La lettre gestion des groupes internationaux

Octobre 2021

Les chiffres en trompe l’oeil de la pénalisation du droit fiscal

Publié le 1 octobre 2021 à 10h58

PwC Société d’Avocats

Il y a encore plusieurs années, évoquer la question de la responsabilité pénale en matière de fiscalité pouvait sembler alarmiste. En effet, une plainte pour fraude fiscale ne pouvait être déposée qu’avec l’accord de l’administration conformément au mécanisme communément dénommé « Verrou de Bercy » qui conduisait en réalité l’administration à ne transmettre que les cas les plus topiques de fraude fiscale au Parquet. De même la transmission d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration fiscale était limitée.

Par Catherine Cassan, avocat, associée PwC Société d’Avocats et Paul Mispelon, avocat PwC Société d’Avocats

Cependant, les différents scandales, et en particulier l’affaire Cahuzac, ont conduit à des évolutions et notamment à l’adoption de la loi du 23 octobre 2018 dite « loi de lutte contre la fraude ». Si celle-ci a supprimé le « Verrou de Bercy », elle a surtout conduit à modifier les rapports de force en matière de procédure pénale fiscale tout en essayant d’instaurer une coopération accrue entre l’administration fiscale et Parquet.

Désormais, l’administration a l’obligation de communiquer au Parquet un redressement lorsque certains critères sont remplis. Tel est le cas lorsque le montant des droits réclamés est supérieur à 100 000 euros (ce montant étant réduit à 50 000 euros pour certaines personnes publiques) et que certaines pénalités sont appliquées (100 %, 80 % ou 40 % si, dans ce dernier cas, le contribuable s’est vu appliquer une pénalité de 40 % ou plus au cours des six dernières années). Dès lors que cette transmission a lieu, le Parquet est libre de poursuivre ou non le contribuable sans que l’administration ne puisse s’y opposer.

La loi a également renforcé la transmission d’informations entre le Parquet et l’administration fiscale. Les articles L.101 et L82 C du livre des procédures fiscales (« LPF ») prévoient que l’autorité judiciaire informe l’administration fiscale lorsqu’elle suspecte une fraude fiscale. Un mécanisme de suivi des informations communiquées est par ailleurs mis en place entre les deux autorités, l’administration devant rendre compte de l’avancement de ses démarches à la suite de la communication des informations.

Pour autant, en pratique, cette réforme qui à première vue devait permettre de faciliter l’engagement de la responsabilité pénale des contribuables semble se heurter à un manque de ressources au niveau du Parquet.

Comme l’a révélé le Rapport sur l’évaluation de la lutte contre la délinquance financière du 6 juillet dernier (U. Bernalicis et J. Maire, Ass. Nat., Rapport n°4314, 6 juill. 2021, p. 78 et s.), l’administration fiscale se plaint du manque de fluidité de la chaîne répressive et du fait que les Parquets locaux, réticents à l’idée de délocaliser les affaires, ne disposent pas toujours des compétences nécessaires pour gérer des dossiers fiscaux. Le rapport évoque également une baisse des affaires poursuivables selon le Parquet mais ceci s’explique sans doute par la difficulté que rencontre actuellement le Parquet à traiter l’ensemble des affaires qui lui parvient. Les ressources de ce dernier n’ont en effet pas été adaptées pour donner suite à la mise en place de la transmission automatique et les délais de traitement des affaires s’envolent.

De même, la crise sanitaire semble avoir eu un impact notable sur le niveau d’engagement de la responsabilité pénale pour fraude fiscale en 2020. En effet, les chiffres publiés dans le rapport révèlent une baisse des dossiers transmis à l’autorité judiciaire entre 2019 et 2020 (1637 dossiers transmis en 2019 et environ 1270 en 2020). Cette baisse s’explique très certainement par un « effet COVID » ayant conduit l’administration à repousser les envois d’avis de mise en recouvrement qui constituent un préalable à la transmission au Parquet. La pandémie a, en effet, considérablement impacté l’activité des services de contrôle. Selon les chiffres publiés le 31 août par la Direction Générale des Finances Publiques le montant de l’impôt et des sanctions réhaussés par l’administration fiscale au titre de l’année 2020 s’est élevé à 8,2 milliards d’euros, contre 11,7 milliards en 2019. Cela étant l’extension des délais de reprise dans le cadre des ordonnances COVID laisse présager d’un effet de rattrapage en 2021.

Un autre élément pourrait également expliquer la baisse des transmissions automatiques. Sur le terrain, on observe en effet un intérêt accru des contribuables à la conclusion de règlements d’ensemble avec l’administration fiscale afin d’éviter l’application des pénalités pouvant conduire à la mise en œuvre de ces procédures pénales. Dans le cadre du nouveau contexte de la loi fraude, cette voie est dorénavant privilégiée par les dirigeants dont la responsabilité pénale pourrait être engagée à titre personnel mais également pour préserver les entreprises d’un risque d’atteinte à l’image auquel est fréquemment associé un procès pénal.

De même, quand l’engagement de procédures pénales ne peut être évité, la voie transactionnelle via la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public visant à éviter un long procès pénal à l’issue financière incertaine est également plébiscitée par les entreprises et rencontre un accueil favorable du Parquet qui manque de ressources pour suivre de longues procédures. 

Il faut ainsi se méfier des chiffres qui masquent au moins momentanément le nouveau rapport de force qui s’est engagé entre les contribuables, l’administration fiscale et le Parquet.

Une revue des risques fiscaux et une limitation au maximum de ceux-ci apparait aujourd’hui plus que jamais d’actualité. 


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DAC 7 : une nouvelle obligation d’échange automatique d’informations concernant plateformes et vendeurs

PwC Société d’Avocats

Le 25 mars 2021 a été publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne la directive (UE) 2021/514 du Conseil (DAC 7). DAC 7 devra être transposée par les États membres au plus tard le 31 décembre 2022, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Elle organise principalement le reporting et l’échange automatique des données relatives aux vendeurs sur les plateformes numériques, à la charge des opérateurs de ces plateformes.

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