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Locations meublées de courtes durées : quels enjeux en fiscalité locale ?

Publié le 22 mai 2024 à 17h40

CMS Francis Lefebvre    Temps de lecture 7 minutes

Par Alexis Bussac, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en conseil qu’en contentieux particulièrement en matière de fiscalité locale.

Et David Barreau, avocat en fiscalité. Il intervient plus particulièrement dans les dossiers de conseil et de contentieux en matière de fiscalité locale.

Le tourisme est un des secteurs majeurs de notre économie nationale, la France étant en effet la première destination touristique mondiale.

Si l’on en croit les données publiées par certaines plateformes de locations saisonnières – qui présentent la France comme l’un de leurs principaux marchés – un nombre croissant de français développe une activité de locations touristiques de courtes durées, qu’il s’agisse de tout ou partie de leur résidence principale ou secondaire, ou plus simplement d’un investissement locatif dédié.

Au-delà de l’épiphénomène des Jeux olympiques de 2024, cette tendance de fond s’accompagne d’impacts fiscaux qui sont pour certains méconnus, mais qu’il convient pourtant d’anticiper.

Voici un aperçu des principaux enjeux en matière d’impôts locaux.

La taxe d’habitation

Bien que supprimée pour nombre de foyers, la taxe d’habitation n’a pas totalement disparue. Elle reste en effet due « pour tous les locaux meublés affectés à l’habitation autres que ceux affectés à l’habitation principale » (CGI, art. 1407-I, 1°), c’est-à-dire pour les résidences secondaires.

La distinction entre résidence principale et résidence secondaire est, sauf quelques cas particuliers, relativement aisée. La résidence principale correspond en effet au logement « dans lequel le contribuable réside habituellement et effectivement avec sa famille » (BOI-IF-TH-20-20-20 n° 40). Et dans la mesure où la doctrine fiscale ne reconnait pas la pluralité de résidences principales, y compris pour les contribuables tenus d’avoir deux résidences pour des raisons professionnelles ou qui bénéficient d’un logement de fonction, les autres logements dont dispose le contribuable sont de facto considérés comme des résidences secondaires (Réponse ministérielle Paul, JO Sénat du 20/07/2023 - page 4545).

Les propriétaires et locataires de logements ne sont donc pas redevables de la taxe d’habitation pour leur résidence principale, et la circonstance qu’ils offrent tout ou partie de celle-ci en locations de courtes durées, que ce soit de manière exceptionnelle (ex. JO 2024) ou régulière (ex. week-ends, vacances, saisons), est à cet égard sans incidence.

La situation est un peu plus complexe pour les propriétaires et (plus rarement) locataires de logements dans lesquels ils ne fixent pas leur résidence principale, et y proposent des locations ou sous-locations saisonnières, car, à l’instar de la prose de M. Jourdain, certains contribuables disposent d’une résidence secondaire sans le savoir.

En effet, lorsqu’un logement meublé fait l’objet de locations saisonnières, le propriétaire est redevable de la taxe d’habitation dès lors qu’au 1er janvier de l’année de l’imposition, « il peut être regardé comme entendant en conserver la disposition ou la jouissance une partie de l’année » (CE, 2 juillet 2014, n° 369073). Ainsi, le propriétaire d’un bien immobilier qui le propose en location meublée la quasi-totalité de l’année, mais qui entend s’en réserver la jouissance même sur de très courtes périodes, sera imposé à la taxe d’habitation des résidences secondaires au titre de celui-ci.

De surcroit, la notion de « disposition » ne signifie pas qu’il doive être effectivement occupé par le propriétaire, mais seulement que ce dernier puisse, en théorie, en disposer une partie de l’année. Tel sera par exemple le cas d’un contribuable qui loue son appartement plusieurs mois dans l’année par des baux non reconductibles, et qui ne fait ensuite aucune démarche pour assurer sa mise en location (CE, 30 novembre 2007, n° 291252).

