La lettre de l'immobilier

Dossier / L’immobilier dans la tempête, quels sont les enjeux ?

Changements d’affectation et opérations de transformation de locaux existants : quel est le coût ?

Publié le 25 octobre 2024 à 9h00

CMS Francis Lefebvre Avocats    Temps de lecture 8 minutes

Par Armelle Abadie, avocat associé en fiscalité. Elle conseille et assiste les entreprises, notamment en immobilier, dans l’ensemble des sujets relatifs à la TVA ainsi que dans le suivi et la gestion de contrôles fiscaux et de contentieux. / Alexis Bussac, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux particulièrement en matière de fiscalité locale. / Laure Mimoun, avocate en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux dans le cadre de projets immobiliers et opérations d’aménagement.

Certains changements d’affectation et opérations de transformation de locaux (accompagnées ou non de travaux) sont susceptibles d’avoir un impact fiscal décisif pour les porteurs de projets.

Trois situations permettent d’illustrer ce constat : en premier lieu, la réglementation locale relative aux changements d’usage de logements en meublés de tourisme peut entraîner des conséquences en matière de TVA lorsqu’elle empêche l’exercice par le bailleur d’une activité locative soumise à la TVA. En deuxième lieu, certaines opérations de transformation peuvent avoir un impact financier considérable en matière de taxe pour création de bureaux en Ile-de-France. En dernier lieu, les changements d’affectation des locaux entraînent une modification de leur valeur locative cadastrale, ce qui a un impact en matière de fiscalité locale.

Incidence en matière de TVA de la réglementation relative aux changements d’usage de logements en meublés de tourisme

L’hypothèse visée ici est celle d’un propriétaire d’un logement qui entend réaliser une activité locative soumise à la TVA mais qui s’en trouve empêché, du fait d’une règlementation locale le contraignant à obtenir préalablement une autorisation de changement d’usage de son logement en meublé de tourisme (1).

La conséquence immédiate en est, pour de nombreux propriétaires, de renoncer à louer leurs résidences (alors que les conditions pour les donner en location en TVA sont remplies) et de supporter ainsi un manque à gagner non négligeable en matière de TVA.

En effet, contrairement à la location de logements meublés à usage d’habitation non accompagnée de services, la location de logements meublés est soumise de plein droit à la TVA dès lors qu’elle est assortie d’au moins trois des services de parahôtellerie suivants : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle (2).

La taxation à la TVA (au taux de 10 %) des locations de logements meublés couvre, d’une part, les prestations hôtelières et similaires, pour lesquelles la durée de location ne doit pas excéder 30 nuitées renouvelables et, d’autre part, les prestations d’hébergement résidentiel, qui ne sont assorties d’aucun critère de durée (résidences étudiantes, résidences séniors, etc.).

En principe, l’affectation d’un logement, à titre permanent, à une activité d’hébergement soumise à la TVA entraîne corrélativement un droit à déduction intégral de la TVA chez les bailleurs. La taxation présente donc un intérêt en cas de dépenses grevées de TVA engagées au titre du logement (travaux, honoraires de gestion, éventuelle TVA ayant grevé l’acquisition du logement, etc.).

Dans la mise à jour de sa doctrine administrative intervenue le 7 août 2024 et commentant les dispositions de l’article 261 D-4° du CGI, l’Administration a précisé que la circonstance que le local meublé soit situé ou non dans un secteur touristique est sans incidence sur le régime de TVA applicable aux prestations d’hébergement qui y sont afférentes (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 n°50).

En effet, seule l’intention existante lors de l’acquisition du logement est déterminante pour prétendre exercer un droit à déduction de la TVA grevant les dépenses afférentes à ce dernier, intention qui doit être confirmée ensuite par des éléments concrets et objectifs matérialisant la réalisation de l’activité locative soumise à la TVA (mandat de location, contrat de prestations de services parahôteliers, etc.).

Il convient toutefois, au regard de la diversité des règlementations locales prises par les collectivités concernant les changements de locaux d’habitation en meublés de tourisme, de s’assurer que le propriétaire pourra effectivement louer son logement, sous peine de devoir renoncer à la perception de loyers soumis à la TVA, et, ainsi, à la possibilité de récupérer la TVA supportée en amont.

Opérations de transformation entraînant le paiement de la taxe pour création de bureaux en Ile-de-France (« TCB-IDF »)

Contrairement à la taxe d’aménagement (3), qui ne taxe pas les changements de destination sauf exception résiduelle, (4) la TCB-IDF s’applique à certaines transformations de locaux existants, même sans travaux (5).

