Alexis Le Touzé, responsable equity capital markets France, BNP Paribas

« Malgré la conjoncture, les marchés primaires actions français restent animés »

Publié le 13 mai 2022 à 15h30

Thomas Feat

En 2021, les marchés actions français, portés par la relance de l’économie mondiale, avaient enregistré leur meilleure performance depuis 2015, exception faite de 2017, année exceptionnelle. Comment se sont-ils comportés depuis janvier dernier ?

Alexis Le Touzé : A près de 6 milliards d’euros d’émissions, les volumes des quatre compartiments actions français – introductions en Bourse, augmentations de capital, cessions de blocs et émissions d’obligations convertibles – se sont inscrits en baisse de 17 % sur un an. Il s’agit certes d’une contre-performance, mais qu’il convient de nuancer par deux éléments : d’abord, l’activité ECM en France au premier semestre 2022 est supérieure à celle enregistrée au cours d’un certain nombre de premiers semestres ces dernières années ; ensuite, le recul français est nettement moins prononcé que le recul à l’échelle européenne qui atteint près de 70 % sur un an, à 32 milliards d’euros. Les marchés primaires actions français restent donc animés, malgré un semestre marqué par des élections impactant traditionnellement les volumes.

Alexis Le Touzé : Cette contraction s’explique par un certain nombre de facteurs, au premier rang desquels figurent la guerre en Ukraine, évidemment, mais également l’incertitude économique et l’inflation. Ces facteurs génèrent de la volatilité, préjudiciable aux opérations de levée de capital sur les marchés actions. Réapparue l’an dernier sous l’effet de l’augmentation des prix de l’énergie et de la congestion des chaînes logistiques, amplifiée par le conflit russo-ukrainien, l’inflation s’installe dans la durée et entraîne une remontée progressive des taux. Les pertes enregistrées par les fonds actions illustrent également ce phénomène. A l’échelle européenne, la collecte des fonds actions s’est érodée de près de 30 milliards de dollars sur un an depuis janvier, tandis que la performance moyenne des fonds actions directionnels européens a été de – 15 %, sous-performant celle de l’indice Stoxx 600 de 6,2 points.

Quelles ont été les segments du marché primaire actions les plus actifs depuis le début de l’année ?

Alexis Le Touzé : L’augmentation de capital de plus de 3 milliards d’euros réalisée en avril dernier par EDF, souscrite par l’Etat à hauteur d’environ 2,7 milliards d’euros, a été l’opération ECM la plus importante depuis le début de l’année. Les cessions de blocs ont-elles aussi contribué au maintien de l’activité, à commencer par la vente de 40 millions d’actions Stellantis réalisée en janvier par le Chinois Dongfeng pour 732 millions d’euros, ou la sortie de Coface par Natixis pour 174 millions d’euros. Réalisées dans le cadre de placements accélérés de quelques heures, ces opérations peuvent être exécutées au cours de fenêtres de stabilité, à l’inverse des introductions en Bourse qui portent un risque de marché de plusieurs semaines.

Que faut-il retenir des derniers mois sur le front des introductions en Bourse parisiennes ?

Alexis Le Touzé : Aucune opération de taille importante n’a été conclue pour les raisons évoquées précédemment. L’introduction en Bourse d’EuroAPI par Sanofi, entreprise valorisée plus d’un milliard d’euros, a en revanche été un succès. Elle a été réalisée par le biais d’une distribution d’actions aux actionnaires de Sanofi. La performance positive des premiers jours illustre l’appétit des investisseurs pour les sociétés aux fondamentaux solides.

Quelles sont vos prévisions pour les mois à venir ?

Alexis Le Touzé : L’environnement de marché sera déterminant. De nouvelles cotations vont avoir lieu grâce à certains SPACs, avec par exemple l’acquisition de Deezer par DEE Tech et, celle d’InVivo Retail par 2MX Organic. Certaines sociétés comme Lhyfe sont en route vers la Bourse, bénéficiant d’un intérêt prononcé pour les valeurs énergies et hydrogène. Sur les augmentations de capital, deux entreprises ALD et Faurecia, ont d’ores et déjà prévu de refinancer partiellement les acquisitions récentes de Leaseplan et Hella pour respectivement 4,9 et 6,7 milliards d’euros par le biais d’augmentations de capital. Le marché des convertibles enfin, dans un environnement de hausse des taux et de volatilité persistante, constitue une alternative efficace pour les émetteurs comme outil de refinancement.

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