Par Guillaume Bouté, avocat counsel / Louis Urvois, avocat en droit immobilier. Il intervient principalement sur toutes les problématiques en matière de baux commerciaux, aussi bien en conseil qu’en contentieux.
Le droit concédé à une entreprise d’occuper pour les besoins de son activité des locaux est une des pierres angulaires de son activité, le local pouvant même être l’élément essentiel de cette activité.
Le droit protège donc la propriété commerciale y compris lorsque le preneur se trouve emporté dans le tourbillon des procédures de faillite (1) ! Ainsi, aucune résiliation du bail des locaux affectés à l’activité ne peut intervenir du fait de l’ouverture de la procédure ou d’arriérés locatifs correspondant à une occupation antérieure à la procédure (2).
Toutefois, lorsque l’intérêt du débiteur le commande, les organes de sa procédure collective sont habilités à mettre un terme au contrat sans aucun égard pour le bailleur (3).
Pire, le sous-locataire, à qui le preneur principal ne peut consentir plus de droits qu’il n’en détient, assistera impuissant à la disparition de son droit en cas de résiliation du bail principal.
Résiliation du bail principal
Dans l’hypothèse retenue, le bail principal est en cours d’existence et d’exécution à l’ouverture de la faillite, le bailleur n’ayant pas obtenu de décision passée en force de chose jugée constatant ou prononçant la résiliation (4). Dès lors, aucune résiliation ne peut plus intervenir du fait de l’arriéré locatif. A l’inverse, le preneur principal et les organes de sa procédure collective ont un pouvoir quasi absolu, sur le sort du bail qu’ils peuvent résilier ad nutum.
Dans un tel cas, la situation du sous-locataire sera, au mieux (5), traitée soit dans le cadre des contrats en cours (6), c’est-à-dire que le preneur principal pourra obtenir du juge-commissaire la résiliation du sous-bail, soit de manière encore plus radicale en application de la règle de l’accessoire - le sous-bail est résilié du fait de la résiliation du bail principal ! Dans ce dernier cas, la résiliation du bail principal est susceptible de conférer au sous-locataire un droit direct au renouvellement auprès du bailleur, sous certaines conditions qui, en pratique, sont rarement réunies (7).
Cette précarité pourrait conduire les parties prenantes à recourir plus fréquemment au joker de l’élévation du sous-locataire.
Elévation du sous-locataire
Il s’agit de la situation dans laquelle les co-occupants des locaux ne seraient plus dans un lien de principal à accessoire mais dans un lien égalitaire.
Cette élévation peut intervenir de manière conjointe ou solidaire. Il est toutefois peu probable qu’une occupation conjointe au titre d’un même bail soit pratiquée : elle cumule les inconvénients d’un bail unique et d’une multiplicité de preneurs sans apporter quoi que ce soit au bailleur.
A l’inverse, le recours à la solidarité a le mérite de ne produire ses effets qu’en cas de défaillance du preneur « principal ». Son principal inconvénient est pour le « sous-locataire » de le rendre débiteur de l’arriéré locatif du preneur « principal ». Toutefois une solidarité déclenchée à la seule ouverture de la procédure pourrait être envisagée, elle serait neutre pour le débiteur en difficulté et donc échapperait probablement aux dispositions interdisant les clauses aggravant la situation du débiteur du fait de sa procédure collective (8).
1. Sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires.
2. Art. L. 622-14 C. com (procédure de sauvegarde) ; Art. L. 631-14 C. com (procédure de redressement judiciaire).
3. IBID.
4. Par ex. via l’acquisition de la clause résolutoire.
5. Car dans un tel cas, la loi prévoit que le cocontractant peut tenter de faire valoir que la résiliation du contrat en cours aurait des conséquences manifestement excessives à son égard. Limite introduite par l’ordonnance du 18 décembre 2008 et peu mise en œuvre toutefois.
6. Art. L. 622-13 C. com (procédure de sauvegarde) ; Art. L. 631-14 C. com (procédure de redressement judiciaire).
7. Art. L. 145-32, al. 2 C. com : le droit direct du sous-locataire au renouvellement du sous-bail suppose que (i) le bail principal soit expiré, (ii) le sous-bail soit opposable au bailleur et que (iii) les locaux objets du bail principal ne soient pas indivisibles matériellement ou dans la commune intention des parties – l’indivisibilité des locaux est souvent stipulée dans les baux.
8. Art. L. 622-13 C. com (procédure de sauvegarde) ; Art. L. 631-14 C. com (procédure de redressement judiciaire).