En juin dernier, les instances européennes sont parvenues à un consensus sur la proposition de directive concernant la publication de la déclaration pays par pays (« DPPP » ou « CbCR »). Les prochaines étapes du processus de ratification seront l’approbation par le Conseil de l’UE puis un vote en plénière au Parlement européen, et devraient intervenir au plus tard à l’automne 2021.
Par Dimitri Faria, avocat associé, PwC Société d’Avocats et François Roux, PwC Société d’Avocats
Entités concernées
Le périmètre des sociétés concernées est assez large : il s’agit des sociétés (i) dont le siège est établi dans l’UE, (ii) opérant dans au moins deux juridictions différentes, et (iii) qui ont réalisé un chiffre d’affaires consolidé de plus de 750 millions d’euros sur les deux derniers exercices. L’obligation de publication s’applique également aux entités, établissements et succursales établis dans un Etat membre ; dépassant au moins deux des trois critères définissant la PME européenne (1) ; et dépendant d’une entité-mère ultime dont le siège est établi dans un Etat hors UE, qui dépasse ce même seuil de chiffre d’affaires consolidé de 750 millions d’euros sur les deux derniers exercices.
A noter enfin, l’exception de publication pour les entités du secteur bancaire, déjà soumises à une obligation de publication d’informations financières sur leurs implantations.
Informations et données à publier
Outre des informations générales sur l’entité consolidante, la publication devra indiquer des informations similaires à celles figurant déjà sur la DPPP : le nombre d’employés ; le revenu agrégé pour la juridiction ; le bénéfice ou la perte avant impôt ; l’impôt sur les bénéfices dû ; l’impôt sur les bénéfices payé ; le montant des réserves distribuables. Ainsi, les seuls agrégats de la déclaration fiscale qui ne sont pas à mentionner sont : le revenu parties liées vs parties indépendantes, le montant des actifs corporels et le capital social investi dans la juridiction. La publication inclura également la liste des entités qui composent la juridiction en question ainsi qu’une brève description de leurs activités.
Les informations et données à publier seront à décomposer pour les Etats membres de l’UE et pour toutes les juridictions mentionnées sur les listes dites « noir » (2) et « grise » (3) des paradis fiscaux. Les données pour les autres juridictions pourront être présentées de manière agrégée.
Enfin, la directive inclut une clause de sauvegarde, qui permet à l’entité concerné de différer de cinq ans la publication de certaines informations chiffrées si cette publication est susceptible de lui causer un « préjudice commercial important ». Cette notion n’est, à ce jour, pas définie mais le différé de publication ne peut pas concerner les juridictions mentionnées sur les listes « noirs » et « grises ».
Calendrier indicatif de mise en application
Dans l’hypothèse d’une publication au JOUE (Journal Officiel de l’Union européenne) en septembre 2021, la transposition devra intervenir au plus tard début avril 2023. Par conséquent, le 1er exercice à publier serait, au plus tard, celui qui commence à compter du 1er avril 2024. Toutefois, il est possible qu’elle intervienne avant car les Etats membres restent libre de fixer cette date de première publication.
Qu’est-ce que cela va changer ?
Pour la première fois, les groupes multinationaux auront l’obligation de publier une partie d’une déclaration fiscale, initialement destinée à l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales.
Si l’objectif de transparence fiscale de la mesure est clair, les limites de la publication d’une telle déclaration apparaissent rapidement : en effet, seules les informations sur l’impôt sur les sociétés seront publiées, alors que la contribution des entreprises aux finances publiques des Etats est loin de se résumer à ce seul impôt. D’où la volonté déjà affichée et assumée par certains groupes de publier des informations sur la totalité des impôts directs et indirects payés ou collectés pour le compte des Etats.
Pour les groupes privés, ce changement réglementaire va bien au-delà de l’objectif de transparence fiscale puisque les données financières qui seront publiées dépassent largement leur communication financière habituelle. Ces groupes privés doivent donc se préparer à cette publication, de la même manière que les groupes cotés.
1. 2.b) de l’article 3 de la Directive 2013/34/UE : 8 millions d’euros de chiffre d’affaires, 4 millions d’euros de total bilan et / ou 50 salariés
2. Liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales adoptée par le Conseil le 22 février 2021 - Annexe I : les Samoa américaines, Anguilla, Dominique, les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, les Samoa, Trinité-et-Tobago, les Îles Vierges américaines, le Vanuatu, les Seychelles.
3. Liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales adoptée par le Conseil le 22 février 2021 - Annexe II : la Turquie, le Botswana, la Barbade, l’Eswatini, la Jordanie, la Thaïlande, les Maldives, l’Australie, la Jamaïque.