La lettre gestion des groupes internationaux

Etape 6 – Spécificités sectorielles : l’exemple des entités d’investissement

Publié le 9 février 2022 à 15h01

PwC Société d’Avocats    Temps de lecture 8 minutes

Afin de concilier les objectifs de Pilier 2, la particularité des véhicules d’investissement et l’existence d’investisseurs minoritaires, l’OCDE a prévu, dans son Modèle de règles, plusieurs définitions spécifiques aux entités constitutives dites « entités d’investissement » consolidées dans un groupe multinational dans le champ de GloBE, forgeant ainsi un corpus de règles assez complexes et pour certaines optionnelles, dont l’impact devra donc être attentivement examiné par les groupes concernés.

Par Maud Poncelet, avocat, associée, PwC Société d’Avocats, Laurence Toxé, avocat, associée, PwC Société d’Avocats et François-Marc Venier, avocat, PwC Société d’Avocats

Qualification des entités d’investissement sous GloBE

Les entités d’investissement sont définies comme les fonds d’investissement et les véhicules d’investissements immobiliers ainsi que les entités qu’ils détiennent à 95 % directement ou via une chaîne de ces entités et qui concourent quasi exclusivement à la détention des actifs des fonds, ainsi que les entités dont au moins 85 % de la valeur est détenue par ces fonds et dont les revenus proviennent substantiellement des dividendes et plus-values dits « exclus » au sens de GloBE. En d’autres termes, les fonds d’investissement et leurs holdings de détention.

Les fonds d’investissement sont eux-mêmes définis comme des entités (sans référence à leur forme juridique ou régime fiscal) ayant pour objet de regrouper les actifs financiers ou non financiers d’une pluralité d’investisseurs (dont certains non liés) pour les investir en application d’une politique d’investissement définie, afin de réduire les coûts et de répartir le risque, de façon à les faire investir par une équipe de professionnels de la gestion afin de procurer aux investisseurs un rendement alloué sur la base de leurs apports. Ces fonds (ou leurs équipes ou leur société de gestion) doivent être soumis à un régime réglementaire comportant des dispositions anti-blanchiment et de protection des investisseurs.

Le véhicule d’investissement immobilier est enfin défini comme une entité dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers, détenu par une large pluralité d’investisseurs, et dont l’imposition s’opère à un seul niveau (c’est-à-dire soit à son propre niveau soit au niveau de ses porteurs, avec dans ce cas un décalage d’une durée maximale d’un an).

Cette approche est relativement classique pour un fonds d’investissement, mais elle exclut de la définition de fonds d’investissement ou de véhicules d’investissement immobiliers les entités dédiées à un seul investisseur ou à son groupe, qui sont alors traités comme des entités de droit commun (alors qu’ils resteraient probablement soumis aux mêmes dispositions réglementaires dans leur pays de constitution), à l’exception des fonds dédiés aux compagnies d’assurances auxquels des règles spécifiques peuvent s’appliquer. Ceci s’explique semble-t-il par la volonté de traiter ces fonds selon les règles standard en l’absence d’investisseurs minoritaires.

Application de GloBE aux entités d’investissement

Il n’existe pas de disposition spécifique aux fonds d’investissement en matière de consolidation comptable, de sorte qu’ils seraient donc susceptibles d’entrer dans le champ de GloBE à défaut de dispositions spécifiques. Or compte tenu de leurs particularités, il serait peu opportun qu’ils soient redevables de l’imposition complémentaire. Ainsi, la section 1 relative au champ d’application de GloBE prévoit que les fonds d’investissement et les véhicules d’investissement immobiliers tels que définis précédemment sont hors champ de GloBE lorsqu’ils sont entités mères ultimes. Leurs filiales à 95 % et à 85 % sont également des entités exclues, mais peuvent être sur option placées dans le champ de GloBE pour cinq ans.

La taxation des véhicules d’investissement dans le champ de GloBE

Prenant en compte la nature spécifique de ces entités, les règles GloBE appliquées aux entités d’investissement ne sont pas exemptes de difficultés pratiques, liées notamment aux divergences de qualification fiscale des fonds d’investissements entre les différents Etats.

La première question qui devra être posée est relative à la transparence ou non de ces entités d’investissement. Sur ce point, la réglementation Pilier 2 rappelle les règles de la directive 2017/952 du 29 mai 2017, dite « ATAD 2 » quant à l’appréciation de la transparence des entités.

Toutes les entités considérées comme transparentes dans l’Etat de leur constitution sont regroupées sous l’appellation de « Flow-Through » ; puis le Modèle de règles distingue la situation (i) d’une entité considérée comme transparente à la fois dans le juridiction de constitution de l’entité et de celle de son investisseur (véritable entité dite « transparente ») et (ii) la situation où l’entité est considérée comme transparente dans sa juridiction de constitution mais opaque dans la juridiction de son investisseur (entité dite « hybride inversée »). La transparence est définie comme le fait pour une juridiction de traiter les revenus, dépenses, profits ou pertes de cette entité comme s’ils étaient réalisés par le propriétaire de l’entité à proportion de sa participation.

