Une fois le résultat GloBE de chacune des entités constitutives du groupe calculé, il faut désormais identifier les impôts générés par ces résultats afin de calculer le taux effectif d’imposition du groupe par juridiction. Tous les impôts ne sont cependant pas pris en compte, d’où la notion d’ « impôts couverts » développée par le Modèle de règles de l’OCDE, impôts couverts qui sont ensuite « ajustés ».
1. Les impôts couverts
Quatre catégories d’impôts répondent à la qualification d’impôts couverts :
1. les impôts sur le résultat des entités constitutives (y compris les impôts dus au titre de la quote-part de résultats d’autres entités constitutives qui leur reviendraient). L’impôt sur les sociétés français et les contributions additionnelles assises sur cet impôt entrent naturellement dans cette première catégorie. A notre avis, sur la base des définitions contenues dans le Blueprint, il devrait en être de même pour la CVAE ;
2. les impôts sur les bénéfices distribués ou réputés distribués qui sont prélevés dans le cadre des systèmes d’imposition des sociétés assis sur les seuls profits distribués que l’on rencontre, notamment, en Lettonie et Estonie ;
3. les impôts prélevés en lieu et place d’un impôt sur le résultat (ceux qui visent, par exemple, certaines retenues à la source sur les intérêts, redevances, loyers, primes d’assurance) ;
4. les impôts prélevés par référence aux réserves et capitaux propres. L’impôt sur la fortune prélevé au Luxembourg pourrait s’insérer dans cette catégorie.
Par contraste, cette définition de la notion d’impôts couverts exclut en revanche toute une série de prélèvements obligatoires, tels que la TVA, les droits d’accises, les droits d’enregistrement, les taxes sur les salaires, les cotisations sociales et les impôts fonciers. Ils seront en principe toutefois déductibles du résultat GloBE.
Le Modèle de règles de l’OCDE renie, par ailleurs, expressément la qualification d’impôts couverts à plusieurs impositions, notamment pour éviter une double prise en compte de certains prélèvements dans le calcul du taux effectif d’imposition. Il s’agit, en particulier, (a) des impositions complémentaires prélevées dans le cadre de la règle d’inclusion des revenus ou celle relative aux paiements insuffisamment taxés ainsi que (b) des impositions complémentaires nationales dont les groupes s’acquitteront dans les juridictions ayant adopté un impôt minimum GloBE conformément audit Modèle.
Certaines particularités sont à signaler concernant l’allocation des impôts couverts aux entités constitutives ainsi qu’aux différentes juridictions. Les impôts couverts suivent ainsi les revenus auxquels ils se rapportent, que ces impôts soient prélevés par la juridiction fiscale de l’entité constitutive ou par une autre juridiction fiscale. Par conséquent, les impôts relatifs à un établissement stable sont attribués à cet établissement, les impôts payés en vertu des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (SEC) (e.g. en vertu, en France, de l’article 209 B du Code général des impôts) sont attribués à l’entité SEC, ceux d’une entité fiscalement transparente sont attribués à l’entité constitutive propriétaire à hauteur de sa quote-part, ceux d’une entité hybride sont attribués à l’entité hybride. En principe, les retenues à la source dues au titre d’une redevance reçue d’un titulaire de licence situé dans une autre juridiction sont attribuées à la juridiction de l’entité constitutive qui a perçu les redevances. En revanche, les retenues à la source sur les distributions de dividendes sont affectées non pas à l’entité qui les perçoit, mais à l’entité constitutive ayant distribué ces bénéfices.
Le montant des impôts couverts identifiés dans le cadre de cette première phase doit encore être ajusté avant de calculer le taux effectif d’imposition sous GloBE, d’où le concept d’« impôt couverts ajustés » employé par le Modèle de règles de l’OCDE.
2. Les impôts couverts ajustés
Les impôts couverts ajustés sont égaux à la charge d’impôt courante comptabilisée retraitée de plusieurs ajustements que l’on peut classer en deux catégories.
