Par Lucie Menerault, avocat en droit immobilier. Elle intervient en conseil et rédaction d’actes comme en contentieux en matière de droit immobilier, avec une dominante en droit de la construction.
Par un arrêt du 21 mars 2024 (n°22-18.694), la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en retenant que, sauf à constituer des ouvrages, les éléments d’équipement installés sur un ouvrage existant ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale, quelle que soit la gravité des désordres qu’ils occasionnent.
Le champ d’application textuel des garanties biennales et décennales
La garantie décennale porte sur les dommages « qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination » ainsi que sur ceux « qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert » (art. 1792 et 1792-2 du Code civil).
La garantie biennale garantit le bon fonctionnement des « autres éléments d’équipements », soit ceux qui sont dissociables de l’ouvrage (art. 1792-3 du Code civil).
Les hésitations jurisprudentielles quant aux éléments installés sur existant
Depuis 2017, la jurisprudence retenait que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relevaient de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination (Civ. 3e 15.06.2017 n°16-19640).
Le revirement opéré par l’arrêt du 21 mars 2024
La Cour de cassation exclut désormais les garanties biennale et décennale s’agissant de désordres causés par un élément d’équipement installé sur existant, sauf à ce que cet équipement constitue en lui-même un ouvrage. Au cas particulier, un incendie causé par un insert installé dans une maison l’avait détruite intégralement. L’arrêt retient que ces dommages relèvent de la responsabilité de droit commun. Dès lors, la preuve d’une faute du constructeur sera désormais nécessaire pour engager sa responsabilité. Cette solution, qui renoue avec la jurisprudence antérieure à 2017, s’applique aux instances en cours. n