Il est d’usage de penser ou de croire que l’application des règles fiscales en vigueur ne modifie pas la valeur des biens, notamment immobiliers, puisque ces règles ont simplement pour objet d’appréhender les profits et les pertes des acteurs économiques.
Par Richard Foissac, avocat associé
Or, ce principe apparaissant souvent inexact en matière immobilière, nous avons ainsi décidé de consacrer le thème principal de ce nouveau numéro de la Lettre de l’Immobilier aux pertes de valeurs immobilières dues aux règlementations fiscales et juridiques.
Vous pourrez prendre toute la mesure de l’importance d’une décision du Conseil d’Etat de 2016 dont la prise en compte progressive modifie les usages en matière de valorisation des sociétés de personnes immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), en ce qu’elle a étendu la pratique des décotes pour impôt latent à ce type de sociétés.
Vous constaterez également la «double pleine» à laquelle sont confrontés les propriétaires d’immeubles dépréciés compte tenu des règles fiscales en vigueur qui n’ont cessé de restreindre et d’encadrer la déduction des pertes immobilières, aussi bien des personnes physiques que des entreprises.
Nous examinons aussi les conséquences des régularisations de TVA en matière d’IS et faisons le constat qu’il ne s’agit pas toujours, loin de là, d’un exercice neutre financièrement puisque les régularisations de TVA constituent de fait une charge augmentative du prix de cession d’un immeuble et entraînent dès lors un coût fiscal supplémentaire pour l’acquéreur.
Toujours sur le volet fiscal, c’est en matière d’impôts locaux que le refus de prendre en compte les éventuelles pertes de valeurs immobilières apparaît le plus évident.
Sur le plan juridique, c’est l’étonnant principe contenu dans l’article L.105-1 du Code de l’urbanisme qui a retenu notre intérêt puisqu’il prévoit, sous quelques réserves, l’absence d’indemnisation des biens immobiliers à raison de certaines servitudes instaurées par la puissance publique, principe que les tribunaux administratifs n’ont que très partiellement aménagé.
Nous rappelons aussi la difficulté de prévoir, par la voie classique des garanties de passif, le risque de pertes de valeur immobilières dans les acquisitions de sociétés immobilières.
Par ailleurs, quelques décisions de jurisprudence nous ont paru devoir être portées à votre attention.
D’abord, une importante décision de la Cour de justice de l‘Union européenne du 25 juillet 2018 qui permet de considérer désormais que le fait, pour un opérateur économique, de ne pas avoir immédiatement affecté un immeuble à une activité économique ne présume pas obligatoirement de la qualité de non assujetti et ne fait pas obstacle définitivement à la possibilité de déduire tout ou partie de la TVA supportée.
Ensuite, une décision tout aussi importante du Conseil d‘Etat du 19 septembre 2018 qui fixe les limites des conséquences de la réévaluation libre d’immeubles au sein de sociétés civiles non soumises à l’IS et détenues par des personnes physiques.
Et, enfin, un arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2018 qui rappelle que le juge n’est également pas tenu par la qualification donnée par les parties aux avant-contrats immobiliers.
Bonne lecture à tous.