A lire toutes ces présentations de l’OCDE se dégage l’impression nette que le projet BEPS s’éloigne de la fin de ses débuts pour s’approcher du début de sa fin et plus précisément entrer dans une phase de mise en œuvre effective.
Par Fabien Fontaine, avocat, PwC Société d’Avocats
En témoigne une première réunion de son Comité des affaires fiscales à Kyoto les 30 juin et 1er juillet 2016. Regroupant 82 Etats, elle a offert un cadre de mise en œuvre de BEPS dans une approche «inclusive» d’Etats tiers, voire non-OCDE, développée ci-avant dans ce numéro. Lors de cette réunion, l’OCDE a présenté plusieurs boîtes à outils (incitations fiscales, comparabilité de pleine concurrence, transferts indirects d’actifs, documentation des prix de transfert, négociation des conventions fiscales, paiements érodant la base fiscale, gestion de supply chain) destinées à une plateforme pour la collaboration fiscale (Platform for Collaboration on Tax) commune à l’OCDE, aux Nations unies, au FMI et à la Banque mondiale en vue d’assister les économies émergentes à appliquer de manière homogène les recommandations issues du projet BEPS.
D’inévitables divergences de vues entre membres de l’OCDE et tiers sont apparues et ont pu se matérialiser dans l’abandon d’un consensus pour une simple approche à «options» s’en tenant à recenser les différentes vues. Ces divergences semblent constituer un défi sensible pour les futurs travaux fiscaux de l’OCDE.
En parallèle de cette mise en œuvre, plusieurs chantiers restent à finaliser, l’OCDE ayant récemment (6-7 juin 2016) annoncé de futurs travaux en matière de partages de profits («profit split»), d’attribution de profits aux établissements stables, et d’élaboration de principes directeurs en matière de transactions financières.
S’agissant des profits split, l’OCDE a offert dans une consultation publique en date du 4 juillet 2016 plusieurs précisions conceptuelles et techniques, appliquant les conclusions des Rapports finaux sur les Actions 8-10 dans un contexte plus général d’analyse de chaîne de valeur. Aux fins d’affiner sa réflexion, l’OCDE a sollicité la communauté des affaires sur plusieurs points significatifs, dont notamment par exemple les clés de partage.
La déductibilité d’intérêts fait également l’objet d’une consultation publique (en date du 11 juillet 2016), en vue d’apporter des précisions et directions dans l’application du Rapport de l’Action 4 aux acteurs de la banque et de l’assurance. Le document de consultation présente les impasses pratiques auxquelles conduit l’application du principe de pleine concurrence dans le secteur financier où le produit net d’intérêts est la norme et où l’endettement en vue de financer des prises de participation est moins courant qu’ailleurs. L’étendue des questions soumises à consultation, et plus largement le fait que l’OCDE envisage explicitement d’écarter la non-application de l’Action 4 dans certains cas de figure témoignent du caractère encore très ouvert des échanges sur cette problématique.
L’OCDE poursuit par ailleurs ses travaux de négociation et finalisation d’un instrument multilatéral, dans le droit fil de l’Action 15 et sa consultation publique du 31 mai 2016 dans laquelle elle sollicite plus particulièrement des commentaires sur la mise en œuvre de l’instrument et sur les implications en termes de procédure amiable. En première analyse, ces démarches concourent à assurer une réelle effectivité aux objectifs d’harmonisation que s’est fixée l’OCDE, qui semble cependant avoir pris la pleine mesure de l’ampleur des travaux restant à accomplir en vue d’assurer la viabilité et l’adoption de l’instrument.
Enfin l’OCDE persiste dans ses efforts de révision de ses Principes sur les prix de transfert en vue de les réaligner sur les travaux BEPS. A cette fin, elle a publié le 4 juillet 2016 un document («Conforming Amendments to Chapter IX of the Transfer Pricing Guidelines») mettant à jour le chapitre IX sur les restructurations au regard des développements des Rapports sur les Actions 8-10 («Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur») et 13 («Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays»). Ce dernier pourrait être complété ultérieurement en 2016.
Envisagés de manière collective, ces travaux semblent refléter un progrès continu et significatif dans la mise en œuvre des recommandations BEPS. Cet effort doit désormais se déployer dans un contexte d’inclusion d’un nombre croissant d’Etats, dont les divergences en voie de cristallisation peuvent rendre un consensus difficile à atteindre.