La lettre de l'immobilier

Dossier / L’immobilier dans la tempête, quels sont les enjeux ?

Comment faire évoluer les engagements fiscaux souscrits ?

Publié le 25 octobre 2024 à 9h00

CMS Francis Lefebvre Avocats    Temps de lecture 8 minutes

Dans le contexte économique actuel, il est de plus en plus compliqué pour les promoteurs de respecter les engagements et délais imposés en matière fiscale. Focus sur les options pouvant permettre de faire évoluer les engagements souscrits.

Par Gaëtan Berger-Picq, avocat associé en fiscalité. Il conseille et assiste les entreprises, notamment en immobilier, dans l’ensemble des sujets relatifs à la TVA et à la taxe sur les salaires ainsi que dans le suivi et la gestion des contrôles et contentieux fiscaux. / Alexandra L’herminé, avocate en fiscalité. Elle conseille et assiste les entreprises dans le suivi et la gestion de contrôles fiscaux et de contentieux en matière de TVA et de taxe sur les salaires. / Frédéric Gerner, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en matière de conseil que de contentieux dans les questions relatives aux impôts directs, notamment celles liées aux restructurations intragroupes et à l’immobilier. / Et Nathan Kegler, avocat en fiscalité. Il intervient auprès d’entreprises et de particuliers, tant en conseil qu’en contentieux, notamment en fiscalité immobilière.

En matière de droits de mutation

Les acquisitions immobilières sont souvent placées sous un engagement de construire dans les quatre ans un immeuble neuf, ou de revendre dans les cinq ans, pour bénéficier d’un régime de faveur en matière de droits de mutation.

L’engagement de construire de l’article 1594 0G A du Code général des impôts (CGI) limite en effet l’imposition à 125 euros de droit fixe et l’engagement de revendre de l’article 1115 du CGI la réduit au taux proportionnel de 0,715 %.

Lorsque les circonstances évoluent de manière défavorable, comme cela a été fréquemment le cas au cours de ces derniers mois, se pose la question des alternatives.

La rigidité de l’engagement de revendre

A l’exception des acquisitions d’immeubles situés dans le périmètre d’une zone d’aménagement concerté par la personne chargée de l’aménagement ou de l’équipement de cette zone, aucune prorogation n’est possible.

Seule la force majeure délie de tout engagement mais les cas d’application sont exceptionnels. On signalera néanmoins une application récente par la cour administrative de Pau, le 5 mars 2024 (n° 23/00257), dans un cas où l’action en nullité engagée contre l’acquisition avait rendu impossible la revente dans le délai imparti.

Par ailleurs, il faut aussi noter qu’en cas d’acquisitions successives, le délai pour revendre imparti au premier acquéreur s’impose aux sous-acquéreurs successifs.

Il est en revanche possible de substituer un engagement de construire, qui prend effet à compter de la date à laquelle il est souscrit auprès de l’administration et qui vaut accomplissement de l’engagement de revendre.

Cette substitution peut donc être une véritable solution s’il est envisageable de réaliser ensuite des travaux de nature à produire un immeuble neuf.

La plus grande souplesse de l’engagement de construire

L’engagement de construire peut être prorogé, faire l’objet d’une substitution en engagement de revendre et être transféré à un nouvel acquéreur.

Les prorogations du délai pour construire

Sur demande, l’administration est habilitée à accorder des prorogations annuelles renouvelables.

Le refus de l’administration doit être motivé et notifié dans les deux mois de la demande.

Les services fiscaux sont généralement compréhensifs, mais il est conseillé de bien étayer les raisons de la demande, voire de la documenter en y joignant des pièces justificatives.

La substitution d’un engagement de revendre

L’engagement de construire peut être converti en engagement de revendre, dont le délai est alors réputé avoir démarré à la date de l’acquisition.

Le transfert de l’engagement de construire

Il est enfin possible de transférer un engagement de construire à un sous-acquéreur.

Le vendeur est alors libéré de tout engagement, alors que l’acquéreur prend le relais, en plus de son propre engagement de construire le cas échéant.

L’interprétation que l’administration fait de ce dispositif conduit en pratique à réduire le délai imparti au sous-acquéreur pour construire à une période de quatre ans décomptée à partir de l’acquisition grevée de l’engagement repris.

Il est néanmoins toujours possible de solliciter des prorogations du délai auprès de l’administration fiscale.