La première catégorie concerne les retraitements (positifs ou négatifs) systématiques requis par les règles GloBE. A titre d’illustration, on peut mentionner les retraitements :
– des impôts couverts qui seraient comptabilisés dans le résultat avant impôts et qui sont extournés du résultat GloBE et intégrés dans le calcul des impôts couverts ajustés ;
– des impôts couverts relatifs à des revenus exclus du résultat GloBE qui ne sont pas pris en compte dans les impôts couverts ajustés ;
– des crédits d’impôt selon leur qualification au regard des règles GloBE :
• s’ils sont remboursables dans un délai de quatre ans (comme le crédit d’impôt recherche en France), ils sont alors traités comme des subventions, qui augmentent le résultat GloBE et génèrent une différence permanente entre le résultat GloBE et le résultat fiscal, sans minorer le montant des impôts couverts,
• s’ils ne sont pas remboursables ou remboursables dans un délai supérieur à quatre ans, ils sont déduits des impôts couverts, ce qui érode le taux effectif d’imposition ;
– de certains impôts comptabilisés dans les capitaux propres, notamment lorsqu’ils se rapportent à des transactions comptabilisées en OCI, voir étape 2).
La deuxième catégorie concerne les impôts différés sur les différences temporaires entre les bases comptables et les bases fiscales. Il s’agit de la règle de droit commun mais les groupes auront la possibilité d’opter pour une autre règle la « GloBE Loss Election ». Cette dernière méthode, plus simple mais plus volatile, permet, en cas de perte GloBE, de calculer un impôt différé actif au titre de cette perte GloBE au taux minimum GloBE (i.e. 15 %).
Dans le régime de droit commun, l’ajustement permet de tenir compte des différences temporelles sur les produits et charges comptabilisés ainsi que des pertes fiscales existantes (reconnues ou non en tant qu’impôt différé actif dans les comptes) et, ainsi, de ne pas payer d’impôt complémentaires sur ces simples décalages temporels. Ce processus nécessite non seulement de s’approprier la mécanique des impôts différés mais aussi celle des règles GloBE qui contiennent certaines règles particulières et limitations pour le calcul de la charge ou produit d’impôt différé. On peut en citer quelques exemples :
– comme en matière d’impôts courants, les impôts différés relatifs à des éléments exclus du résultat GloBE sont exclus (cf. étape 2) ;
– les impôts différés doivent être recalculés au taux minimum de 15 % (ou au taux de la juridiction lorsqu’il est inférieur) ;
– les impôts différés au titre des positions fiscales incertaines sont exclus…
En outre, les impôts différés passifs font l’objet d’une règle spécifique de recapture permettant de s’assurer que les impôts sont effectivement payés dans les cinq ans. Cette règle ne s’applique pas à l’ensemble des impôts différés passifs mais exclut de son champ d’application une liste de différences temporaires, généralement significatives pour les groupes, au rang desquelles on retrouve notamment les amortissements dérogatoires sur immobilisations corporelles ou encore la capitalisation de frais de R&D. Par ailleurs, l’entreprise aura la possibilité de ne pas reconnaître un impôt différé passif lorsqu’elle ne s’attend pas à ce qu’il donne lieu à une charge d’impôt effective dans les cinq ans.
Enfin, pour les entreprises dans le champ de ce régime de droit commun, une règle de transition permet de reconnaître les pertes fiscales générées antérieurement à l’entrée en vigueur du régime GloBE. Sous des conditions qui mériteront d’être précisées à la lumière des commentaires du Modèle de règles, elles devraient donner lieu, pour l’application des règles GloBE, à un impôt différé actif (et donc à une charge d’impôts différés incluse dans les impôts couverts ajustés lors de leur imputation). Cet impôt différé sera calculé en prenant en compte :
– le taux de 15 % si le taux d’impôt statutaire de la juridiction où les déficits ont été générés est supérieur ;
– au taux statutaire de la juridiction s’il est inférieur au taux minimum de 15 % (hormis lorsqu’il est possible de démontrer que le déficit en question aurait été une perte GloBE). En revanche, il semble que les pertes ne pourraient pas être prises en compte si le taux statutaire du pays est nul.
La détermination des impôts couverts ajustés, qui permet la détermination du TEI, nécessitera une compréhension fine des règles de consolidation et des règles GloBE. Compte tenu de l’incidence de certaines options structurantes, les groupes devraient en amont simuler leur incidence.