Par Guillaume Bouté, avocat counsel, docteur en droit, membre de l’équipe Restructuring & Insolvency. Il intervient au support de tous les acteurs confrontés aux problématiques liées aux difficultés des entreprises. / Pierre-Edouard Vino, avocat en droit immobilier. Il assiste des entreprises, des professionnels de l’immobilier, des investisseurs ou des collectivités publiques sur l’ensemble des aspects de droit immobilier.
Des difficultés persistantes pour le secteur immobilier
La guerre en Ukraine et l’emballement des cours des matières premières ont entraîné une inflation de l’ensemble des secteurs économiques. La hausse régulière des taux directeurs pour contrer cette hausse des prix a augmenté le coût du crédit et, de fait, les difficultés d’accès au crédit au moment même où la manne des prêts garantis par l’Etat et des diverses aides étatiques est épuisée et que les échéances de remboursement arrivent.
De nouvelles normes environnementales sont par ailleurs entrées en vigueur, imposant notamment des contraintes pour l’isolation des bâtiments, engendrant un surcoût pour les constructeurs (de 7 à 8 % selon la Fédération française du bâtiment).
La difficulté et la durée d’obtention des permis de construire sont aussi des freins à l’essor du secteur de la construction. Les permis de construire entre mai et juillet 2024 auraient ainsi diminué de 6,4 % par rapport à la même période de l’année dernière.
La loi Climat et résilience d’août 2021 a aussi participé à la baisse des nouvelles constructions, en fixant des objectifs d’atteinte au « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un seuil intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années.
Enfin, les taux de rendement en baisse et les CAPEX trop importants expliquent la baisse des transactions depuis 2022.
Chute des ventes et des constructions neuves et difficulté pour plusieurs acteurs du secteur de l’immobilier
Ces effets cumulés ont engendré une chute massive des ventes de logements, existants ou neufs.
Si toutes les composantes du secteur sont impactées (tertiaire et commercial) – les investissements dans le bureau auraient ainsi chuté à 1,5 milliard d’euros au 1er semestre 2024, priorité étant donnée au quartier central des affaires et aux offres premium sur les bureaux –, les classes d’actifs comme la logistique et l’hôtellerie semblent cependant souffrir moins de ce contexte dégradé.
La conjoncture économique affecte tous les acteurs du monde immobilier, en particulier les promoteurs, qui peinent à équilibrer le bilan de leurs opérations. Cela conduit des acteurs majeurs du secteur à recourir aux procédures dédiées de traitement des difficultés (procédures amiables : mandat ad hoc ou conciliation ou procédures judiciaires : sauvegarde ou redressement judiciaire).
Perspectives : simplification administrative et baisse des taux d’intérêt ?
Des mesures de simplification administrative sont annoncées, pour améliorer l’offre de logements et faciliter les nouvelles constructions.
Ainsi, dans sa déclaration de politique générale du 1er octobre 2024, le Premier ministre a souhaité « revitaliser la construction de logements » et déclaré : « Nous devons faire évoluer (…) la réglementation « zéro artificialisation nette » pour répondre aux besoins (…) du logement ».
Les diagnostics de performance énergétique devraient également être simplifiés, alors que les logements classés G doivent en principe sortir du marché des locations à partir du 1er janvier 2025.
Par ailleurs, dans ce contexte économique, ce sont surtout la rénovation et la réhabilitation des bâtiments existants qui sont privilégiées, car elles permettent de répondre à une partie de la demande de logements tout en assurant l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc immobilier existant.
En ce sens, les contrats de performance énergétique (conclus pour mettre en œuvre des mesures destinées à améliorer les performances énergétiques d’ouvrages existants) sont de plus en plus fréquents.
Par ailleurs, dans un contexte géopolitique tendu, la stabilité politique et économique en Europe reste une source d’attractivité. Même si les élections municipales de 2026 demeurent un facteur de frilosité des acteurs.
Enfin, la baisse des taux d’intérêt enclenchée ces derniers mois devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2025 au moins et permettre ainsi d’améliorer les conditions d’accès au crédit immobilier. La tendance semble également à la baisse des prix de l’immobilier, ce qui devrait aussi permettre de relancer certains secteurs du marché.