Il ressort ainsi du Code de l’urbanisme que trois catégories de changement d’affectation de locaux entrent dans le champ d’application de cette taxe (6) :

– la transformation de locaux en locaux de bureaux / locaux professionnels ;

– la transformation de locaux affectés à un usage autre que de bureaux en locaux commerciaux (locaux destinés à l’exercice d’une activité de commerce de détail ou de gros et de prestation de services à caractère commercial, tels que restaurants, hôtels, résidences de tourisme, agences bancaires, etc.) ;

– la transformation de locaux affectés à un usage autre que de bureaux, de locaux commerciaux en locaux de stockage (locaux destinés à l’entreposage de produits, de marchandises ou de biens, lesquels ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production, tels qu’entrepôts, hangars, silos, dépôts, plateformes logistiques, etc.).

Certaines transformations sont également assujetties à cette taxe compte tenu de la qualité de l’occupant (par exemple et notamment : transformation de bureaux occupés par des personnes publiques et affectés à un service public en bureaux ; transformation de locaux utilisés par des membres des professions libérales en bureaux, etc.)7.

Le montant de la TCB-IDF est très significatif, pouvant s’élever jusqu’à 455,75 euros le mètre carré à usage de bureau en 1ère circonscription.

Le large champ d’application de cette taxe contraint ainsi nécessairement les porteurs de projet à se poser la question de la qualification du bien immobilier au moment de son acquisition, et des éventuels changements d’affectation à venir.

Changements d’affectation et impacts en matière de fiscalité locale

Le changement d’affectation d’un local va entrainer une modification de sa valeur locative cadastrale (VLC), laquelle sert au calcul de la taxe foncière ainsi que de la cotisation foncière des entreprises ou de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.

La VLC des locaux d’habitation est évaluée selon une méthode qui fait appel à des locaux communaux de référence auxquels sont affectés des loyers au m² pratiqués en 19708. Celle des locaux commerciaux est évaluée sur la base d’un grille tarifaire départementale qui contient des tarifs représentatifs de la moyenne annuelle des loyers pratiqués par type d’activité et par type de marché locatif9. Enfin, la VLC des locaux industriels10 est déterminée en appliquant un coefficient aux prix de revient des immobilisations foncières.

Un changement d’affectation d’un local au profit de l’un de ces trois groupes va entrainer un changement de méthode d’évaluation et une modification complète de ses bases imposables.

En outre, au sein même du groupe des locaux commerciaux, un changement de catégorie d’activité (bureaux transformés en magasin par exemple) modifierait profondément la VLC dès lors que le tarif serait changé ainsi que les modalités de pondérations des surfaces.

De plus, un changement entrainera la fin de l’application des dispositifs d’atténuation de la réforme de 2017 sur la VLC des locaux commerciaux11. Il s’agit du dispositif de planchonnement qui vise à limiter les variations de valeur locative, en diminuant de moitié l’écart entre l’ancienne valeur locative revalorisée et la nouvelle valeur locative révisée neutralisée. Cela concerne également le lissage qui consiste à étaler de manière dégressive sur 10 ans les écarts d’impositions résultant de la réforme.

Il s’avère donc impératif de mesurer pleinement les incidences fiscales d’un changement d’utilisation de locaux afin de les intégrer dans les budgets afférents à ce type d’opération. 

1. Certaines collectivités locales encadrent strictement les changements d’usage des locaux d’habitation en meublés de tourisme en imposant d’obtenir au préalable une autorisation de changement d’usage, qui ne peut être délivrée, dans de nombreux cas, qu’à la condition de transformer concomitamment une surface existante équivalent en habitation (principe de compensation).

2. Art. 261 D-4° b et b bis du CGI.

3. Seule la transformation de surfaces de plancher agricoles ou assimilées est considérée comme une opération de construction entraînant la création de surface taxable nouvelle et génère le paiement de la taxe d’aménagement.

4. Le régime de la taxe d’aménagement pourrait évoluer. Une proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements prévoit de compléter l’article 1635 quater B du Code général des impôts par l’alinéa suivant : « donnent également lieu au paiement de la part de la taxe d’aménagement instituée dans la commune ou l’EPCI les opérations soumises à déclaration préalable ou à permis de construire qui ont pour effet de changer la destination de locaux non destinés à l’habitation en locaux d’habitation ».

5. Art. R. 520-2 alinéa 1er C.urb.

6. Art. L. 520-2 C.urb.

7. Art. R. 520-2 C.urb.

8. Art. 1496 CGI.

9. Art. 1498 CGI.

10. Art. 1499 CGI.

11. Art. 1518 A CGI.

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Au sommaire de la lettre


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