Une véritable lame de fond. Au cours des dernières années, les acteurs du capital-investissement se sont massivement convertis à l’ESG. « Nous avons le sens des réalités, et la réalité impose d’avancer rapidement sur ces enjeux-là », insiste Alexis Dupont, directeur général de France Invest. Consistant notamment à lier les décisions d’investissement des fonds au respect, par l’entreprise financée, de critères et d’objectifs notamment environnementaux et sociaux, cette évolution n’est certes pas uniforme.
« Il y a effectivement autant de sensibilités, sur cette partie qui est très vaste et très floue, que d’investisseurs », observe Anne-Charlotte Roy, associée gérante d’Hexagone Conseil. Pour autant, elle résulte, quels que soient les professionnels, d’une même combinaison de facteurs. Déjà, la demande de leurs clients – les LP – en matière d’approche durable va croissant. « Alors que tous nos investissements sont réalisés avec une orientation 100 % ESR, cette règle s’applique aussi pour le private equity », confirme Catherine Vialonga, directeur adjoint, directeur de la gestion technique et financière au sein de l’ERAFP. Ensuite, parce que les besoins d’accompagnement dans ce domaine sont immenses. « Les PME représentent en Europe près la moitié du PIB, mais 63 % de l’empreinte carbone, signale Jack Azoulay, senior partner chez Argos Wityu. Pourtant, ce sont elles qui sont le moins bien préparées, plus de sept PME européennes sur dix n’ayant aujourd’hui aucun plan de décarbonation. »
Une prime ESG
Face à ce constat, les gérants qui évoluent dans l’univers du non-coté sont persuadés d’avoir un rôle central à jouer. « Nous pouvons apporter des réponses à ces deux points de douleur que sont, d’un côté, l’apport des fonds nécessaires pour les investissements à réaliser, et, d’un autre côté, l’apport d’une expertise, d’un savoir-faire », ajoute Jack Azoulay. Pour certains, ce constat vaut tout particulièrement pour les entreprises évoluant dans des secteurs très décarbonés. « Lorsque l’on fait de l’investissement impact, il importe d’accompagner des sociétés vertueuses ou des sociétés qui portent des solutions vertueuses, témoigne Clara Mouysset, impact investment executive, director climate infrastructure chez Tikehau Capital. Mais en parallèle, il importe de ne pas fuir les secteurs qui sont fortement émetteurs afin de faire “transitionner” l’écosystème existant, dans le but d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050. »
A cela s’ajoute, enfin, une motivation d’ordre financier. « L’empreinte carbone devenant un critère de choix, vous aurez plus de clients et vous allez avoir plus de croissance si vous êtes meilleur que la concurrence sur un plan “vert”, complète Jack Azoulay. Vous allez aussi attirer et retenir les meilleurs talents. Ensuite, une des choses que l’on fait en réduisant son empreinte carbone, c’est de sortir des énergies fossiles. Ce faisant, on réduit sa consommation de matières premières, et donc ses factures, ce qui améliore in fine le résultat. A ce titre, ces actifs qui sont à la fois solides et vraiment verts et décarbonés bénéficient de plus en plus d’une prime de valorisation. »
Un accès compliqué aux données
Si d’aucuns parmi les gérants cherchent à se positionner sur cette typologie d’actifs, la tâche n’est cependant pas évidente. « Souvent, les entreprises ne font pas de bilan carbone et on a du mal à collecter l’information sur le sujet », constate Marie-Anne Vincent, VP Climate Finance chez Sweep, une plateforme SaaS qui permet de piloter la stratégie climat et ESG des entreprises. Un écueil que la réglementation entend justement pallier. « Celle-ci favorise une harmonisation et une convergence des définitions pour savoir comment calculer une émission carbone, comment identifier ce qui est vert et ce qui ne l’est pas, etc., apprécie Marie-Anne Vincent. Ce faisant, elle introduit plus de transparence, plus de stabilité, dans le but de pouvoir comparer une entreprise par rapport à une autre. » Il n’empêche, la réglementation génère également son lot de complexités, en termes parfois de compréhension, mais aussi d’agrégation. « La directive CSDR, c’est aujourd’hui pratiquement 900 points de données, et les PAI 60 indicateurs qui, certes, ne sont pas tous obligatoires à ce jour, pointe Marie-Anne Vincent. Mais une PME qui emploie 250 salariés va devoir reporter, dans quelques années, environ 900 indicateurs. Sans plateforme, sans automatisation, c’est une charge monstrueuse ! »