Alors que 99 % des personnes les plus pauvres du monde vivent dans les marchés émergents, que ces derniers dépendent aujourd’hui à 70 % des combustibles fossiles et que 400 à 600 millions de personnes dans les marchés émergents n’ont pas accès à l’électricité, c’est peu dire que les besoins de ces pays sont, sur les trois piliers de l’ESG, incommensurables. Pour les investisseurs en dette, les risques et aléas potentiels sont toutefois aussi nombreux que les opportunités.
« Vous ne pouvez pas simplement financer une entreprise d’énergie renouvelable en vous disant que l’impact environnemental est réel car si celle-ci utilise des enfants pour construire ses panneaux solaires, alors l’impact global n’est clairement pas positif, illustre Simon Cooke, gérant dette émergente impact chez Insight Investment. S’agissant de la Chine, il faut aussi pouvoir être certain que l’investissement dans une entreprise locale ne sert pas à financer implicitement l’Etat. » De ce fait, l’approche d’investissement ESG dans les marchés émergents tend, selon Simon Cooke, à se résumer à ce dilemme : comment peut-on investir pour essayer d’obtenir des résultats positifs, sans avoir à abandonner ses valeurs ?
Un cadre d’analyse spécifique
Pour y parvenir, il faut un cadre d’investissement extrêmement robuste. « Nous procédons à une sorte d’analyse des lacunes, explique Bryan Carter, head of emerging markets debt chez HSBC Asset Management. Il s’agit d’un processus rigoureux, dans lequel de nombreuses équipes sont impliquées. Nous avons près de 50 analystes qui font cette sélection, basée sur un engagement actif et une interaction avec les entreprises. » En termes d’actifs à financer, la démarche varie également par rapport à un investissement en dette dans un pays avancé. « Sur les marchés émergents, il n’est pas possible de lancer de fonds thématiques car vous n’allez tout simplement pas trouver suffisamment d’actifs », poursuit Bryan Carter. Chez certains spécialistes, deux types d’investissement sont à privilégier. « Le premier porte sur des instruments via lesquels nous pouvons mesurer l’impact global sur l’émetteur (obligations vertes, sociales ou durables) : vous ne vous concentrez pas uniquement sur un objectif étroit, mais vous regardez plutôt l’émetteur de manière holistique, signale Simon Cooke. Le deuxième est celui où vous vous focalisez sur la transition de cet émetteur. » Quoi qu’il en soit, l’analyse des fondamentaux financiers de l’emprunteur demeure fondamentale, comme est venue le rappeler la vague chinoise de défauts d’émetteurs de green bonds post-Covid.