La lettre gestion des groupes internationaux

Juin 2017

Brexit - Quels enjeux pour vos comptes consolidés IFRS en matière d’impôts ?

Publié le 2 juin 2017 à 11h24    Mis à jour le 2 juin 2017 à 12h27

Emmanuel Picq et Olivier Schérer, PwC Société d’Avocats

Le 30 mars 2017, le gouvernement britannique a formellement notifié son intention de se retirer de l’Union européenne (UE). S’ouvre ainsi une phase de négociation entre le Royaume-Uni et l’UE, qui devrait aboutir, d’ici au moins deux ans, à la conclusion d’un accord fixant les modalités de ce retrait et plus généralement d’un nouveau cadre pour les relations fiscales entre le RU et l’UE.

Par Emmanuel Picq, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Olivier Schérer, associé, spécialiste IFRS, PwC

En vertu des lois fiscales existantes, de nombreuses mesures d’exonérations ou de dégrèvements fiscaux s’appliquent aux transactions entre les entités établies au Royaume-Uni (RU) et celles des autres Etats membres de l’Union européenne (UE), dont la France.

Ces mesures pourraient cesser de s’appliquer lors de la sortie effective du Royaume-Uni. Et la mise en place de nouvelles règles fiscales qui pourraient, le cas échéant, permettre de les maintenir reste encore incertaine à ce stade.

Quelques-uns des enjeux fiscaux pour la France liés à la sortie du RU de l’UE

A titre d’illustration, la sortie du RU de l’UE pourrait avoir une incidence sur les mesures fiscales suivantes :

– Taxation des bénéfices des filiales étrangères des sociétés françaises, soumises à un régime fiscal privilégié : le dispositif de l’article 209B du Code général des impôts (CGI), qui vise toute participation de plus de 50 % dans une entité étrangère (hors UE), permet à la France de taxer certains profits bénéficiant d’un régime fiscal privilégié dans leur pays, et ainsi faiblement imposés (aujourd’hui moins de 17,2 %, demain moins de 14 %). Actuellement, la France n’applique pas, en général, ce dispositif aux participations dans les entités établies dans l’UE sauf montage artificiel. Elle pourrait cependant être amenée à l’appliquer au RU dans le cas de la sortie de celui-ci de l’UE, si le RU décidait de mettre en place un tel régime fiscal privilégié pour ses entreprises.

– Notion de groupe d’intégration fiscale : le dispositif de l’article 223A du CGI permet de créer une intégration fiscale «horizontale» sous une société basée au RU détenant 95 % ou plus du capital de sociétés françaises. La sortie du RU de l’UE et de l’EEE (qui paraît fort probable à ce jour) serait susceptible d’entraîner la sortie des filiales françaises du groupe intégré fiscalement, voire la cessation de l’intégration fiscale. Avec pour conséquence, par exemple, que la reconnaissance d’impôts différés actifs sur pertes reportables de l’une ou l’autre de ces filiales, du fait de l’intégration fiscale, pourrait alors être remise en cause.

– Régime mère-fille : la disposition de l’article 216 du CGI précise que les dividendes reçus par des sociétés françaises de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés dans un Etat membre de l’UE ou de l’EEE bénéficient d’une exonération à hauteur de 99 %. Si le RU sort de l’UE et de l’EEE, cette exonération ne serait plus que de 95 %. Les impôts différés constatés sur ces participations pourraient s’en trouver impactés.

A noter que d’autres impacts pourraient être identifiés, au cas par cas, en cas de participation indirecte entre une entité française et une société basée au RU (ou l’inverse), via une entité basée dans un autre pays de l’UE, compte tenu de l’évolution de la législation fiscale dans ce pays et de ses propres relations avec le RU.

Que devez-vous faire dès 2017 dans vos comptes IFRS, au titre des enjeux du Brexit en matière d’impôts ?

La norme IAS 12 Impôts sur le résultat ne traite pas explicitement des incertitudes en matière d’impôts. Elle requiert toutefois que les groupes évaluent leurs impôts courants et différés, aux montants qu’ils s’attendent à payer à l’administration fiscale, en utilisant la réglementation fiscale adoptée ou quasi adoptée à la date de clôture.

Au cas particulier du Brexit, le fait que le gouvernement du RU ait notifié en mars 2017 son intention de se retirer de l’UE n’est que le début d’un long processus qui conduira in fine à la promulgation de nouvelles lois, dont les modalités restent aujourd’hui très incertaines. Il est ainsi difficile aujourd’hui de prévoir dans quelle mesure les exonérations actuelles seront ou non maintenues, une fois le retrait du Royaume-Uni rendu définitif.

Dans ce contexte, nos recommandations sont les suivantes :

– compte tenu des incertitudes mentionnées ci-avant, il ne nous semble pas opportun à ce stade d’ajuster les comptes IFRS, et notamment les impôts courants et différés, des conséquences fiscales potentielles résultant d’un retrait du RU de l’UE ;

– en revanche, des informations complémentaires doivent être fournies en annexe dès les comptes 2017, détaillant le niveau d’incertitude et les impacts potentiels identifiés ;

– les groupes devront réévaluer, à chaque date de clôture, l’incidence fiscale éventuelle des négociations et les ajustements d’impôts courants et différés à comptabiliser, le cas échéant.

De manière alternative, les groupes pourraient considérer que la notification actée par le RU de sortir de l’UE rend tous les mécanismes d’exonérations caducs et refléter les conséquences d’une telle conclusion sur leurs impôts courants et différés comptabilisés dans leurs comptes. Toutefois, cette approche impliquerait une forte volatilité et rendrait, à notre avis, les états financiers plus difficiles à appréhender sur les périodes à venir.

Les groupes dont la date de clôture est antérieure à l’annonce du retrait, mais qui n’auraient pas encore arrêté leurs comptes au 30 mars 2017, devront en mentionner les implications fiscales potentielles, s’agissant d’un événement postérieur à la clôture «non-adjusting» au sens de la norme IAS 10.


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