En cas de non-respect, seul le sous-acquéreur est redevable des droits auprès de l’administration, mais il n’est pas rare que le sous-acquéreur ait négocié avec le vendeur, au moment et en contrepartie de la reprise de son engagement, une garantie lui permettant de répercuter la charge du redressement sur le vendeur.

La construction par un tiers ?

Il semble enfin possible de tenir compte de l’achèvement de travaux de production d’un immeuble neuf par un tiers pour revendiquer le respect de l’engagement de construire. On pense par exemple aux travaux réalisés par un locataire.

En dernier recours : le paiement des droits assortis d’intérêts de retard

Il n’existe pas de procédure spécifique de régularisation des droits de mutation. Elle passe donc par une proposition de rectification suivie d’un avis de mise en recouvrement.

Il est néanmoins possible de se manifester auprès de l’administration pour qu’elle initie la procédure sans attendre, de manière à réduire la période de calcul des intérêts de retard.

En matière d’impôt sur le revenu

La prorogation éventuelle du délai d’achèvement prévu par l’article 199 novovicies du CGI (dispositif « Pinel »)

Outre les engagements à respecter en matière de droits de mutation, un autre délai s’impose très souvent aux professionnels de l’immobilier.

En effet, l’article 199 novovicies du CGI prévoit qu’il est indispensable que le logement acquis soit achevé dans un délai de 30 mois courant à compter de la signature de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement pour que son acquéreur puisse bénéficier de la réduction d’impôt « Pinel ».

Notons que si le dispositif « Pinel » a vocation à disparaître l’application de ce délai reste d’actualité pour les programmes immobiliers en cours de construction.

Or, son respect est de plus en plus compliqué, en raison notamment du contexte économique post-Covid et des nombreuses défaillances d’entreprises observées dans le domaine de la construction, des délais aléatoires de raccordement au gaz et à l’électricité par les concessionnaires ou des difficultés d’approvisionnement liées au conflit en Ukraine,  etc.

Il est donc de plus en plus fréquent que les promoteurs prennent l’initiative au bénéfice de leurs acquéreurs de déposer des demandes de rescrit auprès de l’administration fiscale pour obtenir une prorogation de ce délai.

Dans le cadre de cette démarche les services sollicités de l’administration exigent généralement qu’il soit fait état d’une interruption totale des travaux causée par des événements fortuits, imprévisibles et indépendants de la volonté des contribuables et du constructeur. Or, en pratique il peut être complexe de retrouver, a posteriori, l’ensemble des éléments et documents permettant cette démonstration.

Cette exigence pénalise ainsi les chantiers qui rencontrent des événements fortuits retardant les travaux, sans les interrompre, alors que leur impact est souvent tout aussi important sur l’avancée des travaux.

Un flux de demandes difficile à gérer

Aujourd’hui, les services centraux de l’administration fiscale transfèrent systématiquement le flux de demandes vers les services territoriaux désignés en fonction de la localité du programme immobilier concerné.

Les délais de réponse en résultant peuvent être plus ou moins longs (entre trois et cinq mois), et un traitement parfois hétérogène des demandes peut en résulter : suivant les services locaux interrogés, il n’est en effet pas rare que des positions divergentes soient prises sur des situations tout à fait similaires.

Cette situation crée une sérieuse insécurité juridique tant pour les investisseurs que pour les promoteurs pour lesquels le respect de ce délai représente un enjeu financier important au regard de l’engagement pris vis-à-vis de leurs clients. En pratique, l’on peut s’interroger sur la nécessité de conserver cette condition de délai qui ne semble plus adaptée au contexte actuel.

Pour finir, relevons que d’autres engagements restent insusceptibles de prorogation comme par exemple ceux conditionnant l’abattement sur les plus-values prévu par l’article 150 VE du CGI ou l’exonération prévue par l’article 150 U II 7° du CGI qui imposent aux promoteurs d’achever les logements dans un délai de quatre ans à compter de la date d’acquisition. Dans ce cadre, seule l’amende appliquée en cas de non-respect peut être contestée en cas de circonstances exceptionnelles au terme d’une analyse circonstanciée dont le résultat s’avère tout aussi incertain. 

Retrouvez tous les trimestres la Lettre de l'Immobilier avec notre partenaire, CMS Francis Lefebvre.
CMS Francis Lefebvre est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires français, dont l'enracinement local, le positionnement unique et l'expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée en droit fiscal, en droit des sociétés et en droit du travail. 

 

Au sommaire de la lettre


La lettre de l'immobilier

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