Une entité opaque dans son pays de constitution mais transparente dans l’Etat de son investisseur est enfin dite « hybride ».

Alors qu’une entité transparente n’aura pas à déterminer de revenu GloBE ou d’imposition complémentaire à son propre niveau, son revenu étant pris en compte au niveau de son investisseur, tel ne sera pas le cas des entités « hybrides » et « hybrides inversées » qui devront déterminer leurs propres revenus GloBE et les éventuels impôts complémentaires y afférents sur la part de revenu correspondant.

Les entités d’investissement qui ne sont pas transparentes relèvent de plein droit de l’article 7.4, avec possibilité d’option, sous conditions, pour les régimes des articles 7.5 et 7.6 du Modèle des règles de l’OCDE qui organisent une quasi ou semi-transparence.

L’article 7.4 prévoit ainsi que le calcul du taux effectif d’imposition s’opère sur la base de la seule partie du revenu GloBE et des impôts couverts afférents à la quote-part des investisseurs ne relevant pas des options des articles 7.5 et 7.6. Par ailleurs, le taux effectif d’imposition a pour particularité d’être calculé sur la base des seules entités d’investissement d’une même juridiction, sans prise en compte des entités implantées dans la même juridiction et ne qualifiant pas d’entités d’investissement. 

Des règles proches des règles classiques s’appliqueront en matière de détermination des impôts complémentaires et de détermination du revenu de substance i.e. un pourcentage de déduction de 5 % des coûts salariaux et des actifs corporels éligibles venant minorer la part de revenu GloBE de l’EI attribuable au groupe multinational, mais en ne prenant en compte ces paramètres qu’au prorata des revenus qui relèvent de l’article 7.4.

L’option de l’article 7.5, valable cinq ans, permet de traiter comme transparente une entité d’investissement ou une entité d’investissement d’assurance (« EIA ») (i.e. une entité qui répondrait à la définition d’un fonds d’investissement ou d’un véhicule d’investissement immobilier mais qui est constituée dans le cadre d’engagements au titre d’un contrat d’assurance ou d’une annuité contractuelle et qui est détenue à 100 % par une compagnie d’assurances). Cette option est conditionnée à l’application, au niveau de l’investisseur, d’un régime de taxation en mark-to-market (ou à un régime similaire) à raison des parts qu’il détient dans cette entité d’investissement ou entité d’investissement d’assurance, et ce sous réserve que l’investisseur soit imposé au titre de ses revenus à un taux au moins égal à 15 %.

Enfin, l’article 7.6 organise un second type d’option, également applicable pour cinq ans, visant les fonds de distribution et qui combine la logique d’une taxation sur une base autonome (7.4) et une logique de transparence pour les revenus de l’entité d’investissement qui font l’objet de distributions régulières.

Cette dernière option permet ainsi à une entité constitutive qui n’est pas une entité d’investissement d’opter pour l’inclusion des revenus distribués et réputés distribués (et des crédits d’impôts y afférents) par l’entité constitutive non-entité d’investissement dans son propre revenu GloBE, dès lors qu’il peut être valablement estimé que les distributions de l’entité d’investissement seront soumises à une imposition d’au moins 15 % au niveau de l’entité constitutive (dans un délai de quatre ans en pratique). L’entité constitutive est également taxable au titre de l’imposition complémentaire à 15 % sur le revenu non distribué de la période testée (la troisième année avant l’année de reporting), ce qui permet de reprendre le résultat qui n’aura pas été distribué effectivement dans le délai de quatre ans.

Conclusion

L’articulation des différentes règles et options applicables aux entités d’investissement s’avère donc complexe et de plus amples commentaires sur ces différentes options seront les bienvenus pour permettre aux contribuables de mieux appréhender la solution la plus adaptée pour le calcul des revenus GloBE, notamment au regard de la politique d’investissement et de distribution des fonds. On peut d’ores et déjà anticiper qu’un travail précis de qualification de ces différentes entités devra être opéré afin de déterminer si les différentes entités sont des entités d’investissement au sens de GloBE, si elles sont en tout ou partie transparentes, si elles relèvent ou non par ricochet de l’article 7.4, et enfin si elles remplissent les conditions et ont intérêt à opter pour les régimes dérogatoires des articles 7.5 et 7.6 du Modèle de règles, options qui les engageront pour cinq ans le cas échéant.


La lettre gestion des groupes internationaux

L’imposition minimum des multinationales

PwC Société d’Avocats    Temps de lecture 8 minutes

Publication du Modèle de règles OCDE et d’une proposition de directive relative à la mise en place d’un niveau d’imposition minimum mondial pour les groupes multinationaux dans l’Union européenne

Lire l'article

Consulter les archives

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…