«L’autoconsommation d’électricité n’a cependant pas d’effet, pour l’instant, sur les infrastructures des réseaux électriques.»
La Smart City, une ville durable
Rudolf Giffinger, expert du développement urbain et régional, a énoncé six critères pour définir ce qu’est la Smart City1 : économie intelligente (Smart Economy), gouvernance intelligente (Smart Governance), mobilité intelligente (Smart Mobility), environnement et énergie durable (Smart Environment), habitat intelligent (Smart Living) et écocitoyenneté (Smart People).
Cette ville durable s’appuie sur les technologies de l’information et de la communication pour améliorer ses services et optimiser la consommation de ses ressources, notamment énergétiques. Ainsi, dans le secteur de l’énergie durable, les technologies intelligentes, parmi lesquelles les compteurs intelligents, favorisent le développement des énergies renouvelables et de l’autoconsommation, permettant ainsi la construction du «Smart Environment».
Le modèle électrique français de la Smart City : des Smart Grids plus que des Microgrids
La Smart City peut s’appuyer sur l’autoconsommation d’électricité, c’est-à-dire sur la capacité à décompter les flux électriques entrants et sortants d’un même site ou d’un groupe défini de producteurs/consommateurs et à établir ainsi un solde net de ces flux, ce décompte étant désormais permis par le développement des Smart Grids (installation de compteurs intelligents, entre autres).
L’autoconsommation d’électricité est en réalité une construction économique et juridique, car l’électricité suit physiquement toujours le plus court chemin. Elle tend à remplacer de grandes unités de production et de réseaux de transport à haute tension par de la production répartie. Elle n’a cependant pas d’effet, pour l’instant, sur les infrastructures des réseaux électriques, même si des réflexions stratégiques sont en cours sur la tarification de l’acheminement de l’électricité autoconsommée et sur les enjeux de péréquation tarifaire et de solidarité nationale.
L’autoconsommation se distingue, il faut y insister, des réseaux fermés de l’article L.344-1 du Code de l’énergie, qui rejoignent la notion de Micro-grids : ce sont des réseaux qui acheminent de l’électricité à l’intérieur d’un site géographiquement limité et qui alimentent un ou plusieurs consommateurs exerçant des activités de nature industrielle, commerciale ou de partages de services. Le recours à ces Micro-grids est aujourd’hui strictement encadré par le Code de l’énergie et est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité administrative. Et surtout, leur situation est particulièrement incertaine en France : l’ordonnance de 2016 créant ces réseaux fermés2 n’a à ce jour pas encore été ratifiée et les textes règlementaires d’application ne sont toujours pas parus, ce qui ne saurait traduire une simple négligence administrative.
En l’état du droit, tout consommateur final d’électricité doit nécessairement disposer de son propre raccordement au réseau basse tension, le raccordement indirect d’un consommateur étant strictement prohibé depuis l’arrêt Valsophia de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 4 septembre 2018, pourvoi n° 17-13015). Cette interdiction constitue un obstacle à la diversification des modalités de gestion des réseaux électriques locaux et au développement des Micro-grids.
L’autoconsommation au sein de la Smart City
Encouragée par la loi sur la transition énergétique3, l’autoconsommation est individuelle ou collective selon la distinction établie par l’ordonnance relative à l’autoconsommation d’électricité4 ratifiée par la loi du 24 février 20175. Ces deux types d’opérations d’autoconsommation peuvent d’ailleurs coexister au sein d’une Smart City.
L’électricité de l’opération d’autoconsommation, qu’elle soit individuelle ou collective, est valorisée selon plusieurs schémas : soit en autoconsommation totale, soit en autoconsommation partielle, avec vente, le cas échéant, du surplus (plusieurs schémas de vente existent alors). Dans tous les cas, cette opération d’autoconsommation ne dispense pas les consommateurs d’électricité de disposer de leur propre contrat de fourniture d’électricité pour leurs besoins non couverts par l’autoconsommation.
L’autoconsommation individuelle
Autorisée sans limitation de puissance, elle exige une stricte identité entre le producteur et le consommateur dont les installations de production et de consommation doivent être situées sur un même site6.
Des réflexions sur cet autoconsommateur sont cependant en cours (dans le projet de loi Energie-Climat, notamment) afin de permettre que l’opération d’autoconsommation individuelle soit «gérée par un tiers» en ce qui concerne l’installation et la gestion, ce tiers demeurant soumis aux instructions de l’autoconsommateur.
L’autoconsommation collective
Elle concerne un ensemble de producteurs et de consommateurs partageant une même source électrique selon des clés de répartition convenues entre les parties.
Elle impose le regroupement des producteurs et consommateurs au sein d’une personne morale organisatrice de l’opération d’autoconsommation («la PMO»)7 qui signe un contrat avec le gestionnaire du réseau public de distribution. La forme juridique de cette personne morale est libre. Le contrat avec le gestionnaire de réseau fixe les modalités de gestion, les engagements et responsabilités réciproques des participants à l’opération pendant toute la durée de celle-ci ainsi que les différents coefficients de répartition de la production applicables à chaque consommateur. Pour chaque consommateur, ces productions considérées comme autoconsommées diminuent d’autant la quantité d’énergie facturée par son fournisseur sur la part «fourniture» de la facture.
Jusqu’à l’adoption de la loi PACTE8, il était prévu que les points de soutirage et d’injection soient situés «en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension». Depuis la loi PACTE et dans un souci de simplification, les points de soutirage et d’injection doivent être situés «sur le réseau basse tension» en respectant un critère de proximité géographique – les textes réglementaires sont en cours d’élaboration, mais il semblerait que cette distance soit relativement faible (de l’ordre du kilomètre). Cependant, les débats parlementaires survenus à l’occasion du projet de loi Energie-Climat ont visé à limiter le périmètre de l’opération d’autoconsommation collective aux personnes situées «dans le même bâtiment, y compris les immeubles résidentiels». Pour éviter cela, les parlementaires favorables au développement de l’autoconsommation collective ont introduit la notion «d’autoconsommation collective étendue» lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale dont les points de soutirage et d’injection sont situés sur le réseau basse tension et respectent les critères, notamment de proximité géographique. Elle figure dans le texte de la commission mixte paritaire.
Dans tous les cas, cette exigence de raccordement en basse tension interdit de produire l’électricité sous une puissance supérieure à 1 MW dans le cadre de l’opération d’autoconsommation collective, ce qui limite le périmètre d’une telle opération et exclut pratiquement les cas où l’opération d’autoconsommation au sein de la Smart City engloberait une activité industrielle.
Enfin, il conviendra d’examiner avec attention comment sont finalement transposées en droit français, par le projet de loi Energie-Climat, les «communautés d’énergie renouvelable» ainsi que «les communautés énergétiques citoyennes» des directives européennes du Paquet «une énergie propre pour tous les Européens» pour en tirer des conséquences sur le développement des Smart Cities.
1. Rudolf Giffinger, Smart Cities – Ranking of European medium-sized cities, Centre of Regional Science, 2007.
2. Ordonnance n° 2016-1725 du 15 décembre 2016 relative aux réseaux fermés de distribution.
3. Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 119.
4. Ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité.
5. Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 de ratification de l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité.
6. Article L.315-1 du Code de l’énergie.
7. Article L.315-2 du Code de l’énergie.
8. Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.