A l’inverse, le propriétaire qui propose son bien en location saisonnière toute l’année, qui donne à une agence un mandat qui ne lui réserve aucune possibilité de séjour, et qui n’y séjourne pas effectivement, n’est pas redevable de la taxe d’habitation même si le bien ne se trouve pas loué toute l’année (CAA Bordeaux, 20 mai 1997, n° 95-949).

La cotisation foncière des entreprises

Si la taxe d’habitation reste un impôt familier pour les foyers français, en raison de sa suppression très récente pour les résidences principales, tel n’est pas le cas de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Elle est donc rarement anticipée par les loueurs en meublés.

Pourtant, les activités de location ou de sous-location d’immeubles meublés, y compris des locaux d’habitation, sont réputées exercées à titre professionnel au sens des règles qui régissent la CFE (art. 1447 du CGI). Les particuliers qui proposent leurs biens en locations saisonnières entrent donc par principe dans le champ d’application de la CFE.

Ils peuvent néanmoins en être exonérés sous certaines conditions :

  • Exonération de plein droit

Sont exonérés de la CFE « les propriétaires ou locataires qui louent accidentellement une partie de leur habitation personnelle, lorsque d’ailleurs cette location ne présente aucun caractère périodique » (art. 1459, 1° du CGI).

Pour l’application de ces dispositions, la notion d’habitation personnelle renvoie à la fois à celle de résidence principale et de résidence secondaire, telles que définies plus haut en matière de taxe d’habitation (BOI-IF-CFE-10-30-10-50 n° 50). Dès lors, les investisseurs qui ont acquis un bien immobilier en vue de le louer, et qui ne s’en réservent pas la jouissance durant les périodes de vacance locative, ne peuvent pas bénéficier de cette exonération.

Par ailleurs, les locations ne doivent pas être habituelles et périodiques. A cet égard, il a été jugé qu’un propriétaire qui, tous les ans, donne en location pendant quelques semaines ou mois l’appartement qu’il possède et dont il conserve la disposition le reste de l’année, exerce une activité de location qui présente un caractère périodique. Il ne peut donc pas bénéficier de l’exonération prévue à l’article 1459, 1° en faveur des personnes qui louent une partie de leur habitation personnelle à titre accidentel (CE, 11 mai 1987, n° 56365). A l’inverse, celui qui loue sa résidence principale ou secondaire à titre exceptionnel, par exemple à l’occasion des Jeux olympiques, ne deviendra pas redevable de la CFE du fait de cette seule location.

  • Exonération sauf délibération contraire des collectivités territoriales

Outre l’exonération de plein droit des locations dites « accidentelles », l’article 1459 du CGI prévoit, en son 3°, une exonération de CFE qui a vocation à s’appliquer sauf si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale doté d’une fiscalité propre a voté sa suppression.

Sont concernées les personnes qui louent ou sous-louent tout ou partie de leur habitation personnelle, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire. A l’instar de l’exonération de plein droit prévue par le 1° de l’article 1459 du CGI, cette exonération n’est pas applicable aux investissements locatifs dont le propriétaire ne se réserve pas la jouissance en dehors des périodes de location.

La mise en œuvre de l’ensemble de ces règles peut conduire à des situations contre-intuitives. Ainsi, des locaux loués meublés qui ne constituent pas l’habitation personnelle du loueur seront assujettis à la CFE au nom de ce dernier, tout en pouvant être également imposés à la taxe d’habitation au nom du locataire si celui-ci n’y fixe pas sa résidence principale. Plus subtil encore, les personnes qui louent ou sous-louent tout ou partie de leur résidence secondaire située dans une commune ayant voté la suppression de l’exonération de l’article 1459, 3° du CGI, peuvent être amenées à payer cumulativement la taxe d’habitation et la CFE selon des modalités empiriques variant en fonction des services fiscaux.

Quand suppression ne rime pas avec simplification.


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