout en en faisant également un outil de gestion et de communication fiscale.