Les locations de courte durée telles qu’Airbnb devraient pleinement profiter des Jeux olympiques organisés à Paris. Il sera en revanche plus difficile, ces prochaines années, de développer ce type d’offres, un certain nombre de villes souhaitant contrer l’essor de ce marché, considéré notamment comme responsable de la pénurie de logements. Pour ce faire, les villes disposent de divers dispositifs qui se superposent, au risque d’ailleurs de manquer de lisibilité.
Par Florence Chérel, avocat associé en droit immobilier. Elle accompagne les entreprises (investisseurs, promoteurs, aménageurs) dans le cadre de projets de développement notamment en matière de maîtrise foncière, de montages contractuels et contrats de construction, de suivi des procédures d’aménagement, de l’intégration des contraintes environnementales ou de l’obtention des autorisations administratives préalables.
Pierre-Edouard Vino, avocat en droit immobilier. Il assiste des entreprises, professionnels de l’immobilier, investisseurs ou collectivités publiques sur l’ensemble des aspects de droit public immobiliers.
Et Laure Mimoun, avocate en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Elle intervient dans le cadre de projets immobiliers et opérations d’aménagement.
La protection des logements existants
Une première stratégie consiste à préserver les logements existants et à empêcher leur utilisation en meublés de tourisme.
A ce titre, l’article L. 631-7 Code de la construction et de l’habitation1 soumet le changement d’usage de locaux d’habitation, dans les communes de plus de 200 000 habitants ou les communes ayant institué volontairement un tel contrôle, à une autorisation administrative préalable conditionnée à la réalisation d’une compensation. La compensation consiste en la transformation concomitante en logements de locaux ayant un autre usage.
Le code prend à cet égard soin de préciser que le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile – ce qui vise donc les meublés de tourisme – constitue un changement d’usage.
Instauration d’un contrôle très strict du changement d’usage des locaux d’habitation
A cette fin, le conseil municipal concerné édicte un règlement municipal, qui régit les conditions de compensation.
A titre d’exemple, le 15 décembre 2021, la Ville de Paris a décidé de durcir davantage son règlement avec l’adoption de nouvelles modifications créant notamment un nouveau secteur encadrant plus sévèrement les transformations de logements en meublés de tourisme.
Le règlement modifié crée ainsi un nouveau secteur, défini sur la base du nombre de déclarations des meublés de tourisme effectuées auprès de la Ville et incluant Paris centre, 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 11e et 18e au sein duquel les règles de compensation applicables sont plus sévères.
Dans ce secteur, il est désormais exigé une surface triple de celle faisant l’objet de la demande de changement d’usage, dans le même quartier, et ce, y compris en cas de compensation sous forme de logements locatifs sociaux.
Outre l’introduction d’un nouveau secteur renforcé pour la transformation de logements en meublés de tourisme, le conseil de Paris a adopté plusieurs mesures complémentaires dont l’extension à tout le secteur dit de « compensation renforcée » de l’obligation de proposer un nombre de logements créés au moins équivalent au nombre de logements supprimés.
Notons que de nombreuses autres communes ont récemment décidé d’adapter leur réglementation locale en encadrant, parfois rigoureusement, les possibilités de mettre en location des meublés de tourisme, et, partant, de transformer des logements. Pour ne citer que quelques exemples topiques, certaines villes de la communauté d’agglomération du Pays Basque ont instauré une procédure d’autorisation de changement d’usage applicable à tout meublé de tourisme situé au sein de l’enveloppe bâtie d’une résidence principale.
Le législateur s’est lui-même récemment emparé de la question, en déposant une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue. Le 29 janvier 2024, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, cette proposition de loi.
La préservation des activités commerciales existantes
La limitation des meublés de tourisme a également pour objectif de préserver les locaux commerciaux.
Selon l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme, sur le territoire des communes soumises au contrôle du changement d’usage précédemment évoqué et ayant décidé de mettre en œuvre la procédure d’enregistrement préalable des locations, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.
Les locaux protégés sont ici non plus les logements mais les locaux commerciaux entendus comme les locaux d’artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services avec accueil d’une clientèle, hôtels, autres hébergements touristiques et cinéma.
Cette autorisation est délivrée au regard des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local.
Le conseil municipal définit ainsi :
1° Les principes de mise en œuvre des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services ;
2° Les critères utilisés pour délivrer l’autorisation prévue. Ces critères peuvent être mis en œuvre de manière différenciée sur le territoire de la commune, en fonction de la situation particulière de certains quartiers ou zones.
La ville de Paris a par exemple adopté son règlement le 15 décembre 2021. Celui-ci énonce des critères laissant la place à un certaine marge d’appréciation : la transformation du local ne doit pas contribuer à rompre l’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services et la location ne doit pas entraîner de nuisances pour l’environnement urbain.
Le pilotage de la répartition des activités par le PLU : l’exemple du PLU Bioclimatique de Paris
Le projet de Plan local d’urbanisme bioclimatique (« PLUb ») de Paris a été adopté par le conseil de Paris le 5 juin 2023.
Ce PLUb est l’occasion pour la ville de Paris de mettre en application sa politique de lutte contre les meublés de tourisme, considérés comme ayant des effets néfastes sur le nombre de constructions destinées à l’habitation, le tissu commercial et la fréquentation des équipements de proximité.
Instauration d’un secteur spécifique d’encadrement
Sont concernés les quartiers comportant un nombre excessif de locations meublées touristiques présentant une densité de numéros d’enregistrements délivrés pour effectuer de la location meublée touristique de plus de 75 pour 1 000 résidences principales au 1er juillet 2021. Le règlement graphique délimite le même secteur des arrondissements 1 à 11 et une partie du 18e arrondissement.
Interdiction des meublés de tourisme dans ce secteur
Les meublés de tourisme sont définis par le règlement du PLUb comme les « villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».
Ces meublés de tourisme relèvent de la sous-destination « autres hébergement touristiques » du PLUb.
Dans le secteur d’encadrement des hébergements touristiques, la création de locaux relevant de cette sous-destination est interdite, quelle que soit la destination d’origine.
Cette interdiction ne concerne pas les locaux à usage d’habitation offerts à la location moins de 120 jours au cours d’une même année, lesquels relèvent de la sous-destination « Logement ».
1. Articles L. 631-7 et suivants.